Bernard Minier - N'éteins pas la lumière

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N'éteins pas la lumière: краткое содержание, описание и аннотация

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« Tu l’as laissée mourir… »
Christine Steinmeyer croyait que la missive trouvée le soir de Noël dans sa boîte aux lettres ne lui était pas destinée. Mais l’homme qui l’interpelle en direct à la radio, dans son émission, semble persuadé du contraire… Bientôt, les incidents se multiplient, comme si quelqu’un avait pris le contrôle de son existence. Tout ce qui faisait tenir Christine debout s’effondre. Avant que l’horreur fasse irruption.
Martin Servaz, de son côté, a reçu par la poste la clé d’une chambre d’hôtel. Une chambre où une artiste plasticienne s’est donné la mort un an plus tôt. Quelqu’un veut le voir reprendre du service… ce qu’il va faire, à l’insu de sa hiérarchie et de ses collègues.
Et si nos proches n’étaient pas ce que nous croyons  ? Et si dans l’obscurité certains secrets refusaient de mourir  ? Non, n’éteignez pas la lumière, ou alors préparez-vous au pire… Après les grands succès de
et du
, Bernard Minier revient avec un thriller sur la manipulation et l’emprise, en explorant nos cauchemars les plus intimes, nos phobies et nos obsessions…

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— Vous ne me croyez pas, n’est-ce pas, Max ?

— Pas encore… Mais je ne crois pas que vous soyez folle… Combien ? dit-il.

— Cent euros pour commencer. Ensuite, on verra.

— On verra quoi ?

— Les résultats.

Il sourit.

— Cent euros plus quelque chose à manger et un autre café chaud : là, tout de suite.

Elle rit pour la première fois depuis plusieurs jours.

— Marché conclu.

Il la sonda intensément du regard, secoua la tête.

— Christine, vous ne me connaissez pas et pourtant vous m’avez ouvert votre porte sans hésiter : j’aurais pu en profiter pour vous voler, vous agresser… Vous êtes une jolie femme. Très seule à l’évidence. Pourquoi prendre un tel risque ?

Elle répondit d’un ton fatigué :

— J’ai déjà eu mon quota de malchance, je ne crois pas que je pourrai en avoir plus. Et puis, je vous connais : ça fait des semaines qu’on bavarde presque tous les jours. J’ai des collègues avec qui je parle moins.

Il secoua la tête.

— Vous ne lisez pas les journaux ? Ces personnes seules qui accueillent des gens comme moi et qui, une nuit, sans qu’on sache pourquoi, finissent la gorge tranchée dans leur sommeil.

— Je fermerai ma porte à clé après votre départ si ça peut vous rassurer, le taquina-t-elle. Vous ne croyez pas à mon histoire, n’est-ce pas ?

L’honnêteté de sa réponse la surprit :

— Pour l’instant, j’y vois surtout l’occasion de gagner un peu d’argent assez facilement. Je vais remplir ma part du contrat. Je jugerai ensuite si je dois vous croire. Et je ne suis pas contre une soupe, un café chaud ou un casse-croûte de temps en temps. On est bien d’accord ?

Elle acquiesça et ils sourirent en même temps. Comme si un courant chaud et douillet circulait soudain entre eux, elle eut la sensation d’une brusque connivence. Cela lui faisait du bien de s’être confiée à quelqu’un, quelqu’un qui ne la jugeait pas, qui lui laissait le bénéfice du doute. Pour la première fois depuis plusieurs jours, elle se surprit à reprendre espoir et se demanda si la chance n’était pas enfin en train de tourner.

— Bien, dit-elle. Si vous repérez quelqu’un de suspect, vous viendrez me le dire et me le décrire. En attendant, si vous pensez que la voie est libre et que personne ne surveille mon entrée, vous mettrez votre gobelet pour les pièces à votre gauche. Si au contraire vous avez repéré quelque chose de louche, vous poserez votre gobelet à votre droite. On est bien d’accord ?

Il fit signe que oui, esquissa un sourire.

— Gobelet à gauche : la voie est libre ; gobelet à droite : danger. Mmm, ça me plaît…

Elle pensa soudain à quelque chose et se leva.

— Vous vous y connaissez en opéra, Max ?

— Un peu, dit-il, la surprenant une nouvelle fois.

Elle lui tendit le CD trouvé sur le lit.

— Quel rapport entre Le Trouvère, Tosca et Madame Butterfly ?

Il examina le boîtier.

— Le suicide, répondit-il après réflexion. Dans Le Trouvère , Leonora absorbe du poison après s’être promise au comte de Luna pour sauver Manrico. Madame Butterfly se fait hara-kiri après avoir été abandonnée par Pinkerton. Et Tosca se jette dans le Tibre du haut d’une tour du château Saint-Ange.

