Une curiosité que celui qui a été conseiller de François Hollande – et a assisté à ses déboires sentimentaux – feint de ne pas saisir. « N’ayant jamais acheté la presse people et n’étant pas fasciné par ça, je ne peux que constater, sans totalement comprendre pourquoi, qu’elle s’intéresse à ma vie privée [8] François-Xavier Bourmaud, op. cit.
», déclare-t-il au journaliste François-Xavier Bourmaud. D’accord. Mais s’il ne comprend pas cet intérêt, il l’avait quand même anticipé : dès la rentrée 2014, Brigitte avait demandé à ses élèves de première, à Franklin, de ne pas répondre aux éventuelles sollicitations des journalistes. Et s’il n’a jamais acheté la presse people, il ne la boycotte pas non plus totalement… Le soir de la sortie de ce premier article dans Closer , il est en effet aperçu dans les gradins du Stade de France, lors d’un match France-Espagne, montrant à un ami les pages en question sur son smartphone. Avec un grand sourire aux lèvres.
Le couple, longtemps marginalisé, est-il heureux de voir son histoire enfin reconnue ? Peut-être. Ils ne tarderont d’ailleurs pas à prendre la main sur le récit. Se racontant eux-mêmes, au fil des couvertures qui s’enchaînent dès avril 2016. S’assurant bientôt, également, les conseils de Michèle « Mimi » Marchand, patronne de l’agence Bestimage, et pourvoyeuse de scoops pour toute la presse people. Un soutien significatif dans une campagne qui s’annonce âpre et très personnelle. Celui qui s’est toujours défendu d’être le candidat du système serait-il celui du star-system ? « Ce qui relève de la vie intime a vocation à rester avec certains [9] Marc Endeweld, op. cit.
», affirmait-il pourtant quelques mois plus tôt. Mais ça, c’était avant d’intégrer qu’il n’avait que « peu de temps pour accroître sa notoriété », comme il l’a souvent admis devant ses proches. Avant, aussi, de voir son couple mis en cause par la rumeur…
« LA CALOMNIE, MONSIEUR… »
« Mon épouse, à laquelle je tiens beaucoup, a parlé à une journaliste. Mon épouse ne connaît pas le système médiatique. Elle regrette profondément. » Jeudi 14 avril 2016, Emmanuel Macron est à Londres. Il vient de participer à une conférence sur l’avenir de l’Europe organisée par le Financial Times . Mais, ce jour-là, son avis sur les risques du Brexit n’est pas franchement ce qui captive les médias français… Et, au micro de BFMTV, le ministre de l’Économie évoque surtout le sujet qui fait jaser depuis le matin : l’interview que Brigitte a accordée à Paris Match , illustrée par leur « album intime ». « C’est une bêtise que l’on a faite ensemble, poursuit-il. Mon couple, ma famille, ce n’est pas une stratégie que de l’exposer, c’est sans doute une maladresse. » Téméraire, en effet, d’apparaître « ensemble sur la route du pouvoir » en une de l’hebdomadaire – même si, selon la journaliste Caroline Pigozzi, qui a réalisé l’entretien, les Macron ne savaient pas qu’ils feraient la couverture. L’affaire prend l’allure d’une provocation, le jour même où François Hollande passe son grand oral sur France 2, dans l’émission « Dialogues citoyens ». « Il sait ce qu’il me doit, c’est une question de loyauté personnelle et politique », recadrera à cette occasion le chef de l’État. Oui mais voilà… La carte fidélité n’est alors pas la priorité des Macron. Et au-delà de l’autopromo, ils ont une bonne raison de se raconter : faire cesser au plus vite certains chuchotements assourdissants. « J’ai fait cette erreur parce qu’il y avait des rumeurs qui couraient », se justifiera trois semaines plus tard l’ex-prof de français dans « C à vous ». « Des rumeurs de caniveau. J’ai cru bien faire, j’ai eu tort. »
