Thimas Disch - 334

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334: краткое содержание, описание и аннотация

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N’allez pas vous faire soigner dans cet hôpital inquiétant, car si vous y mourez, vous disparaîtrez complètement...
Il s’ennuie au nid pendant que sa femme gagne de l’argent. C’est pourquoi on lui a permis de faire naître et de nourrir un enfant.
Six remarquables nouvelles du grand écrivain américain Thomas Disch.

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Quoi d’autre ? Il y avait des défilés pour les politisés, et des religions à divers degrés d’énergie pour les apolitiques. Il aurait pu y avoir la danse, mais l’école Lowen les avait rendus trop exigeants pour la plupart des manifestations d’amateurs qui se montaient à New York.

Quant à faire l’amour, le suprême passe-temps, c’était encore pour eux tous, à l’exception de Petit Monsieur Gros Bisou et d’Amparo (et même pour eux si on considérait les choses sous le seul aspect de l’orgasme proprement dit) quelque chose qui se passait sur un écran, une merveilleuse hypothèse à laquelle il manquait une confirmation empirique.

D’une façon ou d’une autre, toutes ces activités n’étaient qu’une forme de consommation, et ils en avaient assez (qui n’est pas dans ce cas ?) d’être passifs.

Ils avaient douze ans, ou onze, ou dix, et ils ne pouvaient plus attendre. Attendre quoi, voilà ce qu’ils voulaient savoir.

Ainsi donc, quand ils ne traînassaient pas en solo, toutes ces ressources virtuelles, livres, marionnettes, sports, arts, politique et religions entraient dans la même catégorie d’utilité que les bons points ou les week-ends à Calcutta, qui est un nom qu’on peut encore trouver sur certaines vieilles cartes de l’Inde. Leurs vies n’étaient pas rendues plus riches, et leur été passait comme les étés se sont toujours passés de mémoire d’homme. Ils traînaient, boudaient, languissaient et se cherchaient querelle et se plaignaient. Ils interprétaient des psychodrames timides et décousus et polémiquaient à l’infini sur des détails relativement accessoires de l’existence – les mœurs des animaux de la jungle ou la façon dont on fabriquait les briques ou l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.

Un jour ils comptèrent tous les noms gravés dans les monolithes érigés à la mémoire des soldats, des marins et des aviateurs. Le total se montait à 4 800.

— Mince, dit Tancred.

— Mais ils ne peuvent pas y être tous, insista Mary Jane, parlant au nom des autres. Même ce « mince » avait eu l’air vaguement ironique.

— Pourquoi pas ? demanda Tancred, qui ne pouvait jamais résister à la tentation de contredire. Ils venaient de tous les États du pays et de toutes les armes. Ils ont dû les mettre tous, sinon les gens dont on aurait oublié d’inscrire les parents morts auraient protesté.

— Mais si peu nombreux ? Ils n’auraient pas pu livrer plus d’une bataille à ce rythme-là.

— Peut-être que… commença timidement Sniffles. Mais on l’écoutait rarement.

— Les guerres se passaient différemment à l’époque, expliqua Tancred avec l’autorité d’un journaliste commentant les informations à une heure de grande écoute. En ce temps-là il y avait plus de gens qui se faisaient tuer par leurs propres autos que par faits de guerre. C’est pas des blagues.

— Mais quatre mille huit cents ?

— … un tirage au sort ?

Celeste balaya d’un geste de la main tout ce que disait ou dirait jamais Sniffles.

Mary Jane a raison, Tancred. C’est un chiffre tout simplement ridicule. Enfin, pendant la même guerre les Allemands ont fait passer sept millions de Juifs dans les chambres à gaz.

— Six millions, corrigea Petit Monsieur Gros Bisou. Mais ça ne change rien. Peut-être que ceux qui sont là ont été tués au cours d’une campagne particulière.

— Si c’était le cas, ils l’auraient dit.

Tancred n’en démordait pas, et il réussit même à leur faire admettre enfin que 4 800 était un chiffre impressionnant, surtout quand chaque nom était gravé dans de la pierre.

Une autre statistique stupéfiante fut commémorée dans le square : en trente-cinq ans Castle Clinton avait servi de centre de transit à 7 700 000 immigrants ayant élu domicile aux États-Unis.

