Fred Vargas - Un lieu incertain

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Un lieu incertain: краткое содержание, описание и аннотация

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Le commissaire Adamsberg pensait que ces trois jours à Londres se résumeraient à ce colloque de flics auquel on l'avait convié. Il se trompait. Dix-huit chaussures sont retrouvées soigneusement alignées en face des portes du cimetière de Highgate. À l’intérieur, dix-huit pieds coupés. Une question demeure : à qui appartiennent-ils ? De retour en France, un terrible massacre ébranle la banlieue parisienne et fait travailler les méninges d’Adamsberg. Il ne se doutait pas que ces deux affaires l’emmèneraient si loin…
FRED VARGAS, archéologue de métier, a créé le
genre littéraire à part entière, où la narration est empreinte d’humour, de liberté, et de poésie. Ses romans ont fait l'objet d’adaptations cinématographiques et télévisuelles et son œuvre est désormais traduite dans plus de trente pays. Un lieu incertain nous plonge avec maestria dans une enquête aussi haletante que tortueuse. […] Ce qui est formidable avec Fred Vargas, c'est qu'elle nous entraîne sur des sables mouvants avec un talent et une imagination inégalables. […] Et élève le polar au rang du grand art. ELLE Un conte policier, une fantaisie littéraire d’une singulière liberté. Un pied de nez à la mort, dont l’auteur a décidément le secret.
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— Non.

— Alors ? Comment pouvez-vous dire qu’il s’agit de lui ?

— Parce qu’il est dans son pavillon.

— Qui ?

— Le corps.

Adamsberg alla ouvrir la fenêtre, posa le regard sur le haut des tilleuls. Ils étaient en fleur depuis quatre jours, leur odeur de tisane entra avec le souffle d’air.

— Le corps est en morceaux, dit-il. Il a été — quel terme choisir ? débité ? émietté ? — il a été découpé en des centaines de parties qui ont été éparpillées dans la pièce. La grande pièce au piano. Rien n’est identifiable. Je ne vous propose pas de voir cela.

— C’est une embrouille, résista la femme. Vous trafiquez quelque chose. Qu’êtes-vous en train de faire de lui ?

— Nous sommes en train de prélever ses vestiges mètre carré par mètre carré et de les stocker dans des containers numérotés. Quarante-deux mètres carrés, quarante-deux containers.

Adamsberg lâcha les fleurs de tilleul et se retourna vers Hélène Vaudel. Pierre maintenait sa pose voûtée, laissant la conduite de l’attelage à sa femme.

— On dit qu’on ne peut pas faire le deuil sans avoir vu de ses yeux vu, reprit Adamsberg. J’en connais qui l’ont regretté et qui, tout bien pensé, auraient préféré savoir sans voir. Mais ces premières photos sont à votre disposition, dit-il en tendant son portable à Hélène. La voiture pour Garches aussi, si vous y tenez. Faites-vous d’abord une idée. Ce n’est pas de bonne qualité mais on comprend très bien.

Hélène prit le portable d’un geste résolu et fit défiler les images. Elle s’interrompit à la septième photo, qui montrait le dessus du piano noir.

— C’est bien, dit-elle en reposant l’appareil, le regard un peu modifié.

— Pas de voiture ? lui demanda Pierre.

— Pas de voiture.

Ce fut comme un mot d’ordre et Pierre acquiesça. Pas une once de révolte alors qu’il s’agissait de son propre père. Pas un frémissement de curiosité pour les photos. Une honnête neutralité d’apparence. Une soumission provisoire et convenue, en attendant qu’il reprenne durement les rênes.

— Vous faites du cheval ? lui demanda Adamsberg.

— Non, mais je m’intéresse un peu aux courses. Mon père pariait beaucoup dans le temps. Mais pas plus d’une fois par mois depuis des années. Il avait changé, rétréci, il ne sortait presque plus.

— Il ne fréquentait pas d’élevage, de champ de courses ? Il n’allait pas à la campagne ? De sorte qu’il puisse rapporter des fragments de crottin chez lui ?

— Papa ? Du crottin chez lui ?

Pierre fils s’était redressé, comme si cette idée l’avait réveillé malgré lui.

— Vous voulez dire qu’il y a du crottin chez mon père ?

— Oui, sur les tapis. Des boulettes peut-être décollées de semelles de bottes.

— Il n’a jamais mis de bottes de sa vie. Il avait horreur des bêtes, de la nature, de la terre, des fleurs, des pâquerettes qu’on cueille et qui fanent dans un verre, enfin de tout ce qui pousse en général. L’assassin est entré avec des bottes pleines de crottin ?

Adamsberg eut un geste d’excuse avant de décrocher son téléphone.

— Si vous êtes toujours avec le fils, dit Retancourt abruptement, demandez-lui si le vieux avait un animal, chien ou chat ou autre bête à poil. On a recueilli des poils sur le fauteuil Louis-XIII. Mais il n’y a pas de litière dans la baraque, pas d’écuelle, rien qui indique qu’une bête vivait là. Auquel cas ils étaient collés sur les fesses du pantalon du tueur.

