En pleine campagne présidentielle, la droite jouerait-elle à amplifier les ragots ? Emmanuel Macron ne le démentira jamais… Tout en pensant très fort que d’autres, au sein même de son « camp », ont tout intérêt à le déstabiliser. Dans ce gouvernement dont le ministre de l’Économie s’extrait de plus en plus ostensiblement, on ne se gêne ainsi pas pour faire des commentaires. Aux autres étages de Bercy, on lui prête même des aventures avec certains membres du personnel ministériel, qu’ils soient chauffeurs ou officiers de sécurité. Mais au premier rang des soupçons d’Emmanuel Macron, il y a surtout celui qui est encore son N+1 : Manuel Valls. La presse le rapporte à l’époque, les proches du Premier ministre seraient les premiers à cancaner. Une hypothèse à laquelle Brigitte Macron a semblé réceptive, elle qui disait à ses amis craindre Manuel Valls pendant la campagne. Son mari en aurait été tout aussi convaincu. « Bien sûr qu’il savait d’où cela venait ! nous explique un membre de son staff. On en plaisantait le soir [2] Entretien avec l’auteur, le 2 novembre 2017.
. » Lorsque l’ex-chef du gouvernement perd la primaire de la gauche, Emmanuel Macron aurait d’ailleurs ironisé avec son entourage sur tous les montages photo qu’il n’aura jamais l’occasion de voir… Si ses équipes sont très gênées par ces rumeurs, le candidat n’y voit tout d’abord pas de problème politique. « Je crois que cela m’énervait beaucoup plus que lui au début, raconte un ami. Il blaguait même sur le sujet [3] Entretien avec l’auteur, le 30 octobre 2017.
. »
Éternels ragots
Les premières mentions d’une double vie ? Les Macron les traitent donc par le mépris. Lorsque Françoise Noguès, inquiète, presse son fils de démentir, le ministre lui oppose même que cela alimenterait les ragots. Quant à Brigitte, elle explique à qui veut l’entendre qu’elle s’attend aux attaques en dessous de la ceinture. Et, en surface, elle balaie le sujet avec philosophie. « Le marigot, on se débrouille, on nage. Ou on coule ! aime-t-elle ainsi à déclarer. Mais je ne vais pas commencer à chougner. L’important, c’est la famille. Ça protège. C’est l’essentiel [4] Alix Bouilhaguet, Le Couloir de Madame , Éditions de l’Observatoire, 2017.
. » Ajoutant souvent qu’elle ne compte pas s’attacher à ces malveillances. « Après tout ce par quoi on est passés… », conclut-elle. C’est vrai, ils ont déjà connu les ragots et les regards en biais… « Il y a vingt-cinq ans, ils ont vécu l’opprobre, la mise au ban, les quolibets. Ils en ont tiré une grande détermination, analyse Philippe Besson. Mais là, cela a pris des proportions nationales. L’ampleur de cette discrimination a sans doute changé la donne [5] Entretien avec l’auteur, le 11 septembre 2017.
. »
Car ces nouveaux assauts vont bientôt devenir intolérables à Brigitte. « C’est quelqu’un de très spontané, ajoute le romancier. Elle est sans filtre et donc parfois sans protection, ce qui est à la fois sa force et sa fragilité. Alors, en effet, elle a été déroutée et décontenancée par les attaques de la campagne. » Et elle ne s’accommode plus de la désinvolture de son mari – que l’on sait capable de rire aux éclats après avoir reçu un œuf sur la tête au Salon de l’agriculture. D’autant que Brigitte appréhendait en réalité ce type d’attaques d’ordre privé. Elle est bien placée pour mesurer la violence que la politique peut exercer sur une vie de couple. Amie de Valérie Trierweiler, elle a été choquée par sa répudiation. Elle a également été marquée par les bruits d’infidélité autour des Valls. En s’engageant aux côtés de son époux, elle s’attendait donc à être secouée par un monde qu’elle décrit comme « impitoyable »… Elle n’imaginait néanmoins pas recevoir les appels et lettres anonymes qui vont transformer pour elle la rumeur en clameur. « Votre mari se trouve en ce moment en compagnie d’un publicitaire », a-t-elle pu entendre en décrochant son téléphone. De quoi ébranler le stoïcisme de façade et lui donner envie de s’afficher en couverture des magazines… Puis de pousser Emmanuel Macron à un démenti clair et net. « Lui s’en moquait un peu, nous explique un proche. Mais elle était très vexée par ces allégations. C’était une femme blessée [6] Entretien avec l’auteur, le 25 août 2017.
