Georges-Jean Arnaud - Fac-similés

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Le maigre désigna le récepteur de fac-similés :
— Un drôle de truc. De l’espionnage météo. On aura tout vu. Alors que des dizaines de stations donnent toutes les indications voulues. Il n’y a qu’à se mettre à l’écoute. Quelle idée de transformer ici les renseignements reçus, de les transcrire sur une bande perforée pour les transmettre à destination de Cuba. Vous y croyez, vous, à ces fusées TS6 sur berceaux auto-guideurs ? Une base sans personnel, uniquement dépendante de cerveaux électroniques ?

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— En principe non. Sauf quand il était tellement noir qu’il cognait partout.

Une autre question monta aux lèvres de Kowask.

— Vous disposiez de beaucoup d’argent ?

— Il me donnait toute sa solde.

— Et lui ?

— Il se contentait du revenu de quelques bons du Trésor.

— Vous les avez retrouvés ?

Cette question parut la prendre au dépourvu :

— Je n’ai pas encore cherché. Peut-être sont-ils dans le compartiment de sa banque.

Kowask dressa l’oreille :

— Quel établissement ?

— La Florida Investment à Orlando. J’ai une procuration me donnant accès à sa case.

Une sonnerie l’interrompit.

— Un instant je vous prie.

Kowask sortit du bureau sur ses talons. Il désirait voir le genre de visite que la jeune femme pouvait recevoir. Depuis le living il embrassait le vestibule et la porte d’entrée. Un homme de petite taille, aux cheveux sombres, s’encadra dans la porte ouverte.

— Mrs Ford ? Je représente la South States Insurances et …

À ce moment-là, il aperçut Serge Kowask et son visage chafouin exprima un certain désarroi.

— Je vois que vous êtes occupée et …

— Nous sommes déjà pourvus pour un certain nombre de dommages. Il est inutile de revenir.

L’autre recula dans l’entrée, disparut à la vue du lieutenant de vaisseau mais continua de parler à voix basse. Carola referma lentement la porte, s’efforçant de faire comprendre à l’importun qu’il perdait son temps.

Quand il se décida à partir elle claqua la porte et soupira.

— Vous pensez ! Il me dit qu’il avait rencontré mon mari et que Thomas avait été intéressé par ses propositions.

— Il vous a donné son nom ? demanda Kowask en allant jeter un coup d’œil au travers des persiennes. L’agent d’assurance s’installait à bord d’une Chevrolet datant de quelques années, couleur vert acide. Il parut démarrer avec une certaine précipitation.

— Première fois que vous voyez ce type ?

— Il en vient tellement … Je crois qu’il n’avait jamais mis les pieds ici. Mon mari a dû le rencontrer dans un bar. Il a quand même du culot. Il avait compté m’embobiner en me parlant de mon mari.

Kowask fit quelques pas vers la porte.

— Je vais m’en aller. Mais je ne quitte pas la région. J’ai retenu un bungalow au Starlite Motel, précisément. Si jamais vous aviez un détail qui vous ait échappé …

Il eut l’impression qu’elle prolongeait plus qu’il n’aurait fallu le contact de leurs mains. Au-dehors un vent aigrelet soufflait de l’océan. Il soulevait le sable et la poussière des larges avenues de l’immense lotissement. Les bungalows à toit plat et à un seul étage s’étendaient à perte de vue.

Au volant de sa Jaguar personnelle il se dirigea vers le shopping-center de Cocoa-Beach, abandonna sa voiture dans un parking et continua à pied. Il finit par découvrir les bureaux d’une compagnie d’assurance, la Universal C.I. Une blonde sophistiquée l’accueillit au comptoir des renseignements.

— Simplement une indication. Un type est venu me proposer une assurance sur la vie à des conditions si avantageuses qu’elles me paraissent suspectes. Il se dit agent de la South States Insurances. Connaissez un truc comme ça ?

La blonde appuya sur le bouton de son interphone, répéta ce que Kowask avait dit. Son visage changea d’expression quand une voix nasilla avec une certaine véhémence.

Elle leva ensuite vers lui un visage apitoyé.

