Kim Robinson - Les martiens

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D’une mission d’entraînement en Antarctique aux terrifiantes tempêtes de sable qui balaient les canyons désolés de la planète rouge,
met en scène toute une galerie de personnages ayant joué un rôle dans cette histoire de la colonisation de la planète soeur magistralement décrite par Kim Stanley Robinson dans sa trilogie martienne, d’ores et déjà saluée comme l’un des grands classiques de la science-fiction. Depuis l’épopée des Cent — les premiers explorateurs —, ce sont des générations d’hommes et de femmes qui ont transformé en colonie durable ce qui n’était au départ qu’un avant-poste à l’existence bien ténue. Les expéditions internationales qui se sont succédé ont débouché sur la création d’un monde. Celui-ci a connu une évolution inéluctable, avec son cortège de luttes politiques, de révolutions et de conflits armés.
A une époque où la longévité est de l’ordre d’un siècle et demi, Les Martiens raconte l’épopée de générations d’humains vivant aux limites de la frontière ultime, où les paysages façonnés par les hommes sont sans cesse en butte aux monstrueux caprices de la nature.
Les Martiens

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Alors qu’un grand BOUM me projetait dans
Un noir territoire crépitant de flammes
Des flammes brûlantes ô mon Dieu

Je criai ô mon Dieu ô mon Dieu
Quittai frénétiquement mon duvet remis mes bottes
Sortis en titubant dans une odeur

De feuilles d’automne brûlant le passé
Je pris ma vache à eau et me précipitai
Pour éteindre les feux qui se rallumaient

Sitôt que je courais vers le suivant ô mon Dieu
Je me ruai vers le ruisseau et cessai de penser
Que c’était l’exploit de ma vie

Éteindre des feux quand il n’y avait pas de bois
Visions entrecoupées d’images récurrentes
À quoi bon cette agitation

J’arrivai à une masse orange vif
Une pierre dressée seule sur une dalle
Une météorite lançant encore de rutilantes flammes

Je m’assis devant
Repris mon souffle
La regardai briller assis en tailleur

Je tendis la main
Sentis sa chaleur de loin
La pure couleur du feu

Des films ondulant à la surface
Incandescents dans le noir
Illuminant le glacis luisant

De la dalle reflétant dans son noir
Miroir la nuit immobile l’air sans un souffle
Légèrement fumeux les étoiles à nouveau

Fixes à leur place la pluie de
Météores avait presque cessé le ruisseau
Babillant comme il n’avait cessé de le faire

Indifférent à la vie dans le ciel
Une sorte de compagnie alors que je regardais
La chaleur brûlante de la visitation

Mes mains alors qu’un film sombre
Voilait son éclat orange
Jusqu’à ce qu’il soit à la fois

Orange et noir je retournai chercher
Mon duvet m’enroulai dedans vigilant
Adieu sommeil pendant tant de nuits

Mais cette fois c’était justifié
Mon visiteur se refroidissait sa lumière
Se croûtait de noirs flocons

Dessous la surface orange plus sombre
La lune se leva sur les pics déchiquetés
Inonda le bassin de sa froide lumière

Ponctua l’eau du ruisseau
L’air sombre conservant une lumière invisible
La météorite orange alors tavelée de noir

Encore chaude au centre
De cette dalle de granit poli
Au centre de ce sombre bassin

À l’aube la roche était du noir le plus pur
Évidemment je la ramenai chez moi
Et la mis sur la cheminée

En souvenir de cette nuit en témoignage
De notre place dans le monde
Jamais je n’oublierai mes impressions

Lorsqu’elle tomba du ciel cette nuit-là
Brillant d’une lueur orangée et moi à côté
M’y chauffant comme à un petit soleil

Mars la violette

Il émerge d’un sommeil agité et part, dans une sorte de stupeur, en quête d’un café. La famille réunie autour de la table de la cuisine. Le petit déjeuner est une succession de tableaux de Mary Cassatt peints par un Bonnard ou un Hogarth.

— Hé, aujourd’hui, je finis mon livre.

— Très bien.

— David, va t’habiller en vitesse. C’est l’heure de l’école.

David lève les yeux de son livre.

— Hein ?

