Bernard Minier - Une putain d’histoire

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Une putain d’histoire: краткое содержание, описание и аннотация

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Une île boisée au large de Seattle…
« Au commencement est la
.
La
de se noyer.
La
des autres,
ceux qui me détestent,
ceux qui veulent ma peau Autant vous le dire tout de suite :
Ce n’est pas une histoire banale. Ça non.
c’est une putain d’histoire.
Ouais,
… »

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Ils nous avaient vus arriver

Depuis longtemps…

J’en étais persuadé à présent. Alors, pourquoi ne se montraient-ils pas ? J’ai avalé ma salive. Les rayons du soleil qui inondaient le terre-plein et se glissaient plus timidement dans l’ombre des sous-bois commençaient à chauffer sérieusement l’intérieur de la voiture, mais je me sentais glacé. Les deux molosses pâles aux yeux noirs et ternes continuaient de courir autour de la caisse et de bondir, leurs pattes avant crissant rageusement sur les vitres.

« Merde, trop galère ! Qu’est-ce qu’on fait ? a demandé Johnny.

— Y a un truc qui cloche », a commenté Shane.

J’ai scruté les fenêtres obscures. Et subitement, j’ai tressailli. Je venais d’entrevoir une ombre derrière l’une d’elles.

« Putain, c’est quoi ce cirque ? a glapi Charlie. Pourquoi ils se montrent pas ? Chuis sûr qu’ils le font exprès pour nous flanquer les jetons…

— Eh ben, c’est réussi », a dit Johnny, qui n’éprouvait plus aucune honte à l’idée de montrer sa trouille devant Shane.

J’ai essuyé la sueur qui coulait sur ma nuque dans la chaleur grandissante de l’habitacle. Aucun de nous n’osait ouvrir les vitres, encore moins descendre. Les hurlements des deux amstaffs enragés résonnaient dans la voiture et nous blessaient les tympans. Pendant de longues minutes, on a rissolé dans notre jus et j’ai senti la transpiration couler sous mes aisselles et dans mes reins.

Puis un coup de sifflet a retenti.

Les deux monstres se sont immobilisés, leurs oreilles orientées comme des paraboles vers l’origine du son.

L’instant d’après, ils se sont élancés vers l’escalier menant à la terrasse et ils ont grimpé les marche quatre à quatre. La porte d’un des chalets s’est ouverte. Darrell est apparu… Il a sorti un paquet de clopes et en a allumé une tranquillement en nous regardant. Charlie n’avait plus la moindre envie de faire une vanne sur lui, à présent. Il s’est immobilisé sur la terrasse et nous a contemplés fixement de là-haut ; Blayne Oates l’a ensuite suivi, plus petit que son frère, avec un visage cireux, un bouc noir et des cheveux luisants réunis en catogan. Ils étaient si dissemblables qu’on aurait pu les croire issus de deux mères différentes — ce qui était peut-être le cas. Une seule chose les réunissait : leur folie meurtrière. Le troisième frangin — Hunter — est apparu à son tour et j’ai eu l’impression que mes couilles cherchaient à disparaître dans mon scrotum. Avec son nez en bec d’aigle, son crâne chauve, sa bouche mince et ses lunettes noires, l’aîné des Oates était sans nul doute le plus effrayant des trois.

Darrell, Hunter et Blayne… Ils étaient là tous les trois — ne manquait plus que le Vieux.

Je me suis souvenu de ce qu’un adjoint du shérif avait dit un jour, après une de leurs innombrables frasques sur Glass Island : « Le plus dangereux, le plus cinglé, c’est le Vieux … »

Darrell portait le même blouson en cuir que la veille, Blayne et Hunter, des maillots de basket sans manches : Blayne avait des bras décharnés, parcourus de veines saillantes, Hunter, des bras musclés et des tatouages verts d’ancien taulard.

« Sortez de cette bagnole ! » a-t-il lancé.

Nous nous sommes exécutés, sans oser nous étirer malgré le long trajet en voiture qui avait laissé nos membres courbatus, dansant d’un pied sur l’autre. J’ai entendu le tonnerre gronder sourdement sur les montagnes et un brusque coup de vent chargé de poussière nous a aveuglés. J’ai battu des cils et j’ai aperçu des nuages noirs qui approchaient à grande vitesse, par-dessus les sommets, comme une armée fondant par surprise sur un territoire.

