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Frédéric Dard: T’assieds pas sur le compte-gouttes

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Frédéric Dard T’assieds pas sur le compte-gouttes

T’assieds pas sur le compte-gouttes: краткое содержание, описание и аннотация

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Faut toujours se gaffer des pays où il ne se passe rien. Parce que en général, il s'y passe des trucs-machins pires qu'ailleurs. Ainsi de l'Uruguay. Moi je croyais que Montevideo, sa capitale, n'était intéressante que pour les cinq pieds qu'elle apporte à une chanson. Fume ! Si nous n'avions pas été à la hauteur, Béru et moi, on y aurait laissé nos belles plumes de coq ! Heureusement qu'on a pu s'y faire rigoler la zize à s'en gonfler les amygdales sud ! Quand on a tout paumé, il nous reste au moins le chibre. Nos petites potesses n'en demandent pas davantage, t'es d'accord ?

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Thank you, sir.

— De l’argent vous y sera versé, en quantité non négligeable.

— Vous êtes une corne d’abondance ! Que je vous informe d’une chose : je n’irai pas seul là-bas, l’un de mes principaux collaborateurs m’accompagnera.

— Est-ce bien utile ? se renfrogne le James Hadley Chase de la Rousse.

— Indispensable. L’homme en question m’accompagnait le jour où je suis allé interroger Kurt Vogel à l’hôpital. Deux paires d’yeux valent mieux qu’une seule.

— Élémentaire, mon cher San-Antonio, approuve le truffophage !

CAPITULO TRES

La Calle Alonso Boxif est une petite artère située en plein centre-ville. Elle est légèrement en pente et des antiquaires qui méritent davantage le nom de brocanteurs s’y succèdent. Rien de très convoitisable dans leurs vitrines. L’Uruguay est de ces pays dont le passé a commencé tard. On y trouve une merderie sans grand intérêt. Cela va du bijou en toc au jouet de fer peint début de siècle, en passant par des chromos que ta concierge refuserait pour orner sa loge. Un couteau, une montre de gousset en nickel piqueté y font figure de pièces rares.

Je cherche le 28 et parviens devant une boutique de souvenirs invétustes. J’ai du mal à imaginer que des agents secrets (ou assimilés) puissent avoir comme P.C. un lien d’une telle banalité.

Malgré tout, je pénètre dans le magasin. Un poste de radio diffuse une jactance sud-américaine qui semble s’être emballée. Ça te fait comme quand tu rembobines une bande de magnéto. Ce qui en sort ressemble soit à cet espéranto utopique auquel crurent, avant la guerre, quelques allumés de la matière grise, soit à la jacte d’un perroquet qui s’exprimerait en sanscrit sinapisé.

Un instant s’écoule avant que je ne découvre un vieux gus maigre, à poils blancs inrasés, affalé dans un fauteuil d’osier que les brocanteurs de sa rue doivent guigner avec cupidité.

Je le salue aimablement et, sans attendre, lui demande s’il a des améthystes à vendre.

Il me répond que pas.

Je déclare alors au vieillard que je suis amateur de cette pierre et que s’il peut m’adresser à quelqu’un susceptible d’en fournir une quantité estimable, je lui en saurai gré.

— Vous êtes français ? interroge ce noble vieillard.

— De Paris, lui précisé-je.

Il me dit alors de lui donner mon adresse, qu’il réfléchira à la question et me fournira une réponse dans les meilleurs délais.

Voilà, c’est tout. Je retrouve le soleil dont on ne dirait guère qu’il est en cours de refroidissement depuis des millions d’années et, en homme organisé, passe à l’ombre.

Petit tour de ville. Pas de quoi se mettre la queue en trompette. Trop d’Européens ont investi ce pays pour qu’il soit réellement exotique. Des immeubles modernes avec, çà et là, des vestiges espanches. Il est clair que les Uruguayens se soucient davantage du présent que du passé ; ils produisent de la barbaque et des cuirs, des céréales aussi, cela suffit à leur prospérité. Moi qui raffole des patelins clitoresques (dit le Gravos), je me trouve un peu juste de folklo. Mais comme ce n’est pas le tourisme qui m’amène, je n’ai aucune réclamation particulière à déposer au syndicat d’initiative.

Après un moment d’errance à travers la ville, je rallie notre hôtel. Le voyage pèse un brin sur mes paupières et cotonne mes muscles.

