« Puis celui-ci. »
Un autre cercle rouge autour d’un homme corpulent portant un short, une chemise hawaïenne, ainsi qu’un chapeau de paille clair et des lunettes de soleil.
« Trevor a trouvé les images des caméras qui jalonnent la fuite de la journaliste jusqu’à sa disparition dans les égouts. Et nous pouvons voir qu’apparaît en permanence un de ces hommes derrière elle. Vous voyez ? Sur tout le trajet. Coïncidence ? Trevor a la certitude que ces hommes ont poursuivi la journaliste depuis son hôtel. Qui sont-ils ? Des témoins ? Pourquoi alors n’ont-ils pas appelé la police ? Pourquoi n’ont ils pas appelé la police alors qu’ils semblaient avoir une bonne raison de suivre Cynthia Bonsant ? Comment pouvaient-ils la suivre aussi sûrement alors même qu’à plusieurs reprises ils n’étaient plus en contact visuel ? »
« Ce Demsich a parfaitement raison, confirme l’opérateur du RTCC. On a comparé les images de son blog avec les vidéos de l’hôtel. Les caméras de la réception ont également filmé ces types. Ils sont apparus vingt minutes avant les faits, en compagnie de trois autres. »
Il envoie les images à Straiten. Un homme en chemise hawaïenne, trois en costume, un en jean et chemise. Tous portant des lunettes de soleil, deux un chapeau, un autre une casquette de base-ball. L’un d’eux va au desk. En parlant à la réceptionniste, il met ses lunettes sur son front.
« Grave erreur ! s’écrie l’opérateur.
— T’as envoyé ça dans le logiciel de reconnaissance faciale ?
— Oui. Il travaille pour une petite entreprise de sécurité. Une filiale d’un monstre : EmerSec.
— Tu as bien dit EmerSec ? Le partenaire du gouvernement, qui a des contrats en Irak et où sais-je encore pour des milliards de dollars ?
— Oui. Et son propriétaire principal, Henry Emerald, a des parts dans Freemee.
— Freemee ? Freemee que Bonsant assassine au coin de la rue ?
— Oui. »
L’inspecteur siffle entre ses dents.
Arrivée au commissariat, Cyn doit attendre. Ses poignets sont douloureux à cause des menottes.
Au bout d’un quart d’heure, Straiten la rejoint. Il la désentrave et la conduit dans une salle d’audition.
« Dites-moi maintenant ce qu’il s’est vraiment passé. » Sa voix est douce. Les murs nus produisent un léger écho.
« Par où dois-je commencer ?
— L’hôtel Bedley, cet après-midi lorsque vous êtes revenue de chez Freemee avec Chander Argawal.
— Est-il vraiment mort ? »
Elle ne sait trop ce qu’elle éprouve en cet instant. La découverte de sa trahison a jeté un voile d’ombre sur les quelques belles heures passées en sa compagnie.
L’inspecteur la regarde. « Oui, il est mort.
— Ce n’est pas moi.
— Dites-moi tout. »
« La régie nous envoie une nouvelle vidéo, braille l’animateur. Apparemment, elle vient de Zero ! »
Sur l’écran de Marten s’affiche une photo du Président qui prend les traits du chef d’état-major.
« Le Président’s Day n’était que le début, commence Zero. Bien entendu, nous ne nous intéressons pas exclusivement au Président, mais également à ses hommes. Erben Pennicott, par exemple, qui a trouvé nos charmants petits drones. Un vrai héros de la nation ! »
La vidéo montre la réception d’un hôtel. Erben Pennicott la traverse.
« Hier soir, il passait devant un client du Waldorf Astoria équipé de lunettes, qui n’a rien trouvé de mieux à faire que de poster la vidéo sur Facebook. »
Putain, Pennicott, il risque d’en vouloir aux responsables ! Sans compter la diffusion sur Facebook. Des têtes vont tomber, pense Marten.
