Frédéric Dard - Pleins feux sur le tutu

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Pleins feux sur le tutu: краткое содержание, описание и аннотация

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Rappelle-toi que dans cette affaire j'ai drôlement mouillé mon maillot.
Tu parles d'une escalade !
Je pédalais que d'une !
Tout en danseuse, mon pote !
Et avec pleins feux sur le tutu !

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Lurette, dans son smok, ressemblait à un garagiste qui aurait épousé la demoiselle du château. Il ne s’était toujours pas lavé et sa tignasse d’arsouille était garnie comme un sapin de Noël de brins de serpentins et de petites boules cotonneuses car, pendant que je roucoulais à ma vieille, de belles créatures en bas résille et gibus avaient distribué du cotillon à outrance, ce que j’appelle, moi, la litière des fêtards parce qu’après la fiesta cette indescriptible joncherie fait ressembler la salle à une étable.

Peut-être te poses-tu des questions quant à notre présence au Grand Vertige ? Tu te demandes pourquoi j’ai largué m’man et le joyeux réveillon familial pour venir prendre des langues de belle-doche dans le pif au milieu d’un tas de connards en liesse ? Me faut donc te préciser que le chauffeur de Césari-Césarini a confié au petit Jeannot que le pote amerloque du boss ne débandait pas de chez lui depuis son arrivée et qu’il sortait cette noye tout à fait exceptionnellement pour rencontrer du monde. Ce qui t’indique qu’en choisissant le gars Lurette comme archer, j’ai fait une acquise de classe. Tirer les vers du nez au driver d’un arcan, le temps de fourbir les chromes de sa Mercedes, demande une sacrée dose de psychologie et une rare technique. Conclusion, la soirée d’Al Kollyc, c’était le truc à ne pas rater. D’où mon cruel sacrifice. Seulement quand tu jouis de l’amitié d’un président, t’as pas le droit de mégoter.

On a clapé le caviar sans mal (il n’était pas servi à la louche) et ensuite les filets de rougets. C’est alors que deux personnages ont gagné la table des chefs. Ils se signalaient à l’attention générale du fait qu’ils ne portaient pas le smok, mais du costar à rayures blanches et grises, vachement rital des années 50. Bruns, les favoris épais, les sourcils en chevaux de frise au-dessus du regard d’aigle, ces deux gugus frappaient par leur jeunesse. Ils n’avaient, pas plus l’un que l’autre, dépassé vingt-cinq piges. Et pourtant une grande dureté se lisait sur leurs vitrines et dans la lourde autorité de leurs gestes.

Césari-Césarini les a présentés à la société. Les deux julots baraqués armoires ont pris place face à Al Kollyc.

Le bouffement s’est déroulé sans incident. Musique, attractions, ballets culiers des girls maison. Minuit approchait, une présentatrice simplement vêtue d’un grain de beauté sur la cuisse gauche est venue stopper les converses pour annoncer qu’on allait franchir le mur de la nouvelle année et que son pote le batteur de la formation allait égrener les douze coups fatidiques. Au douzième, ç’allait être la bisouille générale. D’accord ? Un coup de cymbale ! Une partie des lumières s’est éteinte. Deuxième coup ! L’électricité a continué de s’escamoter. Au dixième, la salle entière était plongée dans le noir. Onze ! Douze ! Baoum ! Le batteur a dû mettre toute la sauce car le bruit a été énorme. Les convives ont bramé comme des cons. Puis ils se sont embrassés en poussant des clameurs de gens déjà schlass. Confusion ! Joie du champagne ressortant à grandes bullées sonores. La plupart rotaient en se congratulant.

La lumière est revenue. Et puis on a entendu des cris qui n’étaient plus tout à fait de joie. Et puis le silence s’est fait, comme descend la marée.

Et puis c’est devenu impressionnant en plein. Des chuchotis ont repris… Ça faisait cercle autour de la table des caïds, et ce cercle s’agrandissait. Et une rumeur bourdonnante s’est levée, comme le vent du nord qui commence par un léger coup de semonce dans les branchages et qui s’enfle jusqu’à tout saccager parfois.

