Les Hauts de Hurlevent Emily Brontë Les Hauts de Hurlevent Wuthering Heights
Avertissement du traducteur Avertissement du traducteur Le roman qu’on va lire occupe dans la littérature anglaise du XIXe siècle une place tout à fait à part. Ses personnages ne ressemblent en rien à ceux qui sortent de la boîte de poupées à laquelle, selon Stevenson, les auteurs anglais de l’ère victorienne, « muselés comme des chiens », étaient condamnés à emprunter les héros de leurs récits. Ce livre est l’œuvre d’une jeune fille qui n’avait pas encore atteint sa trentième année quand elle le composa et dont c’était, à l’exception de quelques pièces de vers, la première œuvre littéraire. Elle ne connaissait guère le monde, ayant toujours vécu au fond d’une province reculée et dans une réclusion presque absolue. Fille d’un pasteur irlandais et d’une mère anglaise qu’elle perdit en bas âge, sa courte vie s’écoula presque entière dans un village du Yorkshire, avec ses deux sœurs et un frère, triste sire qui s’enivrait régulièrement tous les soirs. Les trois sœurs Brontë trouvèrent dans la littérature un adoucissement à la rigueur d’une existence toujours austère et souvent très pénible. Après avoir publié un recueil de vers en commun, sans grand succès, elles s’essayèrent au roman. Tandis que Charlotte composait Jane Eyre , qui obtenait rapidement la faveur du public, Emily écrivait Wuthering Heights , qu’elle parvint, non sans peine, à faire éditer, sous le pseudonyme d’Ellis Bell, vers la fin de 1847, un an à peine avant sa mort (19 décembre 1848). Cette œuvre, âpre et rude comme la contrée qui l’a inspirée, choqua les lecteurs anglais de l’époque par la dureté des peintures morales et le dédain des conventions alors généralement admises dans le roman d’outre-Manche. Elle ne fut pas appréciée à sa valeur ; on ne devait lui rendre justice que plus tard. En France, ce roman n’est guère connu. Il mérite pourtant de l’être. Un bon juge, Léon Daudet, parlant du « tragique intérieur » dans la littérature anglaise, n’a pas craint de mentionner Wuthering Heights à côté de Hamlet.
Note pour la deuxième édition Note pour la deuxième édition Cette nouvelle édition a été revue et corrigée avec soin. Je tiens à remercier ici M. le commandant Beauvais du concours si éclairé et si bienveillant qu’il m’a apporté dans cette tâche. F. D.
Chapitre premier
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Chapitre V
Chapitre VI
Chapitre VII
Chapitre VIII
Chapitre IX
Chapitre X
Chapitre XI
Chapitre XII
Chapitre XIII
Chapitre XIV
Chapitre XV
Chapitre XVI
Chapitre XVII
Chapitre XVIII
Chapitre XIX
Chapitre XX
Chapitre XXI
Chapitre XXII
Chapitre XXIII
Chapitre XXIV
Chapitre XXV
Chapitre XXVI
Chapitre XXVII
Chapitre XXVIII
Chapitre XXIX
Chapitre XXX
Chapitre XXXI
Chapitre XXXII
Chapitre XXXIII
Chapitre XXXIV
Emily Brontë
Les Hauts de Hurlevent
Wuthering Heights
Avertissement du traducteur
Le roman qu’on va lire occupe dans la littérature anglaise du XIXe siècle une place tout à fait à part. Ses personnages ne ressemblent en rien à ceux qui sortent de la boîte de poupées à laquelle, selon Stevenson, les auteurs anglais de l’ère victorienne, « muselés comme des chiens », étaient condamnés à emprunter les héros de leurs récits.
