Alors il gravit le vaste perron et sonne. Un larbin de louage vient lui ouvrir. Une frime de gâteux de grand traiteur. Quand il repart d’ici son service accompli, il a un béret basque, des pinces à son pantalon et le vélo qui va avec. La ganache dont on loue les prestations de maître d’hôtel à l’occasion et qui habite une maison défaite, en compagnie d’une épouse paralysée et de quelques chats malodorants.
— Je veux voir le général Durdelat ! fait l’arrivant.
Le valet de pique regarde le survenant et lui signifie son mépris d’une de ces sourcillades dont il a le secret.
— Le général reçoit, alors il ne reçoit pas ! explique la ganache (mais elle se comprend, ce qui est beau, à son âge).
Alors l’arrivant pousse un cri étrange venu d’ailleurs et déclare :
— Va dire au général que San-Antonio est ici, sinon je t’arrache les couilles avec les dents !
— Je vais m’informer, monsieur ! répond le larbin extra d’un air pincé.
Je me sens tellement saccagé que je me laisse tomber dans un fauteuil du hall, bien qu’il soit Empire et que le style Empire me file la courante depuis l’époque lointaine où je faisais de la figuration de groupe dans les testicules de mon papa.
Et puis un brouhaha :
— Il est là ! Où ? Ici ! Mais oui, c’est bien lui, l’amour ! Le héros ! San-Antonio le Grand ! San-Antonio l’Unique !
Le général, le Vieux, Mathias, des officiers habillés en civils, des civils habillés en militaires me déferlent contre comme si j’étais la pointe du Raz !
On me tire du fauteuil, on m’accolade. Un pédoque sournois (y en a dans les Services secrets) me flatte les bourses dans l’euphorie générale.
— Ecoutez, mon général, balbutié-je, j’ai une chose terrible à vous avouer… Le minerai a disparu cette nuit dans les sous-sols de la police hambourgeoise ! Vous aviez raison, mon idée était sotte !
Un tollé de rires !
Durdelat se claque les cuissots (ou cuisseaux, ou comme tu voudras, on s’en branle).
— Mais, mon vieux lapin, c’est moi, personnellement, accompagné de deux de mes hommes qui suis allé le chercher dans la nuit. Avion, hélico. En quatre heures à peine, nous étions de retour avec le magot ! Je préférais prendre possession de la chose tout de suite, après tous vos avatars. C’était plus sûr. Les Russes, sachant que vous la déteniez, allaient encore tenter n’importe quoi. Qu’est-ce que vous dites de mon astuce ?
L’homme exténué s’ébroue. Un coup d’épaule par-ci, un autre par-là, une bourrade devant lui, il gagne la porte.
Avant de sortir, il se retourne.
— Ce que j’en dis ?
Il paraît réfléchir, choisir ses mots.
— Je dis que vous me faites chier, mon général !
Et puis il disparaît dans la nuit.
FIN
Evidemment : il est complètement glabre !
Note pour mes potes de l’imprimerie : laissez le tréma sur Päris, ils en foutent sur presque tous les mots en Finlande. Merci.
San-A.
Du verbe « forcener », 1 ergroupe. Se conjugue comme empaffer.
Je le connais ; hormis le vitriol et l’huile de ricin, il n’y a rien de plus horrible à avaler au monde !
Tu l’as dans l’os, hein ? Tu croyais que j’allais refaire le coup de « l’ineffable de La Fontaine » ? Je me renouvelle, moi, mon pote ; c’est le secret de la durée.
San-A.
Comme ne va pas manquer de l’écrire Bertrand Poirot-Delpech.
Les romans de notre futur collègue sont certes grivois, mais on s’instruit à leur lecture. Ils constituent l’ultime source culturelle pour la jeunesse.
Alain Perfite
A ne pas confondre avec « récurrente » qui signifie : revenir en arrière.
San-A.
San-Antonio a pour habitude de donner ce patronyme à tous les sujets russes dont il ignore le vrai nom.
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