Là-haut, sur la terrasse, les trois frères se sont écartés et le Vieux a enfin fait son apparition. Nous avons senti le soudain changement d’atmosphère quand il s’est montré ; même l’attitude de ses fils s’est subtilement modifiée, comme celle de courtisans à l’apparition du roi. Du théâtre shakespearien, je me suis dit. Richard III, Macbeth et Le Roi Lear réunis, bordel. Il était petit mais trapu comme une armoire. Sa grosse tête couronnée d’un buisson dru de cheveux blancs. Avec sa face plate et carrée, son nez épaté et ses petits yeux ternes, le Vieux ressemblait plus à ses chiens qu’à ses fils. Et il paraissait aussi dangereux qu’eux.

Il s’est assis pesamment dans le fauteuil à bascule, ses cuisses écartées, encadré par sa progéniture, sans un mot.

Alors, les enfants de la tribu sont apparus à leur tour et ils ont dévalé les marches pour venir nous entourer et tirer sur nos vêtements, riant et piaillant. Puis ça a été le tour des femmes, une par une ; j’ai pensé encore une fois à Shakespeare, ou à une tragédie grecque. Et voici que la dernière à faire son entrée sur scène a été la mère, qui avait l’air plus féroce que tous les hommes réunis avec sa silhouette massive, sa tignasse emmêlée et grisâtre tombant sur ses épaules et sa poitrine qui s’écroulait jusqu’à son nombril sous sa robe-blouse informe.

« Qui vous a laissés entrer ? a-t-elle glapi d’une voix forte et aiguë.

— On a franchi la barrière, m’dame ! a lancé Shane.

— Tu sais pas lire, mon garçon ? » a dit le Vieux d’une voix nonchalante mais où perçait une menace diffuse.

J’ai pensé : on est vraiment vraiment vraiment dans une merde noire .

Les nuages ont gagné tout le ciel — et celui-ci a changé de teinte, passant en quelques secondes de l’azur au gris fer et, par endroits, au noir charbon. Le vent s’est mis à souffler plus fort, agitant les hautes branches. La peur soufflait pareillement sur nous.

« Shane, qui sont tes amis ? » a demandé Darrell.

Shane nous a fixés. Il était d’une pâleur terrifiante.

« C’est des amis à la fille qu’on a trouvée morte, a-t-il lancé vers la terrasse. Celle qu’ils ont découverte sur la plage de Glass Island !

— C’est marqué “Propriété privée”, a braillé la mère de nouveau, comme si la conversation ne l’intéressait pas, deux grosses taches rouges sur ses joues. Savez pas lire ? Z’avez pas l’droit d’être ici… On pourrait vous tirer comme des lapins, bande de merdeux !

— Ha ha, m’man ! s’est réjoui Hunter derrière ses lunettes noires. Ça, pour des p’tits merdeux, c’est des p’tits merdeux ! T’as déjà vu des p’tits merdeux com’ ceux-là venir jusqu’ici, Darrell ?

— Non, jamais, a dit Darrell en souriant. Tout se perd, frangin. Tout se perd… Même le respect.

— Ouais, a renchéri le petit Blayne en caressant son bouc noir. Des p’tits morveux qui respectent que dalle. C’est quoi, ce bordel, hein ? Depuis quand des gosses de riches, des p’tits pédés de la ville se permettent de venir chez nous ? Non mais où va le monde !

— Moi, je dis que le respect, ça s’apprend, pas vrai, chérie ? a lancé Hunter à l’une des femmes, la plus jolie. (Il l’a serrée contre lui, et elle nous a contemplés méchamment avant de sourire comme une givrée.) Y leur faut une bonne é-du-ca-tion…

— Une bonne éducation, yeap, a approuvé Blayne.

— Fermez-la ! a soudain dit le Vieux. S’ils nous disaient d’abord pourquoi ils sont là… Tu connais ce jeune morveux, Darrell ? Celui que t’as appelé Shane… Il me semble l’avoir déjà vu par ici.

— Il est déjà venu, a admis Darrell, gêné, on a fait quelques affaires ensemble…

— Depuis quand tu fais des affaires avec des mômes qui ressemblent à des gonzesses et qui ont vu plus de films de cul que de cramouilles, Darrell ? T’es devenu pédé ou quoi ? a voulu savoir Hunter et les femmes se sont marrées.

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