Agnès Martin-Lugand - Les gens heureux lisent et boivent du café

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Les gens heureux lisent et boivent du café: краткое содержание, описание и аннотация

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« Ils étaient partis en chahutant dans l'escalier. […] J'avais appris qu'ils faisaient encore les pitres dans la voiture, au moment où le camion les avait percutés. Je m'étais dit qu'ils étaient morts en riant. Je m'étais dit que j'aurais voulu être avec eux. »
Diane perd brusquement son mari et sa fille dans un accident de voiture. Dès lors, tout se fige en elle, à l'exception de son cœur, qui continue de battre. Obstinément. Douloureusement. Inutilement. Égarée dans les limbes du souvenir, elle ne retrouve plus le chemin de l'existence. C'est peut-être en foulant la terre d'Irlande, où elle s'exile, qu'elle apercevra la lumière au bout du tunnel.
Entre «
» et «
», l'histoire de Diane nous fait passer par toutes les émotions. Impossible de rester insensible au parcours tantôt dramatique tantôt drôle de cette jeune femme à qui la vie a tout donné puis tout repris, et qui n'a pas d'autre choix que de faire avec.

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— Où sont les poubelles ? demandai-je en me levant.

— J’ai déjà regardé, il n’y a rien, me répondit Félix.

— Tu n’as pas bien regardé.

Je m’écroulai au sol et me tins le ventre en pleurant. Félix me prit dans ses bras et me berça. Je frappai sur son torse avec mes poings.

— Calme-toi… calme-toi.

— C’est impossible, je ne peux pas l’avoir perdue.

— Je suis désolé.

— C’est peut-être l’occasion de tourner la page, intervint Judith. Je ne sais pas, mais si ton mari t’a larguée…

— Il ne m’a pas « larguée ».

Félix prit ma main et la serra fort. Je cherchai l’air, et me blottis de nouveau contre lui. Sans m’en éloigner, je me tournai vers Judith.

— Colin est… Colin est mort.

— Va au bout, me murmura Félix à l’oreille.

— Et Clara… notre fille… est partie avec lui.

Judith porta la main à sa bouche. Félix m’aida à me relever. Je croisai les regards de Jack et d’Abby sans les voir.

— Je vais continuer à chercher, je la retrouverai promit Judith.

Abby et Jack se contentèrent de me serrer contre eux, je gardai les bras le long du corps, le regard dans le vague. Félix me soutint jusqu’à la voiture. Il attacha ma ceinture de sécurité et emprunta la route du cottage.

Il m’aida à me coucher. Après m’avoir fait avaler un cachet d’aspirine, il s’allongea à côté de moi et me prit dans ses bras. Je perdis la notion du temps. J’étais vide.

— Je dois y aller, me dit-il. J’ai mon avion à prendre. Tu veux rentrer avec moi ?

— Non, je reste ici.

— Je t’appelle rapidement.

Je lui tournai le dos. Il m’embrassa. Je n’eus aucun geste pour lui. J’écoutai le son de ses pas. Il ferma silencieusement la porte de la demeure. J’entendis sa voiture s’éloigner. J’étais seule. Et Colin et Clara étaient morts une seconde fois.

Depuis trois jours, je restais prostrée dans un fauteuil du séjour. Je tenais toujours à la main les photos de Colin et Clara. Avant de repartir à Dublin, Judith était venue me dire au revoir. Elle n’avait pas retrouvé mon alliance.

Lorsque des coups retentirent de nouveau à ma porte, c’est en traînant des pieds que j’allai ouvrir. Edward se tenait sur le seuil.

— Tu es la dernière personne que je veuille voir, lui dis-je avant de commencer à refermer la porte.

— Attends, me répondit-il en la bloquant avec son poing.

— Qu’est-ce que tu veux ?

— Te donner ça, je viens de la trouver devant chez moi. Elle a dû tomber l’autre nuit. Tiens.

Je ne pouvais plus bouger, je fixai mon anneau qui se balançait sous mes yeux. En tremblant, j’avançai une main. Les larmes ruisselaient sur mon visage. Edward lâcha doucement la chaîne quand ma paume se referma dessus. Je me jetai dans ses bras en sanglotant de plus belle. Il resta sans réaction.

— Merci… merci, tu ne peux pas imaginer…

Mon corps relâchait toute la tension accumulée ces derniers jours. Je m’accrochai à Edward comme à une bouée de sauvetage. Mes pleurs étaient intarissables. Je sentis la main d’Edward sur mes cheveux. Ce simple contact m’apaisa, mais me fit réaliser dans quels bras j’étais.