J’ai fendu la foule, poussé par un pressentiment. Quand je me suis trouvé aux premières loges, j’ai vu Al Kollyc affalé à la renverse sur le plancher, en Z parce qu’il était tombé sur sa chaise. Un énorme trou rouge transperçait sa poitrine. On ne voyait plus briller que deux de ses quatre boutons en diamant. Il était soudain ravagé par la mort, presque vert, presque en marbre.

— Ne touchez à rien ! me suis-je écrié. Police !

J’ai lancé ça machinalement.

Un réflexe conditionné, on appelle ça.

CHAPITRE 01

Il n’était guère difficile d’établir la trajectoire de la balle. Suffisait de redresser le mort avec sa chaise et d’aller bien droit. Ce mouvement conduisait à une loggia située à gauche de la scène. Elle ne servait à rien, n’étant là que pour créer une ambiance théâtre. Elle n’avait pas plus d’un mètre de profondeur et comportait des rideaux de la même matière que le rideau de scène, dans les tons bleu et or. D’ailleurs, une autre loggia toute pareille lui faisait face, mais elle, hébergeait du matériel de sono. Le fusil à lunette infrarouge était là, abandonné. Le meurtrier avait dû se tailler rapidos son coup de feu tiré : il ne s’était pas passé plus de trois ou quatre secondes avant que la lumière se rallume ; le temps d’enjamber la balustrade garnie de velours et l’homme (je supposais que le tueur était de sexe masculin) se retrouvait au cœur de l’assistance trépignante qui gueulait n’importe quoi et s’entr’embrassait. Il n’avait qu’à se jeter dans le paquet, tel un rugbyman dans la mêlée. Ni vu, ni connu.

Sur l’instant, face à tout ce trèpe déjà poivré, la tâche me parut lourdingue. Seul avec mon petit Lurette, j’étais vachement débordé. Alors je grimpai sur une table après avoir chuchoté à Jeannot de se placer devant la sortie pour empêcher quiconque de se tailler. Et, superbe dans mon smok bleu nuit, je haranguai les soiffards.

— Mesdames, messieurs, je leur dis-je, je vous prie de garder votre calme et surtout de rester à la place que chacun de vous occupait avant les effusions ; toute personne qui ne souscrirait pas à ma requête s’attirerait de gros ennuis, ce qui serait navrant pour un début d’année. Le personnel de l’établissement est prié de se rassembler devant l’orchestre et d’attendre mes directives. Que le chef de réception vienne me rejoindre.

Un grand gonzier en smok blanc, avec un crâne déplumé et un menton comme un marteau de savetier, affublé de grosses lunettes manière Harold Loyd s’est approché. Je me suis accroupi et lui ai donné le numéro de la Rousse qu’il devait alerter de ma part. Avant qu’il se taille en direction du turlu, je lui ai dit de m’envoyer dare-dare le maître d’hôtel qui s’occupait de la table de Césari-Césarini.

J’avais déjà repéré l’intéressé, un bonhomme déjà vieux, lent et compassé, qui faisait penser à un bedeau pour grande église bourgeoise. Alerté par le chef de réception, il vint à moi, majestueux malgré les tragiques circonstances, avec la démarche d’un chef d’orchestre retournant saluer.

Histoire de l’impressionner, je lui montras ma carte, mais il n’y fit pas davantage attention que s’il s’était agi du couvercle d’un pot de yogourt traînant sur le trottoir entre deux étrons canins.

— Qui a fait la table de M. Césari-Césarini ? je lui demandis.

Une lueur flétrisseuse passa dans son regard de vieux con blanchi sous l’habit.

— Un menuisier, je suppose, me réponda-t-il.

Non, mais tu te rends compte ? En un pareil moment, se payer ma frime aussi bassement ?

Ce fut plus fort que moi. Je glissai quatre doigts de main droite entre son col amidonné et ses fanons fanés et tirai de toute mon énergie. Le nœud de soie blanc, le plastron gaufré, et cinquante centimètres carrés de chemise me restèrent dans la pogne. N’en ayant pas l’utilisation, je fourrai le tout dans la poche intérieure du chef loufiat.

Mon regard implacable, noir de rage, se planta dans sa face de méduse avariée.

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