Adamsberg s’éloigna du couple, les mettant à distance de la rudesse de Retancourt.

— Votre père avait-il un animal de compagnie ? Chien, chat autre ?

— Je viens de vous dire qu’il n’aimait pas les bêtes. Il ne perdait pas de temps pour les autres, encore moins pour un animal.

— Rien, dit Adamsberg en reprenant l’appareil. Vérifiez, lieutenant, cela peut provenir d’une couverture ou d’un manteau. Contrôlez les autres sièges.

— Et des mouchoirs en papier ? Il en utilisait ? On en a retrouvé un bouchonné dans l’herbe, mais pas un seul dans la salle de bains.

— Mouchoirs en papier ? demanda Adamsberg.

— Jamais, dit Pierre en levant les mains, repoussant cette nouvelle aberration. En tissu seulement, pliés en trois dans un sens et en quatre dans un autre. Pas moyen de procéder autrement.

— Mouchoirs en tissu exclusivement, répercuta Adamsberg.

— Danglard insiste pour vous parler. Il fait de grands ronds dans l’herbe autour de quelque chose qui le tracasse.

Ce qui, pensa Adamsberg, ne pouvait mieux décrire le tempérament de Danglard, rôdant autour des cuvettes où se calcifiaient ses soucis. Son téléphone encore en main, Adamsberg passa les doigts dans ses cheveux, cherchant où il avait laissé le fil de son entretien. Oui, les bottes, le crottin.

— Ce n’étaient pas des bottes pleines de crottin, expliqua-t-il au fils. Seulement de petits fragments que l’humidité du sol a détachés des crampons.

— Vous avez vu son jardinier ? L’homme à tout faire ? Il a sûrement des bottes.

— Pas encore. On dit que c’est une brute.

— Une brute, un taulard et un semi-débile, compléta Hélène. Père en était enchanté.

— Je ne crois pas qu’il soit débile, nuança Pierre. Pourquoi, enchaîna-t-il prudemment, a-t-on éparpillé son corps ? Le tuer, on peut le concevoir. La famille du jeune homme qui s’est suicidé, cela se comprend. Mais à quoi bon tout casser ? Vous avez déjà rencontré cela ? Ce modus operandi ?

— Ce modus n’existait pas avant que ce tueur l’ait conçu. Il n’a pas reproduit une manière de faire, il a créé hier quelque chose de neuf.

— On croirait qu’on parle d’art, dit Hélène avec une moue de réprobation.

— Et pourquoi pas ? dit Pierre avec brusquerie. C’est un possible retour des choses. Lui, il était artiste.

— Votre père ?

— Non, Réal. Le suicidé.

Adamsberg lui adressa un nouveau signe pour prendre Danglard en ligne.

— Je sentais que ce merdier allait nous tomber dessus, dit le commandant d’une voix très soignée, ce qui indiquait à Adamsberg qu’il avait sifflé quelques verres et s’appliquait à son élocution.

On avait dû le laisser entrer dans la pièce au piano.

— Vous avez vu les lieux, commandant ?

— Les photos et cela me suffit. Mais, cela vient d’être confirmé, les chaussures sont françaises.

— Les bottes ?

— Les chaussures. Il y a pire. Quand j’ai vu cela, c’est comme si on avait craqué une allumette dans le tunnel, comme si on avait coupé les pieds de mon oncle. Mais nous n’avons pas le choix, j’y vais.

Plus de trois verres, estima Adamsberg, avalés sur un temps court. Il regarda ses montres, environ seize heures. Danglard ne servirait plus à rien ni à personne aujourd’hui.

— Inutile, Danglard. Quittez les lieux, on se revoit plus tard.

— C’est ce que je vous dis.

Adamsberg replia son téléphone, se demandant absurdement ce que devenaient la chatte et les petits. Il avait dit à Retancourt que la mère allait bien mais l’un des chatons — un de ceux qu’il avait sortis, une fille — vacillait et maigrissait. Est-ce qu’il avait trop serré en la tirant ? Est-ce qu’il avait abîmé quelque chose ?

— Jean-Christophe Réal, rappela Pierre avec insistance, comme s’il sentait que le commissaire ne retrouverait pas le chemin tout seul.

— L’artiste, confirma Adamsberg.

— Lui s’occupait de chevaux, il les louait. La première fois, il a peint un cheval en couleur bronze, pour faire comme une statue qui bouge. Le propriétaire de la bête a porté plainte mais c’est cela qui l’a fait connaître. Il en a peint beaucoup par la suite. Il peignait tout, cela demandait des quantités de peinture colossales. Il peignait l’herbe, les chemins, les troncs, les feuilles une à une, les cailloux, dessus dessous, comme s’il pétrifiait le paysage tout entier.

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