Mme Genouillé, plus souple qu’une Eliane (dirait Béru), se penche et parvient à lui donner un délicat baiser sur la bouche, qui semble être du goût de la gosseline. J’ai cru remarquer, au cours de ma prodigieuse vie sexuelle, que les initiatives homosexuelles chez les femmes sont la plupart du temps bien accueillies. Il te suffit d’embarquer deux frangines pour les retrouver tête-bêche (et tête-lèche) en moins de jouge. Tu cries « A table ! » et, dociles, elles s’y mettent. Chez les mecs, c’est un tantisoit plus duraille. Ils se gênent, comme on dit en Helvétie septentrionale. Physiologiquement, y a des implications que ne connaît pas la fumelle.
Donc, la châtelaine mignarde ma protégée, la baisotte, la glitouille, s’incline pour une caresse du médius en accent circonflexe sur le délicat bigornuche rose, lui glousse des embryons de mots, des soupirs pâmants, des inarticuleries qui flanquent le bâton de Guignol dans le bénoche de l’ami Sana. Je suppute que d’ici moins que pas longtemps, la coquine Solange va entraîner son invitée en une chambre tapissée de satin rose (ou bleu) pour la perpétrer plus amplement et, surtout, plus commodément.
Je souhaiterais fort participer à cette sauterie intime, mais doute d’y être admis en cette opulente demeure où un personnel qui ne se limite certainement pas à une femme de ménage portugaise, pleine de poils à jambes sur la gueule, doit exercer une surveillance vigileuse.
Voilà maintenant que l’énervée du frisé y va d’un doigt de cour. Pardon : de deux (médius et annulaire associés). Eve roucoule comme une volière pleine de tourterelles. Son hôtesse trouve d’aimables mots stimulateurs et frénétise des phalanges. L’adorable étudiante de Clermont-Ferrand se chope un panard en Chronopost qui est le fait de sa jeunesse. Ses douces roucouleries feraient mouiller l’os de seiche de ton canari.
J’entre dans le temple d’amour (qui n’a jamais aussi bien mérité son appellation) au moment où la châtelaine républicaine se pourlèche les doigts, à la manière de mon ami Bocuse quand il vérifie l’assaisonnement du homard thermidor à la confiture de groseille.
— C’est du produit de première fraîcheur ! assuré-je-t-il en insérant mon physique de théâtre dans l’ouverture.
Bondissement des deux polissonnes prises, non pas en faute car pour moi ce n’en est pas une, mais en flagrant délit de volupté ; sur leurs ravissants visages le feu passe au rouge. Leurs expressions atterrées me font honte. De quel droit leur gâché-je si charmant abandon ? Y a qu’un salaud de butor d’homme pour commettre pareil sacrilège ! Je cherche désespérément réparation à ma goujaterie. La trouve.
— Je ne résistais plus ! affirmé-je en déballant Astérix le Gaulois de l’asile temporaire que lui assurait mon Eminence cent pour cent coton.
L’amour changea de camp
Le combat changea d’âme .
Tu la verrais me glouper le pilon à aïoli, Solange ! Après sa mise en condition, mon braque représente une forme de salut, kif l’entrée en guerre des U.S.A. au cours de la Dernière. La façon qu’elle m’entonne, bien au-delà des molaires du fond ! Elle a la luette pas contrariante, Mme Genouillé, pour pouvoir se respirer un paf jusqu’aux bronches.
Sa prouesse fait l’admiration d’Eve qui considère l’exploit comme une qui voit se poser une escadrille de soucoupes volantes. C’est bien, je trouve, l’initiation par l’exemple. Elle constate ainsi que c’est possible, donc, elle aura à cœur de prendre la prouesse à son compte, doré de l’avant (Béru dixit).
