Kim Robinson - Les martiens

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D’une mission d’entraînement en Antarctique aux terrifiantes tempêtes de sable qui balaient les canyons désolés de la planète rouge,
met en scène toute une galerie de personnages ayant joué un rôle dans cette histoire de la colonisation de la planète soeur magistralement décrite par Kim Stanley Robinson dans sa trilogie martienne, d’ores et déjà saluée comme l’un des grands classiques de la science-fiction. Depuis l’épopée des Cent — les premiers explorateurs —, ce sont des générations d’hommes et de femmes qui ont transformé en colonie durable ce qui n’était au départ qu’un avant-poste à l’existence bien ténue. Les expéditions internationales qui se sont succédé ont débouché sur la création d’un monde. Celui-ci a connu une évolution inéluctable, avec son cortège de luttes politiques, de révolutions et de conflits armés.
A une époque où la longévité est de l’ordre d’un siècle et demi, Les Martiens raconte l’épopée de générations d’humains vivant aux limites de la frontière ultime, où les paysages façonnés par les hommes sont sans cesse en butte aux monstrueux caprices de la nature.
Les Martiens

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Auprès de Tensing nous l’ignorons encore
Le monde et la cascade sont une seule et même chose
Nous le lisons sur l’Himalaya de son visage

Brillant comme la glace au soleil
Beaucoup vent dit-il South Col beaucoup vent
Il avait cinquante-quatre ans

Plus tard ce matin-là Lisa fut malade
Il la fit redescendre la tenant par la main
Lui offrant du thé des gorgées d’eau

Il nous ramena à Pheriche
À la maison de thé pendant que Lisa se remettait
Aida les Sherpani qui cuisinaient tout le jour

Nous conduisit à l’ancien monastère
Nous montra le mur des masques-démons
Nous emmena à Thyangboche sous la pluie

Nous fit voir le mandala des moines
Cinq hommes en rouge assis à rigoler
Sur un cercle de sables colorés

Frotter des entonnoirs avec des badines
Pour libérer des ruisselets rouge vert jaune bleu
Tenter une plaisanterie et nous trois

Assis avec eux par une sombre journée de pluie
Assis là sans bouger enfermés
Il nous ramena dans le monde du bas

En bas à Namche, tout en bas à Lukla
Petite piste d’atterrissage taillée dans la paroi
De la gorge avant-poste de toute chose

Nous mena au crépuscule à la coop des sherpas
Où tout le monde regardait la télévision
Alimentée par le générateur Honda à l’arrière

Le concert Live Aid en vidéo
Tout le monde sidéré par l’image
D’Ozzy Osborne mettant la scène en morceaux

Tensing l’homme qui nous guida
S’occupa de nous nous apprit tout
Finit de manger traversa la pièce

S’accroupit à côté de moi montra la télé
America ? dit-il.
Non répondis-je non ça c’est l’Angleterre