— Excuse-moi, lui dis-je en m’écartant légèrement de lui.

— Tu devrais la remettre autour de ton cou.

Mes mains tremblaient tellement que j’étais incapable de saisir le fermoir.

— Je vais t’aider.

Il prit la chaîne, l’ouvrit et passa ses bras autour de mon cou. Ma main partit directement à la recherche de mon alliance, je la serrai de toutes mes forces. Edward se recula, et durant quelques secondes on ne se quitta pas des yeux.

— Je vais te laisser, dit-il en passant une main sur son visage.

— Je peux t’offrir quelque chose à boire ?

— Non, j’ai du travail. Une autre fois.

Je n’eus pas le temps de lui répondre, il était déjà parti.

J’étais allée rendre visite à Abby et Jack pour les remercier de leur aide. Ils avaient été très discrets sur le sujet. Cela avait été autre chose de gérer Judith par téléphone, elle ne comprenait pas pourquoi je n’avais pas parlé plus tôt. J’avais senti qu’elle avait contenu tant bien que mal sa curiosité. En revanche, je n’avais toujours pas eu le cran de remercier mon voisin comme il se devait.

Alors que je prenais le grand air, assise sur la plage, je vis Postman Pat gambader vers moi. Il vint chercher des caresses et se coucha à mes pieds. Il tombait à point nommé, je commençais à congeler sur place, et il me réchauffait déjà.

— Dis donc, tu pourrais me filer un coup de main, je ne sais pas trop quoi dire à ton maître. Il m’a encore sauvé la vie, et je ne voudrais pas paraître ingrate. Tu as une idée ?

Il posa sa tête entre ses pattes et ferma les yeux.

— Tu n’es pas plus bavard que lui, hein ?

— Bonjour, me dit une voix rauque derrière moi.

Depuis quand était-il là ?

— Bonjour.

— S’il te gêne, vire-le.

— Non, au contraire.

Edward eut un sourire en coin. J’étais certaine qu’il avait tout entendu. Il s’accroupit et déposa un sac par terre. Il sortit un appareil photo, s’alluma une cigarette et me tendit son paquet sans un mot. Je me servis et pris mon courage à deux mains.

— Je voulais te remercier.

— C’est bon.

— Non, je voudrais faire quelque chose pour toi. Dis-moi.

— Tu es têtue. Puisque tu insistes, paye-moi une bière ce soir, au pub.

Il se releva et partit en direction de la mer.

— À plus tard, me lança-t-il simplement.

J’étais garée devant le pub depuis un quart d’heure. Edward était déjà là. Je n’arrivais pas à sortir de ma voiture. Je m’apprêtais à aller boire un verre avec mon ennemi juré. Certes, il m’avait rendu mon alliance, mais ça n’effaçait pas l’ardoise. J’aurais aimé avoir la certitude que cela ne finirait pas en pugilat. En poussant la porte du pub, je le vis installé au comptoir, une bière devant lui, un journal à la main. Je le rejoignis et restai debout à ses côtés. Il ne remarqua pas ma présence.

— Vais-je encore avoir besoin de te l’arracher des mains ? lui demandai-je.

— Je croyais que tu te dégonflerais.

— C’est mal me connaître.

Il adressa un signe au barman. Il s’approcha, Edward lui tendit sa pinte vide et lui en commanda deux. Je n’eus pas le temps de réagir qu’il payait à ma place. Judith m’avait prévenue, son frère était un macho.

J’étais mal, très mal. Une pinte de Guinness me défiait. J’avais déjà remarqué que toutes les Irlandaises en buvaient, mais je n’étais pas irlandaise. J’étais une petite Parisienne qui pensait dur comme fer que cette bière était dégueulasse. Mon estomac avait déjà enduré leur piquette, il tiendrait le choc face à leur Draught. Et puis je n’avais pas le choix. Hors de question de jouer à la difficile devant ce type.

— À quoi trinquons-nous ? me renseignai-je.

— À la trêve.

Je pris sur moi et avalai une gorgée. Puis une deuxième.

— C’est bon cette saloperie, ça a le goût de café, me dis-je à moi-même.

— Excuse-moi, je n’ai pas compris, tu as parlé en français.

— Rien, laisse tomber.

Le silence qui se glissa entre nous me mit mal à l’aise.

— Tu es content des photos que tu as prises aujourd’hui ?

— Pas vraiment.

— Tu n’en as pas marre de photographier toujours la même chose ?

— Ce n’est jamais pareil.

Il se lança dans un cours magistral sur la photo. Il semblait transporté par son métier. Je m’intéressais à ce qu’il racontait et j’en étais la première étonnée.

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