Pas chien (ou si peu !), je me dis que la pauvre députière a droit elle aussi à sa part de panard homologué. Dans la conjoncture actuelle, compte tenu de l’exiguïté et de l’inconfort de cette espèce de grande cage fleurie, j’estime — et je pense que tu partageras mon avis — qu’il n’est qu’une vaillante levrette. Certes, comme il m’arrive de le répéter en Sorbonne, cette prise inconfortable, parce que soudarde, n’est pas à la portée du premier venu. Généralement, l’homme vieillissant la bannit de son répertoire, par crainte d’une interruption prolongée de l’image ; c’est pourquoi il convient d’en profiter avant les frimas. En tout cas, elle est du goût de ma partenaire qui, sitôt qu’elle a compris mon estimable dessein, se place dos à moi, inclinée à l’équerre, les bras noués aux épaules de l’exquise petite Eve dont l’éducation sexuelle va à pas de géant.
Nantie de ce support gracieux, Solange se prête admirablement à mon entreprise et ne tarde pas à hurler de plaisir, ce qui nous vaut la visite impromptue du jardinier.
C’est un mec à moustache qui ressemble au brave gonzier qui, à la téloche, t’apprend à greffer les artichauts et à faire du compost avec tes restes de caviar.
— Madame a besoin de quelque chose ? bégaie le manipuleur de nature avec un bon accent de la région.
— Non, lui réponds-je. Madame a tout ce qu’il lui faut, du moins je l’espère.
L’homme ne se résout pas à partir. Il contemple avec intérêt sa patronne qui tète voracement un sein d’Eve, tout en subissant, postérieurement, les violents assauts de mon guiseau.
Solange part au zénith. Je lui verse la rançon de ma gloire. Instant de frénésie furieuse ponctué de clameurs qui expriment une liesse organique.
— C’est une belle combinaison, admet celui qui sait planter les choux à la mode de chez lui ; j’espère que je vais m’en rappeler.
Il s’éloigne avec le sentiment réconfortant de ne pas avoir perdu sa journée.
* * *
Evidemment, ensuite, nous devons affronter un moment de gêne consécutif à notre éducation bourgeoise. Mais lorsqu’on est entre gens de bonne compagnie, épris de fantaisie, on le surmonte assez rapidement.
— Vous êtes décidément un policier hors série, dit en souriant la bonne hôtesse de ma protégée.
— Anticonformiste seulement, rectifié-je ; je sais, depuis mon jeune âge, combien les vies les plus longues sont brèves et j’ai à cœur de profiter de la mienne.
Un tendre patin à chacune des deux complices, pour parfaire l’harmonie de l’instant.
— Douce amie, dis-je à Solange Genouillé, je voudrais répondre par du bonheur à celui que vous venez de m’accorder…
Elle m’interrompt :
— Rassurez-vous, il a été amplement partagé.
— Merci de rassurer l’homme épris d’équité que je suis. Cela dit, il faut que nous revenions à des questions policières, donc terre à terre.
— Je suis prête, assure l’aimable femme avec un délicieux sourire de salope comblée.
— Vous m’avez menti, ma douce, en avouant avoir renversé notre chère petite Eve, sur le pont.
— Pourquoi dites-vous cela ?
— Parce que vous ne conduisiez pas la voiture, au moment de l’accident.
Elle ne répond rien, me regarde avec plus que de l’intérêt, le cul choyé, la bouche également juteuse.
— Ce n’était pas vous qui pilotiez l’auto, ma chérie, mais la maîtresse de votre époux. Elle a perdu les pédales parce que, précisément, ce dernier lui bricolait, sous le tableau de bord, ce que vous avez prétendu qu’on vous faisait à vous-même. Affolés, les deux tourtereaux se sont enfuis, un député ne pouvant être confondu en si spéciale posture. Il est rentré ici dans la foulée et vous a demandé de porter le chapeau ! Je suppose que vous menez, l’un et l’autre, une existence très libre ? Pour préserver sa situation, vous avez accepté de prendre le délit à votre compte. Genouillé ne pouvait complètement écraser le coup, se doutant bien qu’un quidam aurait relevé son numéro. A tout prendre, il valait mieux que l’épouse fasse une bêtise plutôt que le représentant du peuple en personne.
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