Les Essais Michel de Montaigne Les Essais Édition intégrale - Livres 1, 2 et 3
Au Lecteur Au Lecteur C'EST icy un livre de bonne foy, lecteur. Il t'advertit dés l'entree, que je ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique et privee : je n'y ay eu nulle consideration de ton service, ny de ma gloire : mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein. Je l'ay voüé à la commodité particuliere de mes parens et amis : à ce que m'ayans perdu (ce qu'ils ont à faire bien tost) ils y puissent retrouver aucuns traicts de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent plus entiere et plus vifve, la connoissance qu'ils ont eu de moy. Si c'eust esté pour rechercher la faveur du monde, je me fusse paré de beautez empruntees. Je veux qu'on m'y voye en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans estude et artifice : car c'est moy que je peins. Mes defauts s'y liront au vif, mes imperfections et ma forme naïfve, autant que la reverence publique me l'a permis. Que si j'eusse esté parmy ces nations qu'on dit vivre encore souz la douce liberté des premieres loix de nature, je t'asseure que je m'y fusse tres-volontiers peint tout entier, Et tout nud. Ainsi, Lecteur, je suis moy-mesme la matiere de mon livre : ce n'est pas raison que tu employes ton loisir en un subject si frivole et si vain. A Dieu donq. De Montaigne, ce 12 de juin 1580.
LIVRE I LIVRE I
Chapitre 1 - Par divers moyens on arrive à pareille fin
Chapitre 2 - De la Tristesse
Chapitre 3 - Nos affections s'emportent au delà de nous
Chapitre 4 - Comme l'ame descharge ses passions sur des objects faux, quand les vrais luy defaillent
Chapitre 5 - Si le chef d'une place assiegee, doit sortir pour parlementer
Chapitre 6 - L'heure des parlemens dangereuse
Chapitre 7 - Que l'intention juge nos actions
Chapitre 8 - De l'Oysiveté
Chapitre 9 - Des Menteurs
Chapitre 10 - Du parler prompt ou tardif
Chapitre 11 - Des Prognostications
Chapitre 12 - De la constance
Chapitre 13 - Ceremonie de l'entreveuë des Rois
Chapitre 14 - On est puny pour s'opiniastrer en une place sans raison
Chapitre 15 - De la punition de la couardise
Chapitre 16 - Un traict de quelques Ambassadeurs
Chapitre 17 - De la peur
Chapitre 18 - Qu'il ne faut juger de notre heur qu'apres la mort
Chapitre 19 - Que Philosopher, c'est apprendre a mourir
Chapitre 20 - De la force de l'imagination
Chapitre 21 - Le profit de l'un est dommage de l'autre
Chapitre 22 - De la coustume, et de ne changer aisément une loy receüe
Chapitre 23 - Divers evenemens de mesme Conseil
Chapitre 24 - Du pedantisme
Chapitre 25 - De l'institution des enfans
Chapitre 26 - C'est folie de rapporter le vray et le faux à nostre suffisance
Chapitre 27 - De l'Amitié
Chapitre 28 - Vingt et neuf sonnets d'Estienne de la Boëtie
Chapitre 29 - De la Moderation
Chapitre 30 - Des Cannibales
Chapitre 31 - Qu'il faut sobrement se mesler de juger des ordonnances divines
Chapitre 32 - De fuir les voluptez au pris de la vie
Chapitre 33 - La fortune se rencontre souvent au train de la raison
Chapitre 34 - D'un defaut de nos polices
Chapitre 35 - De l'usage de se vestir
Chapitre 36 - Du jeune Caton
Chapitre 37 - Comme nous pleurons et rions d'une mesme chose
Chapitre 38 - De la solitude
Chapitre 39 - Consideration sur Ciceron
Chapitre 40 - Que le goust des biens et des maux despend en bonne partie de l'opinion que nous en avons
Chapitre 41 - De ne communiquer sa gloire
Chapitre 42 - De l'inequalité qui est entre nous
Chapitre 43 - Des loix somptuaires
Chapitre 44 - Du dormir
Chapitre 45 - De la battaille de Dreux
Chapitre 46 - Des noms