RAPPORT SUR LE PREMIER CAS RECONNU D’ARÉOPHAGIE

Pour Terry Bisson

Le jour de mes quarante-trois ans Presque fini
Mars des feuilles dans tous les sens
Dans un roman (comme en tout) la beauté est
Une propriété émergente survenant
Tardivement dans le processus Avant cela
Tout n’est que désordre et chaos Mais grands
Étaient mes espoirs Je sentais
Que ça prenait tournure Je pensais
Donner le dernier coup de collier Qui réaliserait
La convergence de toutes mes aspirations
Chose déraisonnable J’avais en ma possession
Quelques fragments de Mars un gramme ou deux
De la météorite SNC tombée à Zagama au Nigeria
En octobre 1962 après treize millions d’années
Dans l’espace petits bouts de pierre grise
Montés en collier donné à ma femme
Je dévissai le fermoir en pris un morceau
Montai sur mon toit au coucher du soleil
Claire journée les corbeaux revenant
Des champs Sombre masse de la chaîne côtière
Nuages argentés au-dessus à l’ouest
La voûte encore bleue la brise fraîche
Du delta et moi là sur mon toit
Au milieu de ma vie
Sur le point de manger un caillou
Qui s’il n’était pas un faux ramené de Jersey
Était un vrai morceau de la planète voisine
Je me sentais tout drôle
Je n’ai jamais pu l’expliquer
Même à moi-même je peux seulement dire que
Dans l’espoir d’imaginer Mars j’en étais arrivé
À voir la Terre plus nettement que jamais
Ce beau monde aujourd’hui vivant
Dans la lumière théâtrale du coucher de soleil
De longues lignes d’oiseaux noirs voguant vers l’est
Sous mes pieds ma maison le soleil
Effleurant la chaîne côtière
Je mis le caillou dans ma bouche
Tout continua comme avant
Pas de frisson électrique étranger au soleil
Pas de glossolalie Je tentai de le broyer
Il était trop dur pour céder sous la dent
Le roulai sous ma langue aucun goût
Le frottai sur mes dents un petit caillou
Il me traverserait presque entier
Mais les farouches acides gastriques
Entameraient sûrement sa surface
Et quelques rares atomes je l’espérais
Comme le carbone incorporés à mes os
Effectueraient en moi leur cycle de sept ans ou
Resteraient pour de bon peut-être
Et c’est ainsi qu’assis là Je digérai
Mars le paysage le soleil Sur lequel
Se fermait la paupière de Berryessa
Le vent se lève la vie suit son cours
En haut en bas vibration des moments ordinaires
Soudaine euphorie pincement de douleur tornade
Descendant descendant en spirale dans la
Plus exquise dépendance sensitive
De facteurs inconnus qui n’ombrent rien de tel
Question de volonté discipline exercée jour après
Jour pendant des années pour faire un monde
Transparent en moi et mon esprit chez moi
Et tout en avalant un petit bout d’un autre monde
Celui-ci tournoyait en moi comme une véritable
Californie

LAMENTATION DES ROUGES

Ils n’y comprirent jamais rien
aucun d’eux jamais
jamais sur Terre par définition
et presque jamais sur Mars elle-même
comme elle était au début
comme elle était avant que nous la changions

Comme le ciel devenait rouge à l’aube
comment c’était de se réveiller sous le soleil
la lumière en soi la roche sous la botte
0,38 g même dans nos rêves
et dans nos espoirs pour nos enfants

Comme le chemin toujours se dégageait
même dans le pire des chaos boiteux
qu’apparaisse ou non un fil d’Ariane
dans le moment périphérique perdu
perdu et retrouvé continuer
sur une chaussée dans le paysage bouleversé

Comme une si grande partie en devait être
inférée à travers les combinaisons
qui nous coupaient du monde tactile
nous regardions
pèlerins amoureux d’une lumière au loin
sentant brûler notre feu intérieur
notre corps pareil à tout un monde
l’esprit palpitant dans un fil électrique
de tungstène pensée dans le noir
l’individu en tant que planète
la surface de Mars l’intérieur
de notre âme conscient chacun
de chacun et tous du tout

Comme nous savions que le chemin avait changé
et ne resterait jamais assez longtemps
le même pour que nous le comprenions
Comme l’endroit était là comme tu pensais à la pierre là

Comme tout ce que nous pensions savoir
dans le ciel tombait en morceau et nous laissait
debout dans le monde visible
façonné par le vent soufflant vers l’horizon
tu pouvais presque toucher
un petit prince sur un petit monde cherchant

Comment les étoiles brillaient à midi
sur les flancs des grands volcans
crevant le ciel entrant
dans l’espace nous marchions dans l’espace
et sur le sable en même temps sachant
que nous savions que nous n’étions pas chez nous comme

Nous avions toujours su que nous n’étions pas
chez nous mais en visite sur cette planète
la Terre le dalaï-lama l’a dit
nous sommes ici pour un siècle tout au plus
et pendant ce temps nous devons essayer
de faire quelque chose de bien quelque chose d’utile

Comme le fit Bouddha avec nos vies
comme sur Mars nous l’avons
toujours su toujours vu sur le visage nu
du sol sous nos pieds l’éperon
et les formes ravinées de nos vies
vierges de tout ornement
roche rouge poussière rouge la matière
minérale nue ici et maintenant
et nous les animaux debout dessus

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