Frédéric Dard - Des clientes pour la morgue

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Des clientes pour la morgue: краткое содержание, описание и аннотация

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Si je voulais l'envoyer rejoindre Crâne pelé dans la baille, je n'aurais qu'une bourrade à lui administrer.
Mais je ne tiens pas à procéder ainsi car ce faisant je perdrais le plus important témoin de mon affaire. Et comme ce témoin est par la même occasion le principal inculpé, vous comprendrez sans qu'on vous l'écrive au néon dans la cervelle que je sois enclin à ne pas me séparer de lui. Un inculpé de cette catégorie, je l'aurai payé le prix !

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Quelle maîtrise ils ont, ces Muller. Et quel cran ! Faut vraiment que le disque vale la gobille pour oser enlever deux fois un flic en plein Paris en ayant toutes les polices de la République au réchaud !

Je pense à tout ça sans lever le petit doigt.

La femme fait exactement comme si elle ne s’était aperçue de rien et pilote son tombereau à vive allure…

La main de Muller ne frémit pas. Il est en marbre ou quoi, ce zig-là ? Dites voir ?

Mon premier mouvement, si on peut dire est un mouvement d’yeux. Je bigle dans le rétro pour voir si le taxi de Castellani nous file toujours le train.

Oui, il est là… Alors je me sens un peu mieux.

L’homme aux cheveux gris n’osera tout de même pas me farcir l’olive en plein Pantruche ! Donc, j’ai le temps de risquer quelque chose ; je sais que je puis espérer une aide immédiate.

C’est alors que Muller achève de m’époustoufler.

— Mon revolver est muni d’un silencieux, dit-il ; c’est vous dire qu’au milieu de cette pétarade de voitures, sa détonation passerait absolument inaperçue. Comme je tirerais de haut en bas, il n’y a donc aucun danger pour que la balle aille fracasser le pare-brise après avoir traversé votre tête… Vous suivez ces explications, commissaire ?

Je ne réponds rien.

— Par ailleurs, poursuit Muller, au moindre geste, permettez-moi de vous le réaffirmer, je tirerai. N’attendez donc rien de votre collaborateur qui nous suit…

— Nous sommes suivis ? demande la femme.

Elle n’est pas effrayée du tout, ni même inquiète. Curieuse, tout au plus…

Elle se baisse pour regarder dans le rétroviseur.

— C’est ce taxi ?

— Oui… ces messieurs ont fait un petit mic-mac à la Rhumerie… Je suppose que si j’avais été au rendez-vous, c’est l’autre qui serait venu s’asseoir à ma table.

Quand je vous dis qu’il a un peu plus de cervelle qu’une fourmi, cet homme.

— Qu’est-ce qu’on fait ? demande la femme.

— On les sème dans les petites rues de Grenelle, décide son compagnon.

Ça doit vouloir dire quelque chose pour elle, car elle ne demande pas un iota d’explications…

Elle ralentit l’allure afin d’obliger le taxi qui nous suit à ralentir itou.

C’est ce qui se passe. Puis elle tourne à gauche dans la rue de la Convention, ralentit encore et met la flèche à droite pour faire signe qu’elle va stopper. Comme elle s’arrête juste à un angle de rue, le bolide de Castellani est forcé de nous dépasser et file un peu plus loin en serrant le trottoir. Alors, la belle blonde, qui n’a pas coupé son moteur, fait une brusque marche arrière en braquant, ce qui la remet dans l’axe de la rue de la Convention et elle ne se fait pas prier pour appuyer sur le champignon. Je vous le garantis. C’est du grand art, sincèrement. Le vieux taxi doit s’empêtrer à faire une manœuvre dans la ruelle où elle l’a obligé à s’engager…

Je me souviendrai du truc… Si j’ai jamais la possibilité de me souvenir de quelque chose…

Elle fonce dans les rues, à gauche, à droite, mais sans perdre une orientation précise, en effet ; elle finit par retrouver la Seine, la traverse et remonte l’avenue de Versailles, en direction de Boulogne.

Nous retraversons le fleuve au pont de Saint-Cloud et nous nous engageons sous le tunnel de l’autoroute.

Je regarde avec nostalgie les flics en faction à l’entrée du tunnel, surveillant si les automobilistes ont bien allumé leurs lanternes.

Si je dois tenter quelque chose, ça doit être sous ce tunnel.