Ça ne fait pas initialement partie de ses missions, mais depuis le numéro de Cynthia Bonsant sur Times Square, il a le sentiment qu’il va bientôt se retrouver à traquer Zero. Il passe un coup de fil à ses techniciens pour qu’ils analysent aussitôt la nouvelle vidéo.
« À la fenêtre du quarantième étage du même hôtel, poursuit Zero, on aperçoit le président du conseil d’administration de Freemee, grâce à une caméra de surveillance de la terrasse d’en face. Elle diffuse ce qu’elle filme en direct sur Internet et notre logiciel de reconnaissance faciale nous a permis d’identifier ce personnage. D’ailleurs, ne voit-on pas également Erben Pennicott et Henry Emerald ? La ressemblance est frappante, n’est-ce pas ? De quoi peuvent-ils bien parler, ces trois-là, la veille même du jour où Cynthia Bonsant fait des révélations fracassantes sur Freemee et où elle est poursuivie par le FBI, accusée d’appartenir à une organisation terroriste ? Mon bon Pennicott, cette fois, vous ne pourrez pas détruire nos caméras. »
Zero prend les traits du chef d’état-major.
« Et n’oublie pas qu’il faut terrasser l’hydre des données. »
« Cette fois-ci, aucune erreur concernant les métadonnées », l’informe un technicien au bout du fil. « Et rien non plus dans la vidéo. »
Pennicott doit fulminer, pense Marten.
Il ressent comme un petit plaisir coupable.
« Ça concorde avec ce que nous savons », conclut l’inspecteur, après que Cyn en a fini. Il pousse sur la table l’impression d’une image extraite d’une bande de vidéosurveillance. Cyn reconnaît la réception de l’hôtel. Au desk, un homme avec un chapeau, les lunettes sur le front, en train de parler à la réceptionniste.
« Vous le connaissez ? »
Cyn regarde précisément son visage. Elle est déconcentrée par une femme au costume mal coupé qui fait irruption dans la pièce et murmure quelque chose à l’oreille de l’inspecteur. Il hoche la tête, elle s’en va.
Straiten jette un regard interrogateur à la photo.
« Non, dit Cyn. Mais son chapeau, oui. L’un des hommes qui est entré dans la chambre de Chander portait le même. Ou, en tout cas, dans le même genre.
— Venez avec moi », dit-il en se levant.
Cyn hésite. Il a déjà la poignée de la porte en main.
« Allez, venez. Je veux vous montrer quelque chose. »
Il la conduit dans une pièce où se font face deux bureaux recouverts de dossiers. À celui de gauche, la femme qui vient de parler à l’inspecteur. Straiten pousse Cyn derrière elle et tous trois regardent son écran. Il met ses mains dans les poches de son jean, comme pour signifier qu’il ne craint aucunement qu’elle cherche à leur faire faux bond.
Cyn a besoin de quelques secondes pour voir ce qu’il se passe sur l’écran. Différents contenus défilent dans plusieurs fenêtres. Dans la plus grande, le talk-show. Elle identifie Kosak et Washington.
C’est là que je devrais être.
« … manifestement, nous avons encore plus de téléspectateurs que prévu ! » s’écrie l’animateur.
Pauvre naze.
« Peu de temps après l’arrestation de Cynthia Bonsant, de nombreux spectateurs du monde entier se sont mis à chercher des preuves pour étayer ce qu’elle disait. Parmi eux, quelques collaborateurs des plus grosses entreprises de collecte de données. Ces sociétés en savent plus sur nous que nous-mêmes. Ils savent quand et comment meurent les gens. Ils n’ont eu besoin que d’une petite demi-heure pour trouver des indices sérieux venant corroborer les accusations de Cynthia Bonsant à propos du nombre élevé de décès non naturels parmi les utilisateurs Freemee aux États-Unis et au Japon, et plus encore ! Regardez-moi ça ! »
Sur l’écran mural, la régie diffuse des cartes colorées, des graphiques, des diagrammes et des camemberts.
« Quelques minutes plus tard, une équipe de recherche internationale créée spontanément et composée de spécialistes en IT a publié des données similaires ! »
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