— Tu as repris du poil de la bête. Ça te va bien de t’occuper de toi.
— J’ai joué le jeu pour ce soir, et pour Judith.
— Montre-la-moi.
— Pas de besoin de me chercher, je suis là.
Je me tournai vers elle, le sourire aux lèvres.
— Tu aurais pu me dire que ton mec te rejoignait, me dit-elle, boudeuse.
— Mon quoi ?
— Bah, ton mec, ton homme…
— Stop ! C’est juste Félix…
— Merci pour le juste, me coupa-t-il.
— Oh, ça va, toi. Judith, je te présente mon meilleur ami.
Elle me sonda du regard, mit sa poitrine généreuse en avant et se hissa sur ses talons pour déposer un baiser sur la joue de Félix.
— Diane a eu raison de t’inviter, lui dit-elle. Un peu de chair fraîche, ça me plaît, beaucoup… vraiment beaucoup.
Elle pencha la tête sur le côté et le détailla sous toutes les coutures. Il remplissait tous les critères pour qu’elle tombe dans le panneau, son blouson de cuir, son tee-shirt tellement col v qu’on aurait pu voir son nombril, et son crâne rasé.
— Je suis très heureux de faire ta connaissance, lui dit-il en jouant de son sourire charmeur.
— Et moi donc. J’espère que Diane est prêteuse.
Je filai un coup de pied discret à mon séducteur de meilleur ami, et accessoirement narcissique.
— T’inquiète, on a toute la soirée pour faire plus ample connaissance, mais il y a un truc que je dois te dire.
— Je suis tout ouïe, lui répondit-elle en battant des cils.
— Ça ne collera jamais entre nous.
— Oh ! Je ne me suis jamais fait rembarrer si vite. Je pue de la gueule ? J’ai un truc entre les dents ?
— Non, tu n’as juste rien entre les jambes.
Je levai les yeux au ciel. Judith éclata de rire.
— O.K. Aide-moi au moins à la retenir jusqu’au petit matin, lui dit-elle en me désignant du menton.
— Je sais exactement ce qu’il faut faire pour ça.
Il me tendit un shooter. Ma gorge me brûla, mais je m’en moquais. Je savais qu’avec les deux sur le dos je ne résisterais pas longtemps.
Minuit sonna très vite. Tous les invités décomptèrent les douze coups, sauf Félix et moi. Nous nous étions mis à l’écart, nous nous tenions par la main. Quand tout le monde explosa, j’appuyai ma tête contre son épaule.
— Bonne année, Diane.
— Toi aussi. Viens, allons trouver Judith.
Je l’entraînai derrière moi. Je repérai rapidement celle que nous cherchions.
— Pourquoi t’arrêtes-tu ? me demanda Félix en me rentrant dedans.
— Elle est avec son satané frère.
— Il est plutôt beau mec.
— Quelle horreur ! Tu ne sais pas de qui tu parles ! C’est mon voisin.
— Tu aurais pu me dire que le paysage était excitant, je serais venu te voir plus rapidement.
— Ne dis pas n’importe quoi. Tant pis, on la verra plus tard.
— Tu permets que je tente ma chance.
Je me tournai vivement vers lui. L’œil lubrique de Félix ne trompait pas. Il trouvait Edward à son goût.
— Tu es complètement malade !
— Pas du tout. Réfléchis, je pourrais dompter la bête et lui glisser sur l’oreiller d’être gentil avec toi.
— Arrête de dire n’importe quoi. Invite-moi plutôt à danser.
J’enchaînais les rocks endiablés avec Félix et les chorégraphies délirantes avec Judith. Je me désaltérais entre deux danses à coup de cocktails bien chargés. De temps à autre, j’allais prendre l’air sur la terrasse.
À un moment, cigarette aux lèvres et verre à la main, j’espionnai par la fenêtre Judith et Félix. Il lui donnait un cours particulier de Bachaca. Edward déboula et se planta en face de moi.
— On ne peut même pas fumer en paix, dis-je.
— Va dire à ton mariole de foutre la paix à ma sœur.
— Elle n’a pas l’air de se plaindre.
— Fais-le dégager de là, sinon je m’en occupe.
