Stanislas Lem - Retour des étoiles

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Retour des étoiles: краткое содержание, описание и аннотация

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Dans « Retour des étoiles », Stanislas Lem raconte la vie du cosmonaute Hal Bregg après son retour sur Terre à l’issue d’une expédition spatiale qui l’a emmené à vingt-trois années-lumière de notre planète. Pour lui et ses compagnons le voyage a duré dix ans mais sur Terre, cent vingt-sept années se sont écoulées. La société terrienne a bien sûr changé et l’auteur raconte la confrontation entre un homme qui nous ressemble beaucoup et une société futuriste très étrange.
La principale étrangeté de cette société est que tous les individus sont « bettrisés » alors qu’ils sont encore des enfants. La « bettrisation » est une intervention chimico-biologique sur le cerveau (pour des raisons bien compréhensibles l’auteur entre peu dans les détails) qui diminue de façon très importante l’agressivité naturelle de l’être humain. Les nouvelles générations sont « gentilles » et ne peuvent tout simplement pas « penser » le mal ni la violence. Mêmes les opérations chirurgicales sont difficiles à faire pour les êtres humains et ce sont donc des robots qui s’en chargent. Les hommes sont constamment sous contrôle et les normes sociales veulent qu’ils absorbent régulièrement des substances calmantes. A côté de ça, le développement intellectuel et émotionnel des hommes et des femmes semble normal…

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Je procédai exactement comme elle. Cette bonce ne ressemblait à rien de ce que j’avais mangé précédemment. Elle croustillait sous la dent comme un petit pain frais mais fondait aussitôt dans la bouche ; la pâte brunâtre était très épicée de l’intérieur. Je pensai que j’allais bien aimer les bonces.

— Encore ? demandai-je quand elle eut fini sa crêpe. Elle me sourit en secouant la tête. A la sortie elle plaça ses mains dans une petite cavité carrelée — quelque chose frémissait là-dedans. Je l’imitai, un vent chatouillant me souffla sur les doigts ; quand je les sortis ils étaient propres et secs. Puis nous primes un grand escalier mécanique montant. Je ne savais pas si c’était toujours l’aérogare, cependant je préférais ne pas demander. La fille me conduisit dans une cabine encastrée dans un mur — il n’y faisait pas très clair, j’eus l’impression que des trains passaient au loin car le plancher tremblotait. L’espace d’une seconde il fit complètement noir, nous sentîmes un souffle profond, comme si un monstre métallique avait vidé ses poumons, ça s’éclaircit, la fille poussa la porte. Ça devait être vraiment une rue. Nous y étions absolument seuls. Des arbrisseaux soigneusement entretenus bordaient le trottoir ; un peu plus loin de plates machines noires se tapissaient en masse. Quelqu’un sortit de l’ombre, disparut derrière une de ces machines — je ne vis aucune porte s’ouvrir, il disparut tout simplement et la machine partit avec un tel élan qu’il dut être écrasé sur son siège ; je ne voyais pas de maisons, seulement ta chaussée plate comme un miroir, couverte de bandes métalliques mates ; aux carrefours pendaient au-dessus du macadam des fentes lumineuses se mouvant, orange et rouges, elles ressemblaient un peu à des maquettes de projecteurs militaires.

— Où est-ce qu’on se prend ? demanda la fille. Elle me tenait toujours par le bras. Elle avait ralenti. Une traînée de lumière rouge éclaira son visage.

— Où tu veux.

— Bon, alors allons chez moi. C’est tout près. Ce n’est pas la peine de prendre un glider.

Nous repartîmes droit devant. On ne voyait toujours pas de maisons et le vent qui arrivait de l’obscurité, à travers ces buissons, donnait l’impression de venir d’un grand espace libre. Un espace vide autour de la gare ? Tout au centre de la ville ? Cela me parut étrange. Le vent apportait une faible senteur de fleurs que je captais avidement avec les narines. Un merisier ? Mais ce n’était pas l’odeur d’un merisier.

Puis nous tombâmes sur un trottoir roulant ; nous nous tenions debout là-dessus ; nous faisions un drôle de couple. Des lumières s’avançaient vers nous et disparaissaient. De temps à autre tels des bolides passaient des véhicules ; ils semblaient être faits d’une seule coulée de métal noir, n’avaient ni fenêtres, ni roues, ni même de lumières et ils fonçaient aveuglément à toute vitesse. Ces lumières qui nous éclairaient jaillissaient de fentes étroites suspendues verticalement très bas au-dessus du sol. Je ne pouvais me rendre compte si elles avaient quelque chose à voir avec la circulation routière.