Chapitre 47 - De l'incertitude de nostre jugement
Chapitre 48 - Des destries
Chapitre 49 - Des coustumes anciennes
Chapitre 50 - De Democritus et Heraclitus
Chapitre 51 - De la vanité des paroles
Chapitre 52 - De la parsimonie des anciens
Chapitre 53 - D'un mot de Cæsar
Chapitre 54 - Des vaines subtilitez
Chapitre 55 - Des Senteurs
Chapitre 56 - Des prieres
Chapitre 57 - De l'aage
LIVRE II
Chapitre 1 - De l'inconstance de nos actions
Chapitre 2 - De l'yvrongnerie
Chapitre 3 - Coustume de l'Isle de Cea
Chapitre 4 - A demain les affaires
Chapitre 5 - De la conscience
Chapitre 6 - De l'exercitation
Chapitre 7 - Des recompenses d'honneur
Chapitre 8 - De l'affection des peres aux enfans
Chapitre 9 - Des armes des Parthes
Chapitre 10 - Des livres
Chapitre 11 - De la cruauté
I
II
III
Chapitre 13 - De juger de la mort d'autruy
Chapitre 14 - Comme nostre esprit s'empesche soy-mesmes
Chapitre 15 - Que nostre desir s'accroist par la malaisance
Chapitre 16 - De la gloire
Chapitre 17 - De la presumption
Chapitre 18 - Du desmentir
Chapitre 19 - De la liberté de conscience
Chapitre 20 - Nous ne goustons rien de pur
Chapitre 21 - Contre la faineantise
Chapitre 22 - Des postes
Chapitre 23 - Des mauvais moyens employez à bonne fin
Chapitre 24 - De la grandeur romaine
Chapitre 25 - De ne contrefaire le malade
Chapitre 26 - Des pouces
Chapitre 27 - New Chapter
Chapitre 28 - Toutes choses ont leur saison
Chapitre 29 - De la vertu
Chapitre 30 - D'un enfant monstrueux
Chapitre 31 - De la cholere
Chapitre 32 - Defence de Seneque et de Plutarque
Chapitre 33 - L'histoire de Spurina
Chapitre 34 - Observation sur les moyens de faire la guerre, de Julius Cæsar
Chapitre 35 - De trois bonnes femmes
Chapitre 36 - Des plus excellens hommes
Chapitre 37 - De la ressemblance des enfans aux peres
LIVRE III
Chapitre 1 - De l'utile et de l'honeste
Chapitre 2 - Du repentir
Chapitre 3 - De trois commerces
Chapitre 4 - De la diversion
Chapitre 5 - Sur des vers de Virgile
Chapitre 6 - Des Coches
Chapitre 7 - De l'incommodité de la grandeur
Chapitre 8 - De l'art de conferer
Chapitre 9 - De la vanité
Chapitre 10 - De mesnager sa volonté
Chapitre 11 - Des boyteux
Chapitre 12 - De la Physionomie
Chapitre 13 - De l'experience
Michel de Montaigne
Les Essais
Édition intégrale - Livres 1, 2 et 3
C'EST icy un livre de bonne foy, lecteur. Il t'advertit dés l'entree, que je ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique et privee : je n'y ay eu nulle consideration de ton service, ny de ma gloire : mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein. Je l'ay voüé à la commodité particuliere de mes parens et amis : à ce que m'ayans perdu (ce qu'ils ont à faire bien tost) ils y puissent retrouver aucuns traicts de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent plus entiere et plus vifve, la connoissance qu'ils ont eu de moy. Si c'eust esté pour rechercher la faveur du monde, je me fusse paré de beautez empruntees. Je veux qu'on m'y voye en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans estude et artifice : car c'est moy que je peins. Mes defauts s'y liront au vif, mes imperfections et ma forme naïfve, autant que la reverence publique me l'a permis. Que si j'eusse esté parmy ces nations qu'on dit vivre encore souz la douce liberté des premieres loix de nature, je t'asseure que je m'y fusse tres-volontiers peint tout entier, Et tout nud. Ainsi, Lecteur, je suis moy-mesme la matiere de mon livre : ce n'est pas raison que tu employes ton loisir en un subject si frivole et si vain. A Dieu donq.
De Montaigne, ce 12 de juin 1580.
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