Tant pis pour mes os. Ici Muller est comme dans un piège car s’il y a du grabuge, il lui sera impossible de s’échapper de ce tunnel cerné par les bourdilles.

Il le sent bien, le bougre. Décidément il devine tout.

— Ne vous excitez surtout pas, fait-il.

— Je ne m’excite pas !

Au même instant, je décoche un terrible coup de tatane dans les chevilles de la fillette qui se met à hurler et j’écrase alternativement et à toute vitesse le frein et l’accélérateur afin d’imprimer à la bagnole de terribles saccades.

L’auto fait une embardée, se redresse, s’arrête presque, manque caler, repart, hoquette, tressaille, sursaute… Comme, en même temps que mon pied invisible opérait, j’ai plongé en avant, Muller, ballotté, ne peut tirer ! Il jure comme un charetier, lui si distingué ! Les voitures qui nous suivent écrasent leurs klaxons, l’une d’elles, qui arrivait à vive allure, emboutit une aile… C’est le gros badaboum ! Le pastaga maison ! Les bagnoles s’arrêtent… Y a du remue-ménage…

— Fonce ! Fonce ! hurle Muller.

Sa souris a repris ses esprits. J’essaie de lui enserrer les jambes avec mes bras, puisque je suis agenouillé sur le plancher de la guinde ; mais elle est nerveuse comme un panier d’anguilles.

Je m’attends d’une seconde à l’autre à bloquer une praline dans le dos.

Moi qui ai toujours eu peur de ça ! La mort, je la rêvais de face, comme les grands capitaines ! Oui madame…

Mais ça n’est pas une balle que je reçois ; c’est un coup de crosse au sommet du crâne.

Ça craque dans ma tête… Je vois un feu d’artifice somptueux, comme ils n’en tireront jamais pour aucun 14 juillet ! Toutes les cloches de toutes les églises se barrent à Rome en carillonnant comme des paumées !

Dans le fond, c’est assez joli…

Et puis les étincelles de mon feu d’artifice portatif s’éteignent, les cloches deviennent silencieuses et, à leur place, il y a un tintamarre de klaxons…

Je reviens de mon étourdissement comme d’un voyage de noces, épuisé et repu.

— Si vous faites un geste, un seul, hurle Muller, je vous abats comme un chien enragé…

Je me rassieds.

Mes yeux cliquettent comme une bagnole dont l’avance à l’allumage est mal réglée.

Pour me réconforter, Muller me met plusieurs ramponneaux très secs aux tempes.

— Arrêtez le massacre, je lui fais.

Et j’essaie de rajuster mes yeux en face de leurs trous respectifs. J’y parviens tant bien que mal, juste assez néanmoins pour comprendre que nous sommes sortis du tunnel et que nous fonçons à au moins cent trente à l’heure sur l’autoroute.

Derrière nous, une bagnole, celle qui nous a embouti une aile sans doute, pédale à toute volée, son avertisseur bloqué.

Son conducteur n’entend pas être repassé et veut son constat.

A la première dérivation pour Versailles, nous quittons l’autoroute. La fille blonde prend à droite, en direction de Vaucresson, descend la pente rapide conduisant à ce bled et se carre à mi-côte dans l’entrée d’une propriété. Elle remonte la large allée serpentant à travers un boqueteau et stoppe devant une maison cossue, hermétiquement close.

La manœuvre a été si rapide que l’automobile suiveuse n’a pu s’y repérer, et a dû tourner dans la rue avant la propriété…

— Levez les bras ! ordonne Muller.

J’obéis.

— Prends-lui son revolver, ordonne-t-il à la fille.

Elle glisse sa main racée par l’ouverture de ma veste et s’empare de mon arme.

Puis elle descend de voiture après avoir éteint les phares et vient m’ouvrir la portière en tenant mon feu braqué sur ma poitrine.

Décidément, je suis sérieusement contré.

— Descendez !

Je quitte le carrosse.

La femme ouvre la marche tandis que Muller continue à me tenir son feu braqué dans les reins.

Nous escaladons le perron. La môme ouvre la porte et nous entrons dans une maison froide, meublée de façon plus que conventionnelle.

Nous traversons un long vestibule et mon guide ouvre une porte basse. Un escalier est là, que nous descendons. Nous arrivons alors à une cave elle-même fermée par une porte de fer…

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