Middlemarch George Eliot Middlemarch Édition intégrale
PRÉFACE
Livre premier
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
CHAPITRE IX
CHAPITRE X
CHAPITRE XI
CHAPITRE XII
Livre II
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
CHAPITRE IX
CHAPITRE X
Livre III
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
CHAPITRE IX
CHAPITRE X
CHAPITRE XI
Livre IV
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
CHAPITRE IX
Livre V
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
CHAPITRE IX
CHAPITRE X
CHAPITRE XI
Livre VI
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
CHAPITRE IX
Livre VII
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
CHAPITRE IX
Livre VIII
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
CHAPITRE IX
CHAPITRE X
CHAPITRE XI
CHAPITRE XII
CHAPITRE XIII
CHAPITRE XIV
CHAPITRE XV
CONCLUSION
George Eliot
Middlemarch
Édition intégrale
Quel est celui d’entre nous qui, curieux de connaître l’histoire de l’homme et de savoir comment agit ce composé mystérieux sous les épreuves du temps, ne s’est arrêté, ne fût-ce qu’un instant rapide, à la Vie de sainte Thérèse , n’a eu un doux sourire pour la petite fille s’en allant un matin, la main dans la main, avec son frère, encore plus petit qu’elle, à la recherche du martyre au pays des Maures ?
Ils s’éloignaient ainsi à petits pas de l’âpre cité d’Avila, les yeux grands ouverts, l’air ingénu comme deux jeunes faons, mais avec des cœurs humains battant déjà à une idée nationale, lorsque la réalité domestique leur apparut sous la forme d’un oncle qui arrêta court leur grand dessein. Ce pèlerinage d’enfants était le bon commencement. La nature idéale et passionnée de Thérèse demandait une vie épique : que lui importaient les romans de chevalerie et les conquêtes mondaines d’une brillante jeune fille ? Sa flamme eût rapidement dévoré ce léger combustible.
Tirant son aliment du fond de l’âme même, il fallait à son essor une satisfaction sans limite, un objet dont elle ne se lasserait jamais, capable de réconcilier le désespoir de soi-même avec le sentiment délicieux d’une vie en dehors de soi.
Elle trouva son épopée dans la réforme d’un ordre religieux. Cette femme espagnole, qui vécut il y a trois cents ans, ne fut certainement pas la dernière de son espèce. Bien des Thérèses sont venues au monde, que n’attendait pas une vie épique, embrassant un continuel déploiement d’actions retentissantes ; peut-être seulement une vie d’erreurs, résultat d’une certaine grandeur spirituelle mal appropriée à la médiocrité des circonstances ; peut-être même une chute tragique, qui ne rencontra point son poète sacré, et qui s’est enfoncée dans l’oubli sans avoir été pleurée. Elles s’efforcèrent, avec des lumières confuses et dans des conditions difficiles, de mettre en noble accord leurs idées et leurs actes ; mais le monde ne vit dans ces luttes qu’une simple inconséquence et une dérogation aux formes convenues ; ce qui manqua à ces Thérèses nées trop tard, ce fut une foi et un ordre social en harmonie, capables de suppléer à la science pour une âme pleine d’ardente bonne volonté. Leur ardeur oscilla entre un vague idéal taxé d’extravagance et les aspirations ordinaires de la femme, condamnées comme des minutes.
On a dit quelquefois que ces vies manquées tenaient à ce qu’il y a de vague et de mal défini dans la nature des femmes, telles que la suprême Puissance les a formées.
Toujours est-il que ce qu’il y a en elles de vague et de mal défini persiste, et les limites, dans lesquelles leurs destinées varient, sont en réalité bien plus étendues que personne ne l’imaginerait, à voir l’uniformité de leurs coiffures et de leurs histoires d’amour favorites, en prose et en vers. De loin en loin, paraît un jeune cygne qu’on élève difficilement avec les petits canards dans la mare stagnante, et qui ne trouve jamais le courant d’eau vive et la compagnie des palmipèdes de son espèce. De loin en loin, il vient au monde une sainte Thérèse qui ne fonde rien du tout : c’est en vain que son tendre cœur bat d’amour et aspire en sanglotant à une beauté morale qu’elle n’atteint pas. Ses efforts s’échappent en tremblant et, au lieu de se concentrer dans quelque œuvre longtemps reconnaissable, se perdent au milieu des obstacles.
LIVRE PREMIER
MISS BROOKE
CHAPITRE PREMIER
Miss Brooke avait ce genre de beauté que rehausse encore la simplicité de la mise. Elle avait la main et le poignet assez délicatement modelés pour porter avec grâce des manches tout unies, comme celles de la Vierge des peintres italiens ; son profil, aussi bien que sa taille st son maintien, semblait emprunter une dignité plus grande à la sévérité de son costume ; aussi toute sa personne offrait-elle, à côté des modes provinciales, le même contraste qu’une belle citation de la Bible, ou de nos vieux poètes, au milieu d’une colonne de journal. On parlait d’elle généralement comme d’une jeune fille remarquablement douée, mais on ajoutait que sa sœur Célia avait plus de bon sens.
Célia n’avait pas plus de recherche dans sa mise ; ce n’était qu’aux yeux des observateurs attentifs que sa robe différait de celle de son aînée et respirait dans ses plis comme un parfum de coquetterie. La simplicité de miss Brooke tenait, comme celle de sa sœur, à plusieurs causes. L’orgueil d’être des « ladies » y entrait pour quelque chose : si la famille des Brooke n’était pas précisément aristocratique, elles n’en étaient pas moins de bonne race, et en remontant à une ou deux générations, vous ne leur eussiez pas trouvé un ancêtre ayant manié l’aune ou ficelé des paquets, pas un d’un rang inférieur à celui d’homme d’Église ou d’officier de marine. Un de ces ancêtres notamment, gentilhomme puritain au service de Cromwell, avait été assez avisé pour se trouver, au sortir des troubles politiques, propriétaire d’un respectable domaine de famille. En raison de leur naissance, ces jeunes femmes, habitant une paisible maison de campagne et fréquentant une église de village à peine plus grande qu’un salon, considéraient la toilette comme une recherche bonne pour des filles de petit marchand, cherchant à se grandir. Une économie de bonne maison faisait alors du luxe de la toilette le premier article à supprimer d’un budget grevé des dépenses imposées par le rang et la situation de la famille. La simplicité de leur mise s’expliquait suffisamment ainsi en dehors de tout sentiment religieux ; pour miss Brooke, cependant, la religion aurait suffi à l’y décider, et Célia entrait doucement dans les sentiments de sa sœur, avec le bon sens qui lui était habituel et sans qu’il s’y mêlât la moindre singularité d’esprit. Dorothée savait par cœur des passages des
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