— Vous aviez raison, monsieur. Cette compagnie n’existe pas et cet individu est un escroc. Mais avez-vous consulté nos conditions ? Nous ne sommes pas des escrocs, mais elles sont les plus avantageuses du moment …

Le siège de la police locale n’était pas très éloigné et il continua à pied. Le lieutenant Cramer était provisoirement absent, mais devait revenir d’un moment à l’autre. Le marin le rencontra dans le hall d’entrée. Cramer était une sorte de colosse aux petits yeux faussement endormis.

— Rien de bien nouveau. Mes hommes font toujours la tournée des bistrots et dès motels du coin, mais ne trouvent rien de particulier sur lui. On le connaît dans pas mal d’endroits, mais c’était un type sans histoires. Il buvait un coup, discutait avec les clients, baratinait les serveuses. Plusieurs sont sorties avec lui. Il se contentait de les entraîner vers un autre motel pour quelques heures. Un chaud lapin, quoi ! Il est possible que le régulier d’une de ces filles ait pris la mouche. On vérifie un peu tout ça.

— Des amis masculins ?

— Un peu dans chaque bar. Il arrivait toujours seul et ne repartait qu’en compagnie d’une fille, mais jamais avec un copain.

Cramer s’arrêta devant la bonbonne d’eau glacée et se servit un verre.

— Cette poussière nous aura jusqu’au dernier. Vous êtes allé voir Mrs Ford ?

— J’en sors. Rien de son côté ?

— Difficile à dire. On se demande si l’occasion aidant elle ne donnait pas quelques coups de canif dans le contrat de mariage. Pas d’affirmations, mais, d’après les voisines, c’est un livreur qui se serait attardé plus que de raison, un représentant qu’on aurait vu revenir trois ou quatre fois. Ford était souvent absent.

Si Thomas Ford s’était livré à quelque activité répréhensible, il avait agi avec beaucoup d’habileté en prenant l’habitude de fréquenter une foule d’endroits. Impossible de recouper de façon précise son emploi du temps.

Il prit congé du policier et regagna sa voiture. Il avait hâte de se retrouver au motel pour téléphoner à Washington. Il ne s’arrêta au bureau que pour prendre sa valise et la clé du № 17. Une demi-heure plus tard il obtenait le Department of the Navy, et la voix tranquille du commodore Gary Rice commença de couler dans l’écouteur.

— Écoutez bien. Thomas Ford est originaire de Jonesport dans le Maine. Famille modeste. Son père, ancien docker, fut secrétaire du syndicat local. En 1924, grâce à son action personnelle, cette section adhéra à la Trade Union Unity League. Déjà entendu parler ? Vous étiez jeune à l’époque.

— Cette fédération était nettement politisée, je crois ?

— Et comment ! Tous les communistes chassés de l’A.F.L. s’étaient regroupés là-dedans. Maintenant le vieux William Ford est rangé des voitures, mais il passe pour avoir des idées très avancées. Le fils n’a jamais été suspecté de faire de la politique, mais enfin le renseignement est intéressant. Quoi de nouveau à Missile Town ?

Kowask fit un résumé de sa visite à la jeune femme.

— Personnellement je ne crois pas à une histoire trouble. Quels secrets pouvait détenir Ford ? À moins que ce soit le fait qu’il travaille à Cap. Cependant il n’approchait jamais des fusées et de la zone top secret. Il faudra quand même que j’aille faire un tour là-bas. Faites-moi parvenir un laissez-passer en règle pour pénétrer chez les hommes volants. Ils ont décroché la médaille de la N.A.S.A., mais la Navy reste suspecte à leurs yeux.

Le commodore Rice émit un ricanement entendu.

— Autre chose, Kowask. On vient de m’annoncer que la C.I.A. est sur l’affaire, et non le service de l’Air Force. Ils ont priorité à Cap-Canaveral. Vous aurez certainement affaire à un certain Harry Sunn. Un coriace. Il doit être au courant en ce qui concerne le père de Ford. Il va à coup sûr s’emballer sur cette piste-là. Ne le suivez pas. Leur anticommunisme frise souvent l’idée fixe.

Kowask raccrocha. Il était cinq heures et le vent soufflait de plus en plus fort au-dehors. Une poussière rosâtre recouvrait la carrosserie de la Jaguar. Le lieutenant de vaisseau alluma une cigarette tout en continuant de regarder par la fenêtre. Il pensait à Carola Ford et à la visite de ce faux démarcheur d’assurance. D’ores et déjà il y avait un certain nombre de coïncidences étranges dans cette affaire.

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