Frédéric Dard - Papa, achète-moi une pute

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Papa, achète-moi une pute: краткое содержание, описание и аннотация

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Je vais te dire une bonne chose : les gens qui ont un don, faut s'en gaffer pire que du fisc.
C'est bien joli, un don, mais ça peut avoir des conséquences.
Moi, le don de Bruno, merci bien !
J'ai failli y laisser mes os.
En tout cas, j'en sais des moins vergeots qui en sont clamsés sans avoir vu Venise.
Heureusement que les corbillards ne sont pas en grève, parce que alors, on allait se ruiner en déodorants.

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— Je vous écoute.

Et elle, sans jambage (comme dit Béru) :

— Je viens chercher mon neveu Antoine.

Elle a jacté haut et d’un ton catégorique. Seigneur ! Faites que Félicie n’ait pas entendu cette effroyable déclaration.

Pour lors, un calme étrange venu d’ailleurs m’empare. Cette pourrie, si je m’écoutais, je la sortirais dans le jardin, la mettrais sur la fosse au compost, l’arroserais d’essence et y bouterais le feu. Une charognasse pareille, y a que par les flammes que tu parviens à l’assainir ! Je devine illico qu’une rude partie va se jouer.

— Un brin d’information ne serait pas superflu, dis-je ; j’aimerais que vous me la fournissiez.

La houri plisse ses lèvres déjà minces.

— C’est pourtant simple : Antoine n’a plus que moi comme famille ; il est orphelin et j’entends le récupérer.

— Cela fait dix ans que nous l’avons sous tutelle, ma mère et moi, objecté-je.

— Ça n’est pas une raison.

— Si, assuré-je en retrouvant Montcalm (que j’avais perdu de vue depuis qu’il s’est fait zinguer au Québec). Si, ma chère dame, c’est une raison et elle est péremptoire.

— J’ai consulté un avocat, fait-elle.

— Moi pas, riposté-je, car ce serait superflu. D’où vient que vous ayez attendu dix ans avant de réclamer la garde de l’enfant ?

— J’étais empêchée.

— Par quoi ?

— Cela me regarde.

— Vous avez des papiers prouvant cette parenté dont vous excipez ?

Elle fouille dans la poche de son manteau cradingue, y prend des feuillets pliés en quatre et me les tend.

Effectivement, elle porte bien le patronyme du môme. Moi, tu me connais ? Sans avoir le don de voyance du fameux Bruno, le copain de Toinet, j’ai du moins des pressentiments.

— Vous permettez ? lui dis-je en quittant la pièce.

— Où allez-vous ? s’écrie-t-elle, inquiète.

Je lui retourne sa réplique de naguère :

— Cela me regarde.

Grimpe jusqu’à ma chambre.

Je reste absent une douzaine de minutes. Lorsque je dévale, la tantine se tient dans le couloir, s’efforçant de caresser la joue de Toinet qui la fuit de son mieux. Ma Félicie en larmes bredouille des choses comme quoi cet enfant est désormais le nôtre et ceci-cela, l’à quel point il est mignon-gentil-amour, le combien nous l’aimons. Et voilà Maria, notre soubrette espingo qui sort de la cuistance pour glapir à son tour, ajouter ses larmes à celles de m’man. Devant ce triste spectacle, mon sang ne fait qu’un tour ; mais alors un chouette.

— Hé ! ho ! calmos ! tonné-je.

— Papa ! m’écrie Toinet, tu ne vas pas me laisser emmener par cette vachasse : elle pue comme une poubelle !

— Sois tranquille, fiston !

Je m’interpose entre la radoche et le groupe des miens.

— Citoyenne, fais-je à la tante inattendue, il va falloir prendre vos cliques et vos claques et tailler le bitume en vitesse.

— Pas sans le gosse ! C’est mon neveu et…

— Ecoute, la mère, tu ne pouvais pas récupérer le gamin plus tôt, en effet, puisque tu étais au trou !

Ça l’interloque à peine.

— Ça change quoi ? riposte la gorgone.

— Pour meurtre ! ajouté-je. Je ne pense pas qu’une gonzesse qui vient de tirer dix piges pour avoir trucidé son riche protecteur à coups de brique soit en bonne posture pour revendiquer la garde d’un gamin. Si ta petite affaire arrivait devant un tribunal, les juges se marreraient tellement qu’ils en bédoleraient dans leurs robes :

— Pas sûr ! garantit la dame. J’ai payé ma dette à la société et mes droits familiaux restent intacts.

Tu sais que, quelque part, en nos jours merdiques elle risque d’avoir raison ?

Une envie de lui allonger la toute belle mandale à cinq branches me démange la paluche. Un bref instant, je contemple ma Félicie alarmée, Toinet convulsé par le dégoût et Maria, la brave Espanche toujours prête à m’ouvrir ses cuisses.