. » En privé, elle admet ne plus parvenir à être aussi détachée que le lui réclame le ministre. Alors les éloquents silences font place à une retentissante réponse. « Emmanuel Macron a compris que cela blessait Brigitte et démentir était une façon de rappeler son amour pour sa femme [7] Entretien avec l’auteur, le 11 septembre 2017.
», nous confirme Philippe Besson. La stratégie du couple ? Se rire méthodiquement de la rumeur. Tout le temps. Partout. Avec tout le monde.
Et c’est bien sûr d’abord auprès de leurs amis et connaissances qu’ils vont diffuser leur message. Désormais, plus un dîner ne se passe sans que l’un des deux n’évoque le sujet. Avec le style cash que beaucoup lui connaissent, la future première dame ne ratera ainsi pas l’occasion d’en parler à ceux qu’elle invite à Bercy. À en croire Valeurs actuelles , Jean d’Ormesson se serait beauoup amusé du fait qu’elle n’ait mis que quelques minutes à lui signifier que son époux « n’est pas homosexuel [8] « Brigitte Macron, la vice-présidente », le 20 juillet 2017.
». Elle n’hésitera pas non plus à parler de ce « pépé dans la rue » qui lui aurait lancé qu’« il n’est pas pédé, Macron », car lui « les sent, les pédés ! ». Du côté de son mari, le ton se fait un peu plus grave, mais l’implication est la même. « Un soir, alors que nous dînions avec quelques amis, Emmanuel a raconté qu’il était victime d’une sale rumeur concernant son couple, qu’il aurait une relation avec un homme, relatait l’acteur François Berléand. “Brigitte sait tout de moi, je ne vois pas comment je pourrais avoir une vie parallèle”, nous a-t-il dit avec naturel [9] Gala , « Brigitte Macron : ses amis du showbiz la racontent », le 23 novembre 2016.
. » Mais une fois le naturel rodé, il est temps de passer à l’étape suivante…
Juste une mise au point…
Certains ont beau penser la rumeur cantonnée à un microcosme médiatico-politique, l’ex-ministre n’est visiblement plus de cet avis. Et si ses conseillers plaident pour le silence sur ce sujet, lui est désormais convaincu que ses démentis doivent s’adresser au plus grand nombre. Quitte à faire de la rumeur une information et autoriser les médias à énoncer clairement ce qu’ils taisaient jusque-là. Le premier round ? Il a lieu dès le 2 novembre 2016, sur le plateau de l’émission « En direct de Mediapart ». Emmanuel Macron n’est pas encore officiellement dans la course à la présidentielle (il y entrera quatorze jours plus tard), mais le suspense sur sa candidature n’est pas franchement haletant. Et il est donc venu esquisser son programme, et éclaircir, pourquoi pas, certains points plus personnels. Lorsque le journaliste Mathieu Magnaudeix lui demande s’il pense qu’un cabinet noir alimente des rumeurs sur sa vie privée, s’appuyant sur un papier paru dans L’Express au sujet des « boules puantes » de sa campagne, le futur président ne manque pas l’opportunité de répondre. « Beaucoup de gens s’amusent à dire que j’ai une double vie. […]. Que ceux qui s’amusent à faire ça se fatiguent parce que je ne changerai pas de vie pour eux. Je n’ai pas de double vie et je tiens plus que tout à ma vie familiale et à ma vie maritale. » Une séquence qui voit basculer la communication d’Emmanuel Macron sur le sujet… Le tout, avec des éléments de langage soigneusement choisis. Ce jour-là, il sait en effet que la question de la vie privée sera évoquée. « Il y avait des rumeurs, des insinuations, nous explique Mathieu Magnaudeix. Son équipe semblait mal à l’aise pour répondre, craignant d’alimenter les on-dit. Les journalistes n’osaient pas qualifier ces rumeurs et ne lui avaient pas posé la question directement, ce qui alimentait sur les réseaux sociaux toutes sortes de plaisanteries homophobes. En abordant avec Sylvain Fort [son conseiller en communication, NdA ] les séquences de l’émission, je l’ai donc averti, sans entrer dans les détails, que je poserais une question sur la vie privée. C’est la première fois qu’il a dit : “Je n’ai pas de double vie [10] Entretien avec l’auteur, le 25 août 2017.
”. » Une réplique sans équivoque, dont il aurait pu se contenter une fois pour toutes. Ce ne sera pas le cas.
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