Petit Monsieur Gros Bisou se mit au travail et annonça qu’il faudrait 12 800 plaques de pierre telles que celles portant les noms des soldats, marins et aviateurs pour inscrire les noms de tous les immigrants avec leur pays d’origine, et une superficie de huit kilomètres carrés pour ériger ces pierres, soit la partie de Manhattan comprise entre ici et la Vingt-Sixième Rue. Mais tout bien réfléchi, le jeu en vaudrait-il la chandelle ? Cela changerait-il quoi que ce soit à l’ordre présent des choses ?

Alyona Ivanovna :

Un archipel d’îles brunes de formes irrégulières parsemait la mer bronzée de son crâne chauve. Les continents de sa chevelure bordaient celle-ci de falaises de marbre – surtout sa barbe, qui était blanche, drue et bouclée. Son dentier était du modèle classique agréé par le MODICUM ; ses habits, aussi propres qu’une étoffe aussi ancienne peut l’être. Il ne sentait même pas particulièrement mauvais. Et pourtant…

Il aurait eu beau prendre un bain tous les jours, vous auriez toujours pensé en le regardant qu’il était sale, comme ces planchers de maisons anciennes qui semblent avoir besoin d’être lessivés quelques minutes à peine après le passage de la serpillière. La crasse ne faisait plus qu’un avec la peau fripée et les vêtements fripés, et seule une intervention chirurgicale, ou une flamme, aurait pu l’en déloger.

Ses habitudes étaient aussi régulières qu’un foulard à pois. Il vivait dans un hospice pour vieillards de Chelsea – découverte qu’ils devaient à un orage qui les avait forcés à prendre le métro au lieu de rentrer chez eux à pied, comme d’habitude. Il lui arrivait de passer les nuits les plus chaudes dans le square, blotti dans l’embrasure de l’une des fenêtres de Castle Clinton. Il achetait ses casse-croûte dans une épicerie fine de Water Street, Dumas Fils : fromages, fruits d’importation, poisson fumé, pots de crème fraîche, une nourriture digne des dieux. Sinon il se serrait la ceinture, encore que l’hospice dût lui fournir des choses aussi prosaïques que le petit déjeuner. Pour un mendiant, c’était une façon étrange de dépenser son argent ; la plupart d’entre eux préféraient la drogue.

Professionnellement parlant, sa tactique était l’agression caractérisée. Par exemple, il vous fourrait la main ouverte sous le nez en disant : « T’as pas un p’tit quelque chose pour moi, mec ? ». Ou encore, sur le ton de la confidence : « J’ai besoin de soixante cents pour rentrer chez moi. » Il était stupéfiant de voir combien de fois ça marchait, bien qu’en réalité cela n’eût rien de stupéfiant. Il avait un charme quasi magnétique.

Et quelqu’un qui comptait sur son charme ne devrait pas être armé.

Au point de vue de l’âge, il pouvait avoir soixante ans, soixante-dix, soixante-quinze même, ou beaucoup moins. Tout dépendait de la vie qu’il avait menée, et où il l’avait menée. Il avait un accent qu’aucun d’entre eux ne pouvait identifier. Il n’était pas anglais, ni français, ni espagnol, ni probablement russe.

Outre sa tanière dans le mur de Clinton Castle, il avait deux endroits de prédilection. L’un était la promenade bétonnée qui longeait la mer. C’est là qu’il travaillait, dans l’espace compris entre le marchand ambulant et un point situé juste au-delà de Clinton Castle. Le passage d’un des grands croiseurs de la Navy, le U.S.S. Dana ou le U.S.S. Melville avait pour effet de le figer sur place ainsi que tous les habitants du square, comme au passage d’un défilé tout entier, blanc, silencieux, lent comme un rêve. C’était un fragment d’histoire qui passait, et même les Alexandriens étaient impressionnés, bien que trois d’entre eux eussent fait la croisière jusqu’à Andros Island et retour à bord d’un bâtiment de guerre. Parfois, cependant, il restait accoudé au garde-fou pendant de longues périodes, sans raison véritable, à contempler simplement le ciel de Jersey et la côte de Jersey. Au bout d’un moment il lui arrivait de parler tout seul ; ce n’était qu’un murmure inaudible mais très sérieux à en juger d’après la façon dont il plissait le front. Pas une seule fois ils ne le virent s’asseoir sur l’un des bancs.

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