Dans sa turne de luxe, monseigneur Gras-double en concasse. Faudrait l’opérer des végétations, il me semble. En voilà un qui sait comme personne utiliser ses moindres orifices pour exploiter les sonorités de son corps, lequel constitue un orchestre à lui tout seul.

Je lui souris à blanc et gagne ma piaule, située au même étage.

Vue sur le Rio de la Plata, de plus en plus couleur chocolat et qui ressemble à quelque monstrueuse diarrhée.

Avec une application de petite femme d’intérieur, je défais ma valoche et range mes harnais dans la penderie. Lorsque cette opération est achevée, je me déloque et m’étends nu sur le grand lit matrimonial.

Ma fatigue est de plus en plus pressante. La preuve en est que je bande comme un mât de misaine. Dommage de laisser pareille érection inemployée. Quand tu penses au nombre de moudus qui sont prêts à aller à Lourdes à pied pour demander à la Vierge de leur accorder une seule triquerie de cette magnitude dans leur vie ! Le Seigneur me choie, y a pas. J’ai pas honte de Lui rendre grâce.

Je glisse dans un sommeil que d’aucuns prétendraient réparateur. Le zonzon du climatiseur me restitue l’impression de l’avion. Je fonce à travers les nues. Tout est doux, flou, bleuté.

Rêvé-je ? Il se peut. N’en conserve pas la moindre conscience. Duraille d’évaluer mon temps de no man’s land . Un cerf-volant qui sarabande dans du bleu…

Pourquoi, au bout d’un moment difficilement évaluable, ma félicité est-elle gentiment rompue ?

Je bâille, ouvre un œil ou deux ; j’ai pas pris garde.

Sursaut du poulardin !

Je découvre, en contre-jour, une silhouette dans le fauteuil qui fait face à la baie vitrée.

Elle me tourne le dos.

Je rassemble mes facultés usuelles.

— C’est à quel sujet ? que je demande.

L’occupant du fauteuil pivote.

Une femme. Et pas dégueu, ça saute aux yeux en attendant mieux.

À cet instant, deux choses me frappent : je suis nu et toujours dans un état d’érection avancé. Mon guignolo, tu croirais un pylône à haute tension dans un champ beauceron. La dame ne peut se retenir de le reluquer, un peu comme tu contemples l’amphithéâtre de Delphes lorsque tu te trouves tout en haut des gradins.

Pour souscrire à la plus élémentaire pudeur, j’empare un oreiller pour m’en faire un cache-sexe.

— Dommage ! murmure la personne dans un anglais irréprochable.

— Ce n’est qu’un au revoir, la rassuré-je. Il faut bien se soumettre à la décence, parfois.

Elle quitte le fauteuil pour s’approcher de moi. C’est un petit sèvres blond, d’un mètre cinquante-huit, avec des yeux tellement bleus qu’un ciel d’été ressemblerait à un champ d’épandage, en comparaison. Comme beaucoup de filles de petite taille, elle coltine un bustier rempli de bonnes choses. Son sourire se pare de deux fossettes irrésistibles et montre des dents briquées plus blanches que blanc.

Je la hume à deux mètres.

— Arpège, de Lanvin ! dis-je.

Elle est estomaquée :

— Vous, alors, vous n’êtes pas français pour rien !

— Il faut bien que nous présentions quelques avantages. On ne peut se contenter de posséder la meilleure cuisine, les meilleurs vins et les meilleurs coïts de la Création, ça ne nous suffirait pas à établir la différence. C’est comment votre nom, déjà ?

— Pamela Right.

— Je prends. Vous savez le mien, je suppose ?

— Oui, mister San-Antonio.

— Vous avez l’habitude d’entrer chez les gens sans vous faire annoncer ?

— Quand la prudence l’exige.

— C’est sir Raidcomebar qui vous envoie ?

— En effet. Mais il serait préférable de ne pas prononcer de noms.

— Je connais le vocabulaire sourd-muet. Si vous le comprenez, nous pourrons nous exprimer avec une plus grande sécurité.

Elle sourit sans se faire prier. M’est avis que je ne lui déplais pas. Puis, tout à fait sérieuse, voire tendue, elle déclare :

— Cette affaire est peu banale et je sens qu’elle va nous ménager d’énormes surprises.

— Vraiment ?

Elle retourne au fauteuil où elle attendait mon réveil et prend un journal dans son sac de plage.

— Vous n’avez pas eu le temps de lire les journaux ?

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