Comme il s’y attendait, sa suggestion fit l’unanimité.
La première opération qu’il dirigea fut le braquage d’une bijouterie de luxe située place Vendôme, à Paris.
Le 6 juillet, en fin de matinée, il se présenta à l’entrée de la joaillerie, habillé avec élégance. Dès que l’accès fut déverrouillé, il entra dans la boutique et maintint la porte entrebâillée. Dans l’instant, Pépé et six hommes se ruèrent à l’intérieur, armés de haches, de pieds-de-biche et de pioches.
Pendant qu’Alex tenait les employés en respect avec une arme de poing, ils s’attaquèrent aux vitrines à grands coups de barres de fer. En moins de deux minutes, ils firent main basse sur de nombreuses pièces prestigieuses qu’ils firent disparaître dans de grands sacs de toile.
Ils prirent la fuite en se dispersant, chacun partant dans une direction différente. Deux autres complices couvrirent leur retraite à l’aide de bombes fumigènes.
Le butin fut évalué à huit cent mille francs. Pépé l’estima à deux millions.
Fort de ce succès, Alex prit contact avec Franck et lui proposa de se joindre à eux.
— Ces types n’ont peur de rien, ils sont prêts à tout. Avec toi, on peut monter en puissance et envisager des gros coups.
Franck l’avait écouté jusqu’au bout avant de lui donner sa réponse.
— Désolé, ce sera sans moi. Si ces types sont prêts à tout, ça tournera mal un jour ou l’autre. En plus, tu sais que je ne travaillerai jamais sous les ordres de quelqu’un.
Il s’abstint de lui donner les véritables raisons de son refus.
Il trouvait que le braquage de la place Vendôme était loin d’être glorieux. L’intervention ressemblait plus à un déferlement de barbares qu’à un braquage de haut vol. De plus, il n’avait qu’une confiance limitée en Pépé, qu’il voyait comme un excité de la gâchette. Pour finir, il ne voulait pas avouer à son ami qu’il se sentait bien dans sa nouvelle vie.
Même s’il était encore dans leur collimateur, la police et les journalistes le laissaient tranquille.
Au niveau professionnel, Vert d’experts se portait à merveille. Il venait d’ouvrir une succursale à Liège, il employait une soixantaine de personnes et donnait satisfaction à une quarantaine de clients, dont neuf administrations communales.
En outre, Antoine était devenu sa priorité. Il ne voulait pas que son fils ait un père en prison et connaisse les affres des visites au carreau.
Fin juillet, il partit à Oppède-le-Vieux avec Julie et Antoine.
Ils passèrent six semaines faites de travaux dans la maison, de farniente, de soleil, de soirées au calme et de jeux avec Antoine.
Julie était heureuse, détendue, épanouie par sa maternité.
Lors d’un passage à Avignon, il fit l’acquisition d’un demi-queue Schimmel d’occasion. Dès la semaine suivante, le piano trônait dans le salon et il travaillait les dernières sonates de Beethoven, les plus riches et les plus complexes. Sa fibre artistique, son attachement à Julie et son statut de père avaient pris le dessus sur son âme d’aventurier.
Vingt mois plus tard, le 30 avril 2001, Laurent fut libéré.
Franck vint le chercher à sa sortie de prison et l’accueillit chez lui en attendant qu’il retrouve ses marques.
Très rapidement, il comprit que la prison ne l’avait pas découragé. Le premier soir, il avait attendu que Julie s’éclipse pendant quelques instants pour adopter un ton de connivence.
— Alors, vous êtes sur quoi pour l’instant ?
La réponse de Franck l’avait refroidi.
— Je m’occupe de mon entreprise et de mon fils. Alex est à Paris. On parle régulièrement de ses exploits dans les journaux.
Il avait grimacé.
— Dans ce cas, je crois que je vais aller lui dire bonjour. J’ai toujours adoré cette ville.
Dès la semaine suivante, Laurent rejoignit Alex dans la capitale française. Ce dernier le présenta à Pépé et à ses équipiers.