Je me redressai et m’approchai de lui. Je posai un doigt sur son torse, qui se voulait tout aussi menaçant que ses paroles.
— Ta sœur n’a pas besoin de toi pour se défendre. Et c’est toi qui devrais te méfier de Félix. Tu pourrais tout à fait être à son goût, et il a réussi à coucher avec des mecs bien plus hétéros que toi.
Il attrapa mon poignet et me poussa violemment contre la balustrade. Ses yeux s’ancrèrent dans les miens. Il se colla à moi et serra mon poignet plus fort.
— Ne me pousse pas à bout !
— Sinon quoi ? Tu me frappes ?
— J’hésite.
— Dégage, maintenant.
Je tirai une dernière bouffée sur ma cigarette, crachai la fumée en direction de son visage et laissai tomber mon mégot à ses pieds. Ce n’est qu’une fois à l’intérieur que je réalisai que mes jambes tremblaient.
— Eh bien dis donc, c’était chaud entre toi et le voisin, me déclara Félix en arrivant à côté de moi.
— J’ai essayé de t’arranger le coup.
Je le plantai pour aller au ravitaillement, il me fallait un verre.
Les heures défilaient. Je ne sentais plus mes pieds à force de danser. Je m’amusais vraiment, j’étais légère et n’en revenais pas. Sauf que mon état d’ébriété avancé commençait à me jouer des tours. Je ne marchais plus très droit, ma vue se troublait, je riais trop fort, et mes inhibitions se levaient. Je quittai la piste pour rejoindre Félix et Judith qui faisaient les niveaux au bar.
— Je rentre, je n’en peux plus.
— Je prends un dernier verre et je te rejoins chez toi, me répondit Félix.
— Tu es sûre que tu veux aller te coucher ? me demanda Judith.
— Oui, le spectacle est fini ! Merci pour ce soir, je ne pensais pas que j’étais encore capable de faire la fête, lui répondis-je en la serrant dans mes bras.
Tout en me dirigeant vers la sortie, je fouillais dans mon sac à la recherche de mes clés. Je heurtai quelqu’un.
— Désolée.
— Toujours en travers de mon chemin ! me répondit Edward.
— Barre-toi, je rentre chez moi.
Je le bousculai et me retrouvai à l’air frais. Le vent avait beau être cinglant, cela ne m’aida pas pour autant à dessoûler.
Je conduisais tranquillement en direction de mon cottage. Finalement, je conservais une partie de mes réflexes. Je devais reconnaître que je roulais au pas, totalement accrochée à mon volant, encore le syndrome de la petite vieille. Je fus perturbée par une voiture qui me colla. Le conducteur fit des appels de phares. Je ralentis volontairement. La réaction fut immédiate, il déboîta d’un coup de volant et me fit une queue de poisson. Je reconnus la voiture d’Edward. Il voulait la guerre, il allait l’avoir.
Devant chez moi, je serrai le frein à main et partis en courant chez lui.
— Ouvre tout de suite cette porte ! hurlai-je en tambourinant. Sors de là immédiatement.
Je me mis à faire les cent pas en continuant à lui crier dessus. Je n’en pouvais plus, j’attrapai des cailloux par terre et les envoyai valdinguer contre sa porte et ses fenêtres.
— Tu es complètement cinglée ! cria-t-il en sortant enfin de chez lui.
— C’est toi le malade. Tu n’es qu’un chauffard doublé d’un connard fini ! On va régler nos comptes une bonne fois pour toutes.
— Va cuver ailleurs.
— Je suis pire qu’une sangsue. Plus tu me diras de partir, plus je resterai.
— J’aurais mieux fait de te laisser moisir sur la plage.
— Tu ne sais pas de quoi tu parles, explosai-je en lui tapant dessus. Tu ne sais rien.
Je cognais de toutes mes forces, j’essayais de le griffer. Il se défendait mollement en esquivant mes attaques simplement avec ses bras.
— Calme-toi ! entendis-je Félix me dire derrière moi.
Il passa un bras autour de ma taille, me souleva et m’éloigna d’Edward. Je continuai à frapper dans le vide.
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