Ce livre est l’œuvre d’une jeune fille qui n’avait pas encore atteint sa trentième année quand elle le composa et dont c’était, à l’exception de quelques pièces de vers, la première œuvre littéraire. Elle ne connaissait guère le monde, ayant toujours vécu au fond d’une province reculée et dans une réclusion presque absolue. Fille d’un pasteur irlandais et d’une mère anglaise qu’elle perdit en bas âge, sa courte vie s’écoula presque entière dans un village du Yorkshire, avec ses deux sœurs et un frère, triste sire qui s’enivrait régulièrement tous les soirs. Les trois sœurs Brontë trouvèrent dans la littérature un adoucissement à la rigueur d’une existence toujours austère et souvent très pénible. Après avoir publié un recueil de vers en commun, sans grand succès, elles s’essayèrent au roman. Tandis que Charlotte composait Jane Eyre , qui obtenait rapidement la faveur du public, Emily écrivait Wuthering Heights , qu’elle parvint, non sans peine, à faire éditer, sous le pseudonyme d’Ellis Bell, vers la fin de 1847, un an à peine avant sa mort (19 décembre 1848). Cette œuvre, âpre et rude comme la contrée qui l’a inspirée, choqua les lecteurs anglais de l’époque par la dureté des peintures morales et le dédain des conventions alors généralement admises dans le roman d’outre-Manche. Elle ne fut pas appréciée à sa valeur ; on ne devait lui rendre justice que plus tard. En France, ce roman n’est guère connu. Il mérite pourtant de l’être. Un bon juge, Léon Daudet, parlant du « tragique intérieur » dans la littérature anglaise, n’a pas craint de mentionner Wuthering Heights à côté de Hamlet.
Note pour la deuxième édition
Cette nouvelle édition a été revue et corrigée avec soin. Je tiens à remercier ici M. le commandant Beauvais du concours si éclairé et si bienveillant qu’il m’a apporté dans cette tâche.
F. D.
1801. – Je viens de rentrer après une visite à mon propriétaire, l’unique voisin dont j’aie à m’inquiéter. En vérité, ce pays-ci est merveilleux ! Je ne crois pas que j’eusse pu trouver, dans toute l’Angleterre, un endroit plus complètement à l’écart de l’agitation mondaine. Un vrai paradis pour un misanthrope : et Mr. Heathcliff et moi sommes si bien faits pour nous partager ce désert ! Quel homme admirable ! Il ne se doutait guère de la sympathie que j’ai ressentie pour lui quand j’ai vu ses yeux noirs s’enfoncer avec tant de suspicion dans leurs orbites, au moment où j’arrêtais mon cheval, et ses doigts plonger, avec une farouche résolution, encore plus profondément dans son gilet, comme je déclinais mon nom.
– Mr. Heathcliff ? ai-je dit.
Un signe de tête a été sa réponse.
– Mr. Lockwood, votre nouveau locataire, monsieur. Je me suis donné l’honneur de vous rendre visite, aussitôt que possible après mon arrivée, pour vous exprimer l’espoir de ne pas vous avoir gêné par mon insistance à vouloir occuper Thrushcross Grange ; j’ai entendu dire hier que vous aviez quelque idée.
– Thrushcross Grange m’appartient, monsieur, a-t-il interrompu en regimbant. Je ne me laisse gêner par personne, quand j’ai le moyen de m’y opposer... Entrez !
Cet « entrez » était prononcé les dents serrées et exprimait le sentiment : « allez au diable ! » La barrière même sur laquelle il s’appuyait ne décelait aucun mouvement qui s’accordât avec les paroles. Je crois que cette circonstance m’a déterminé à accepter l’invitation. Je m’intéressais à un homme dont la réserve semblait encore plus exagérée que la mienne.
Quand il a vu le poitrail de mon cheval pousser tranquillement la barrière, il a sorti la main de sa poche pour enlever la chaîne et m’a précédé de mauvaise grâce sur la chaussée. Comme nous entrions dans la cour, il a crié :
– Joseph, prenez le cheval de Mr. Lockwood ; et montez du vin.
« Voilà toute la gent domestique, je suppose. » Telle était la réflexion que me suggérait cet ordre composite. « Il n’est pas surprenant que l’herbe croisse entre les dalles, et les bestiaux sont sans doute seuls à tailler les haies. »
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