Mon attention se reporte sur la vilaine pas belle.

— D’où te vient ce brusque intérêt pour ton neveu, la mère ? Pendant tes années de purgatoire, tu n’as jamais eu l’idée de lui écrire la moindre babille. C’est la liberté recouvrée qui t’inspire des sentiments maternels ?

— Antoine est le fils de mon frère et c’est à moi de m’occuper de lui. Je vais remuer ciel et terre pour y parvenir, annonce-t-elle.

Elle ajoute :

— Et en attendant, je vous interdis de me tutoyer !

— Bon, je crois que nous nous sommes tout dit pour l’instant, chère médème. A présent, enlevez votre sale gueule et votre sale cul d’ici, cette maison commence à sentir la fosse d’aisance en crue.

Elle se casse enfin, rageuse, après avoir lancé à Toinet un « A bientôt, mon bijou » qui nous fait froid aux miches.

Quand elle est partie, le gamin, pourtant fier-à-bras de nature, se jette contre m’man et l’étreint en sanglotant.

J’attends que sa crise soit quelque peu calmée, puis je lui donne une chiquenaude derrière l’oreille.

— Ecoute-moi, fiston !

Il me propose sa frimousse de poulbot baignée de larmes, comme on écrit dans des romans plus ambitieux. Baignée de larmes , toujours. T’as remarqué ? Ça s’appelle des clichés et ça se distribue à tout-va dans la littérature en cale sèche ; pas que les lecteurs ronronnants se déshabituent ; toujours leur assurer les turpitudes de première nécessité au tarif de l’abonnement en vigueur.

Que donc, il a sa frimousse de poulbot baignée de larmes , mon lardon d’occasion.

— Tu as confiance en moi, petit mec ? lui demandé-je doucement.

Il acquiesce, ce qui fait pleuvoir son visage tendre de faux garnement.

— Jamais je ne te laisserai dans les griffes de cette panthère mitée, Toinet. Jamais !

Il me tend sa main potelée, façon maquignon scellant un marché.

— Banco, grand, j’t’croive, assure-t-il, rasséréné.

Je lui en pétris cinq pas encore finis, mais poignée de main d’hommes, pourtant. J’en ai eu donné à d’autres. A des qui ont respecté leur parole, à d’autres, enviandés complets, qui se sont assis dessus. Quand j’étais mouflet, Mme Crépine, notre vieille épicière, me disait, lorsque son mari podagre traînait sa connerie jusque dans la boutique :

« — Fais “cinq sous” au monsieur, mon bout de chou ! »

Alors, bon, je tendais ma menotte au monstre qui la happait de sa pogne pareille à une gueule de crocodile et on faisait « cinq sous » !

Je fais « cinq sous » avec Toinet. N’ensuite je réflexionne à mi-voix :

— Il faut absolument que je découvre ce qui motive ce brusque intérêt que ta tante te porte. Ça cache quelque chose ! Une vérole peut en dissimuler une autre, kif les trains.

UN PETIT CHAROGNARD

VIENT M’OUVRIR…

Un petit charognard vient m’ouvrir.

C’est fou ce qu’on peut toucher comme gonziers impossibles en cours d’existence ! La loi des séries ! Des séries dépareillées. Tronches fumelardes. Z’yeux torves, bouche verticale en fente de tirelire ! Des êtres que tu te demandes ce qu’ils foutent sur cette planète déjà trop exiguë ; à quoi ils peuvent servir en dehors de faire chier le prochain, d’incommoder par des expressions et des malodorances. Au premier regard, tu les situes obscurément dangereux. Prêts à des loucheries sans nom ! Ingentils de naissance et sales cons à l’extrême. Dieu commet des erreurs, et les hasards génétiques perpètrent d’indicibles nuisances.

M. Eugène Malvut, il figure dans les réserves salopardes. On le sait d’emblée qu’on ne peut rien espérer jamais de positif d’un glandu comme lui. Racho sur les bords. Chauve par-derrière, la frite en tête de nœud débandé, avec un regard myope derrière des lunettes batraciennes. Il a les dents du bonheur, ce moisi, ce poreux, comme si le bonheur pouvait le concerner un jour, le triste apôtre ! Pantalon sombre, luisant, chemise blanche salie au col, gilet de laine rapiécé, pantoufles avachies. Mais ce qui impressionne le plus, chez ce loqueteux de l’âme, c’est sa méfiance. Il est aux aguets, pis qu’un garenne dans son terrier. Se sent menacé en perpétuance. Il écoute aux portes, c’est certain. Arrive sur la pointe des pieds pour surprendre des médisances le concernant. Et je te parie la lune contre tes fesses que s’il lui arrive d’assister à une rencontre de rugby, il est convaincu, lorsque les joueurs forment la mêlée, qu’ils parlent de lui au creux de leur viril essaim.

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