Depuis des mois, les réseaux sociaux comme les rédactions parisiennes sont ainsi agités d’un même écho : Emmanuel Macron aurait une liaison avec Mathieu Gallet. Jusqu’ici, le séduisant patron de Radio France – ex-directeur de cabinet de Frédéric Mitterrand au ministère de la Culture puis PDG de l’INA – était surtout connu du grand public pour les coûteuses rénovations entreprises dans son bureau. Mais, en ce printemps 2016, son nom est désormais associé à celui du ministre. On les aurait vus sortant d’un restaurant… Ils se retrouveraient secrètement en forêt… Closer s’apprêterait à publier des photos compromettantes… À un an de la présidentielle, les conjectures vont bon train ! Et si, dès l’été 2014, certains twittos évoquaient leur prétendue inscription à une même salle de gym parisienne, les commentaires n’ont cessé de se faire plus précis. « Emmanuel Macron sort avec Mathieu Gallet et sa femme lui sert de couverture… », écrit l’un. « Si Macron a un discours de vérité envers les Français, pourquoi ne parle-t-il pas de Mathieu Gallet ? », tente l’autre. Sans oublier bien sûr les quelques photos du PDG de Radio France assorties du hashtag #MadameMacron. Sur les réseaux sociaux, les allégations se multiplient, souvent même nourries par les déclarations de responsables politiques.
Une rumeur assourdissante
À commencer par la remarque de Nicolas Sarkozy, interviewé début mai dans Le Point par Anna Cabana. « Il est cynique. Un peu homme, un peu femme, c’est la mode du moment. Androgyne. Ce qui vous plaît chez Macron, c’est que vous aimez toujours ceux qui ne vous obligent pas à choisir. » Le propos est assez limpide mais, juste au cas où, l’entourage de l’ex-président se charge de le vulgariser. Ainsi, ce sénateur LR qui se gargarise ouvertement des rumeurs dans les couloirs du palais du Luxembourg. Ou encore le banquier Philippe Villin, qui dénonce le 25 avril 2016 dans une tribune au Figaro « la mise en scène d’une vie privée » d’Emmanuel Macron. Répandant également, selon les journalistes du Monde Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, « ce qu’il appelle sans gêne le “Macron fake” : la vie maritale de l’ex-ministre serait une façade, il dissimulerait ses inclinations profondes [1] Dans un article, « Les coulisses de la guerre contre Macron », paru le 14 novembre 2016 .
».
Quelques mois plus tard, le 4 février 2017, ce sera au tour de Nicolas Dhuicq de s’en faire très tranquillement le relais, auprès de l’agence de presse russe Sputnik ! « Concernant sa vie privée, ça commence à se savoir à l’heure où nous parlons », annonce celui qui est alors député LR. « L’un de ses soutiens est le célèbre homme d’affaires Pierre Bergé, un associé et amant de longue date d’Yves Saint Laurent, qui est ouvertement homosexuel et défend le mariage pour tous. Il y a un très riche lobby gay qui le soutient. Cela veut tout dire. » Des propos qu’il se défendra ensuite d’avoir tenus – tout en les réitérant – le 8 février, sur le plateau de « C à vous ». En cause, selon lui, une incompréhension digne de Lost in Translation . « C’est simplement traduit. J’ai dit qu’il y avait un très riche lobby gay qui est derrière parce que je ciblais M. Bergé. Ça n’a rien à voir avec mes compatriotes homosexuels qui sont comme tout le monde. » C’est sûr qu’en VF, c’est beaucoup plus clair… Et dans l’hypothèse où quelqu’un, tout au fond de la salle, n’aurait pas saisi ses insinuations, Nicolas Dhuicq s’offre une dernière salve dans un reportage diffusé dans « C dans l’air » : « Sa vie privée le regarde, tout le monde la connaît. […]. Moi, ce que je n’aime pas, c’est qu’on nous tienne un roman qui n’est pas la réalité. » Fin de la démonstration du soutien de François Fillon.
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