Elle resta coite devant ses connaissances en matière d’opéra — mais plus encore devant cette révélation. Bien sûr. Elle aurait dû s’en douter. Le message était limpide.

— Max, murmura-t-elle aussi doucement que possible, est-ce que vous avez revu vos enfants ?

Un silence.

— Non.

19.

Ténor

Elle sortit son téléphone. Elle avait une deuxième personne à appeler. Elle jeta un coup d’œil à Iggy et, une nouvelle fois, elle se sentit émue aux larmes.

Elle avait récupéré son chien. Il avait à présent la tête entourée d’une ridicule collerette en forme d’entonnoir qui l’empêchait d’arracher son pansement. Maintenu par une attelle et un gros bandage, son membre postérieur était aussi raide que la jambe en bois d’un pirate. Bref, il ressemblait à un personnage sorti de l’imagination des studios Pixar.

Déboussolée et affolée, la pauvre bête passait son temps à se secouer pour essayer de se débarrasser de ces instruments de torture et à se cogner dans les angles des portes et des meubles en avançant.

— Tu sais que je t’aime, toi, lui dit-elle.

Le bâtard lui répondit par un jappement qui lui fendit le cœur. La supplia du regard. L’air de penser : Comment peux-tu me faire une chose pareille ? Et si elle demandait à Max de le promener un peu ? Doucement, ma belle. Ne nous emballons pas. Tu ne vas quand même pas lui laisser tes clés, tu le connais à peine .

Le vétérinaire lui avait demandé pourquoi elle n’était pas venue chercher son chien plus tôt ; Christine avait bafouillé qu’elle avait eu des soucis familiaux, mais elle avait bien senti qu’elle ne convainquait guère. Et qu’il l’observait avec défiance : « Comment vous dites qu’il s’est fait ça, déjà ? » Elle avait répondu qu’Iggy avait été renversé par une voiture après avoir rompu sa laisse, d’une voix aussi diaphane qu’un matin d’automne ; un éclat sceptique et dur avait lui dans l’œil du praticien — et elle avait senti ses joues s’échauffer de honte.

Christine examina une fois de plus le plan qui mûrissait dans sa tête. Ne rien laisser au hasard… Anticiper… Elle regarda son téléphone portable, la touche sur laquelle elle s’apprêtait à appuyer. Et s’il était sur écoute ? Ben voyons, c’est la CIA qui a fait le coup, ma grande, avec l’aide du KGB… ah, non, on dit FSB de nos jours

Elle se sentit ridicule, mais se fit aussitôt la réflexion que le ridicule ne tuait pas — moins en tout cas que la naïveté dans ce genre de situation. Elle était parfaitement consciente de fonctionner dans un registre de plus en plus paranoïaque, mais, après tout, on l’aurait été à moins, non ?

Elle marcha jusqu’à la fenêtre de sa chambre. Max avait repris son poste, le gobelet était à gauche de son nouvel allié : la voie était donc libre . Il ne leva pas les yeux vers sa fenêtre, cette fois. Il se conformait à la lettre à son nouveau rôle. Sans doute était-il tout autant amusé par la tournure des événements que bien content d’avoir obtenu si facilement une source de revenus et un repas chaud quotidien.

Elle passa un jean, des baskets, un pull et un sweat-shirt noir dont elle rabattit la capuche sur son visage avant de mettre ses lunettes de soleil.

Dans la rue, elle ignora le SDF et fila vers la station de métro la plus proche. Il ne neigeait pas, mais la neige ne fondait pas non plus, sauf là où des voitures passaient régulièrement — la température était trop basse.

Les lumières, les couleurs vives et les visages à l’intérieur du métro lui tournèrent un peu la tête. En s’asseyant dans la rame, elle examina une par une toutes les personnes présentes. Des visages jeunes et vieux, absents pour la plupart… Un homme dans la trentaine attira son attention : il avait posé les yeux sur elle au moment où elle était montée dans la rame ; puis les avait détournés lorsqu’elle l’avait regardé à son tour.

À la station Palais de Justice, Christine descendit. Tandis que le grand escalator la hissait vers la surface, elle s’immobilisa et se retourna, détaillant à l’abri de ses lunettes de soleil les personnes présentes à sa suite : le jeune homme n’en faisait pas partie. Parvenue au sommet de l’escalier mécanique, elle emprunta aussitôt l’autre escalator pour redescendre, tout en se retournant pour s’assurer que personne ne l’imitait. Satisfaite, elle admira brièvement la grande tapisserie à la licorne, où s’affichaient en grosses capitales les mots LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ, et dévala les dernières marches jusqu’au quai avant de sauter dans la première rame partant en sens inverse. Elle descendit trois stations plus loin, métro Jean-Jaurès.

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