De temps en temps, un triste sifflement se faisait entendre très haut dans le ciel invisible. La fille quitta subitement la bande roulante pour remonter sur une autre qui piqua abruptement vers le haut, je me vis dominer tout le voisinage. Ce voyage aérien dura peut-être une demi-minute et se termina sur une saillie du mur pleine de fleurs dont l’odeur était très faible, comme si nous étions arrivés par un transporteur mécanique touchant le mur sur un balcon ou une terrasse. La fille s’avança à l’intérieur de cette loggia, tandis que moi, j’essayais de repérer, avec mes yeux habitués maintenant à l’obscurité, les contours des maisons voisines. Grandes, aveugles sans fenêtres, noires — comme mortes —, elles n’avaient pas de lumière et pas de bruit, même le plus faible. Seul le sifflement strident des véhicules sur la chaussée trouait par moments le silence. Je fus surpris par ces ténèbres totales, voulues, je crois, ainsi que par l’absence de publicités, surprenante après l’orgie lumineuse de la gare, mais je n’eus pas le temps de réfléchir à tout cela.

— Viens, où es-tu ? entendis-je murmurer la fille.

Je ne voyais que la tache blafarde de son visage. Elle posa la main sur le panneau de la porte qui s’ouvrit, mais elle ne donnait pas directement sur l’appartement. Le plancher démarra doucement sous nos pieds. « On ne peut pas y faire un pas, pensai-je, c’est même drôle qu’ils aient encore des jambes. » Mais cette ironie était très superficielle, elle ne venait que de ma surprise continue, de mon sentiment d’irréalité concernant tout ce qui m’arrivait depuis plusieurs heures.

Nous traversâmes un grand vestibule ou plutôt un couloir très large et assez sombre. Seuls les angles des murs luisaient, couverts de traînées de peinture lumineuse. A l’endroit le plus sombre elle posa encore une fois sa main bien à plat sur la plaque métallique de la porte et elle entra la première. Je clignai des yeux, le hall d’entrée — très violemment éclairé — était vide. Elle avançait déjà vers une autre porte ; quand je me fus approché du mur celui-ci s’ouvrit brusquement et me montra des rayons pleins de petites bouteilles et de boîtes. Cela s’était passé si brusquement que, malgré moi, je sursautai.

— N’effraie pas mon placard, jeta-t-elle de l’autre pièce.

J’entrai derrière elle.

Ses meubles semblaient être coulés dans du verre ; des fauteuils bas, un petit sofa, des tables — dans leur matière semi-transparente tournaient lentement des essaims de petites lumières qui se disséminaient et se réunissaient en coulées ; c’était comme si un sang vert clair mélangé de rose circulait à l’intérieur des meubles.

— Pourquoi ne t’assieds-tu pas ?

Je m’assis. Le fauteuil s’étendit pour me recevoir. Je détestais ça. Cette verrerie n’était pas en verre — j’avais l’impression de m’asseoir sur des coussins aériens, et en regardant vers le bas, à travers l’épaisseur tordue du fauteuil, je pouvais voir de façon floue le plancher.

En entrant j’eus d’abord le sentiment que le mur en face de la porte était en verre et que je voyais derrière lui une deuxième pièce, remplie de gens, comme s’il s’y était donné une réception, mais ces gens étaient d’une taille extraordinaire — et je compris alors que je me trouvais devant un écran de télé, géant, s’étendant sur tout le mur. L’image était muette ; maintenant, assis, je voyais un immense visage de femme, tout à fait comme si une géante à la peau sombre regardait dans la pièce par la fenêtre ; ses lèvres bougeaient, elle parlait et les bijoux couvrant ses oreilles, très grands, brillaient d’un éclat de diamant.

Je m’installai plus confortablement sur le fauteuil. La fille me regardait attentivement, une main posée sur la hanche — son ventre donnait vraiment l’impression d’être sculpté dans un métal couleur d’azur. Elle ne semblait plus ivre. Cela n’avait peut-être été qu’une fausse impression.

— Comment t’appelles-tu ? demanda-t-elle enfin.

— Bregg. Hal Bregg. Et toi ?

— Naïs. Quel âge as-tu ?

Drôle de question pensai-je. Mais quoi, c’était peut-être la coutume !

— Quarante ans — pourquoi ?

— Pour rien. Je t’en donnais cent.

Je souris.

— Si tu veux, je peux les avoir. (Le plus drôle c’est que c’était vrai.)

— Je te donne quelque chose ?

— A boire ? Rien, merci.

— Comme tu voudras.

Elle s’avança jusqu’au mur qui s’ouvrit laissant apparaître un petit bar. Elle se plaça devant l’orifice, le cachant ainsi à mes yeux. Quand elle se retourna, elle tenait à la main un petit plateau avec deux gobelets et deux bouteilles. Elle me versa du liquide ressemblant à du lait, en serrant légèrement la bouteille.

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