— Va t’habiller, c’est l’heure d’aller à l’école. Tim, tu veux des céréales ?

— Non.

— D’accord.

Il assied Tim sur une chaise devant un bol de céréales.

— Ça va, là ?

— Non.

Il enfourne ses céréales à grandes cuillerées.

L’heure de l’école approche et David amorce sa répétition quotidienne du paradoxe d’Achille et la tortue, une proposition jadis énoncée par un philosophe appelé Zénon et qui raconte comment, plus l’heure d’aller à l’école approche, plus Achille se déplace comme une tortue et moins il perçoit le monde qui l’entoure jusqu’à ce qu’il entre dans un continuum espace-temps complètement distinct, qui n’a que très peu d’interaction avec le nôtre. Se demandant comment Neutrino Boy peut faire preuve d’une telle distraction, son père apprend par cœur les tasses à café tout en préparant le café moulu pour sa petite dose matinale de café turc. Il avait jusque-là l’habitude de se faire un espresso, un café obtenu par extraction de vapeur, mais récemment il est passé à un café turc boueux qu’il prépare lui-même et dont il savoure l’odeur en travaillant. Sur Mars, l’atmosphère étant plus ténue, il n’apprécierait pas autant les choses, et rien n’aurait aussi bon goût que ce café du matin. En fait, Mars pourrait être un cauchemar culinaire où tout aurait goût de poussière, en partie parce que ce serait poussiéreux. Enfin, ils s’y feraient. S’ils pouvaient.

— Tu es prêt ?

— Hein ?

Il fourre Tim et son bol de céréales dans le panier de son vélo et suit David à travers le village, jusqu’à l’école. C’est la fin de l’été dans l’hémisphère Nord, la piste cyclable est bordée de fleurs et il y a de jolis nuages cotonneux dans le ciel.

— Si on allait à l’école à bicyclette sur Mars on ne serait pas obligés de pédaler aussi fort, mais on aurait plus froid.

— Sur Vénus, on aurait encore plus froid.

Une cour d’école pleine d’enfants.

— Passe une bonne journée et écoute bien ton professeur.

— Hein ?

Il dépose Tim à la crèche et rentre à la maison à toute vitesse. Là, il rédige une liste de choses à faire, ce qui lui donne l’impression d’être très vertueux et l’aide à surmonter le sentiment initial, profond, qu’il n’arrivera jamais à faire tout ça, ce qui l’aide, en soi, l’amène à penser que ça ne va pas aussi mal qu’il pensait, et lui donne l’idée de plier la liste en forme d’avion en papier puis de l’envoyer dans la corbeille à papiers. Non qu’il faille déduire aucune relation de cause à effet de cette séquence ; les choses s’arrangeront toutes seules. Ou pas.

Il décide qu’avant de se mettre au travail, il va tondre la pelouse. Il ne faut pas attendre que l’herbe vous arrive aux genoux, surtout si on utilise une tondeuse à main, ce qui est son cas, pour des raisons écologiques, esthétiques, athlétiques et psychopathologique. Son voisin lui fait bonjour de la main et il s’arrête net, frappé par une réflexion soudaine.

— Sur Mars, l’herbe coupée volerait des lames de la tondeuse jusqu’au-dessus ma tête ! Il faudrait que je trouve le moyen de traîner le panier derrière moi ! Mais l’herbe ne serait pas aussi verte.

— Ah bon, vous croyez ? demande le voisin.

À l’intérieur, il récupère la liste et coche la rubrique « tondre la pelouse ». Puis il se rue vers son bureau, prêt à écrire. Intense concentration, aussitôt traduite en action. Aussitôt, du moins, que la caféine d’une nouvelle tasse de café noir boueux s’est déversée dans son circuit sanguin. Le premier mot de la journée vient facilement :

The

Évidemment, il se peut que ce ne soit pas le bon mot. Il réfléchit. Le temps s’écoule selon une double hélice de non-temps éternel, dans cette inexprimable bénédiction. Il révise, réécrit, restructure. La phrase augmente, rétrécit, augmente, rerétrécit, change de couleur. Il fait une tentative de vers libres, de sextine, d’équation mathématique, de glossolalie. Pour finir, il en revient à la formulation d’origine, la complexifiant par une nuance additionnelle :

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