S’ils se montrèrent imperméables à ses pitreries et à son humour caustique, ses connaissances en explosifs leur firent entrevoir des perspectives prometteuses.
Le 4 juin 2001, à 5 heures du matin, Alex et sa bande attaquèrent le centre-fort d’une société de transports de fonds à Orly-Ville. Dans un premier temps, Laurent fit sauter la porte d’entrée du bâtiment où l’on triait l’argent. Pendant qu’Alex, Pépé et cinq hommes se chargeaient de neutraliser les employés présents, il ouvrit le coffre-fort à l’aide d’une charge de semtex.
L’explosion balaya la salle et Pépé entra en premier dans la chambre forte. Cette fois, il ne fit pas la fine bouche devant les liasses de billets. Trois hommes le rejoignirent et entassèrent l’argent dans des sacs de sport.
Alors qu’ils prenaient la fuite, l’un des gardiens s’empara de son arme de service et tenta de s’interposer. Pépé ouvrit le feu sans hésiter et l’homme fut atteint à l’épaule.
Six jours plus tard, Pépé, Alex et Laurent, habillés de salopettes blanches de peintres, firent irruption dans l’étude d’un commissaire-priseur, située dans le 9 e arrondissement.
Alex et Pépé ordonnèrent aux employés de se mettre à plat ventre, tandis que Laurent fixait une charge sur la porte du coffre-fort. Ils raflèrent plusieurs parures de diamants destinées à une vente aux enchères.
Les assurances estimèrent le montant du vol à six millions d’euros.
Le 31 décembre 2001, Alex et Laurent se rendirent à Oppède-le-Vieux. Franck les avait invités à venir fêter la nouvelle année et les trois ans d’Antoine.
Alex, dont la tête était mise à prix par la police, multiplia les précautions pour que son arrivée passe inaperçue. Laurent en fit de même. Il était soupçonné d’être l’un des complices d’Alex, conjecture d’autant plus fondée qu’il avait disparu de la circulation dès sa sortie de prison.
Julie était heureuse de les revoir, mais elle les trouva tendus et ténébreux. Les années de prison et les récents braquages les avaient endurcis.
Pendant le repas, l’atmosphère se détendit peu à peu et ils parlèrent du bon vieux temps. Après les effusions de minuit et quelques coupes de champagne, Julie partit se coucher.
Alex se racla la gorge et entra dans le vif du sujet.
— Franck, nous avons besoin de toi.
Franck pensait qu’il s’agissait d’une plaisanterie.
— Je vois où tu veux en venir. Pas question. En plus, il n’y a pas de bordel au village.
Alex prit un ton sérieux.
— Je ne déconne pas.
— D’accord. Je t’écoute.
— Tu as déjà entendu parler du Diamond Center ?
— Le centre diamantaire, à Anvers ?
— Exactement. À première vue, c’est un immeuble insignifiant. Tu pourrais passer cent fois devant sans le remarquer. Le plus grand complexe du quartier des diamantaires se trouve dans cet immeuble. Les dix étages sont occupés par des courtiers, des grossistes et des négociants en diams. Au deuxième sous-sol se trouve la salle des coffres. Au bas mot, il y a là-dedans deux cents coffres bourrés de diams, de quoi remplir une piscine.
Malgré lui, Franck ressentit l’excitation qui montait.
— Continue.
— Nous avons un cheval de Troie dans la place. Le type à qui Pépé fourgue ses cailloux loue un bureau dans cet immeuble. Je l’ai rencontré, on a un peu parlé et l’idée est venue.
Franck leva les yeux au ciel.
— L’idée de forcer la salle des coffres ?
Alex ouvrit de grands yeux.
— Yes ! Et de rafler la mise.
Franck se fit cynique.
— Avec des pioches, des marteaux et des pieds-de-biche ? C’est Fort Knox, ce truc, non ?
— Ni pioches ni pieds-de-biche. Laurent va t’expliquer.
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