Frédéric Dard - Zéro pour la question

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Zéro pour la question: краткое содержание, описание и аннотация

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Moi, vous me connaissez ! Je ne m'embarrasse pas de préjugés. Je connais des esprits chagrins qui me diront :
« Dans un sous-marin, ça se pas comme ça ».
Je répondrai à ces pisse-froid que, dans mon sous-main à moi, ça se passe comme ça. La preuve, j'y étais ! Je connais aussi des esprits non moins chagrins qui me diront :
« Au pôle Sud, ça se pas comme ça ».
Je répondrai à ces autres pisse-froid que, dans mon pôle Sud à moi, ça se comme ça. La preuve, c'est que nous y étions, Béru et moi ! Allez lui demander, vous verrez ce qu'il vous répondra. Mais, de toute façon, pour les incrédules et le ci-dessus mentionnés : Zéro pour la question !

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San-Antonio

Zéro pour la question

Pour Françoise et Yves de Comberousse

en toute affection

leur San-Antonio

PREMIER AVERTISSEMENT

Je sais des grincheux, des ratiocineurs, des documentés, des cartésiens, des techniciens, des informés, des réalistes, des soucieux de l'exactitude, des constipés, des vilains, des nieurs de rêve, des broyeurs d'utopie, des dénigreurs de chefs-d'œuvre qui déclareront que, dans les sous-marins, ça « ne se passe pas comme dans ce livre ».

C'est pourquoi je prends les devants pour déclarer à ces malotrus, à ces casseurs de cabane, à ces rompeurs d'ambiance, à ces compisseurs d'évasion, qu'ils musèlent leurs groins, qu'ils modèrent leurs expressions, qu'ils se filent leurs arguments dans le baigneur, qu'ils économisent leur stylo vengeur et qu'ils aillent vomir ailleurs si j'y suis pas ; car dans mon livre, ça se passe comme ça.

Et pas autrement !

S.A.

PREMIÈRE PARTIE

VAIN MILIEU SAOULE LES MÈRES

CHAPITRE PREMIER

Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais il est rare que les grands de ce monde soient souffrants. Malades, ça oui, quelquefois, histoire de se rendre intéressants ; mais souffrants, jamais. L'angine, la grippette de printemps, le mignon refroidissement, l'indisposition passagère, c'est pas pour leurs pommes. Leur thermomètre est toujours au beau fixe. Eux, quand ils se mettent à températurer, c'est pour le bon motif catalogué chou-fleur, infarctus ou hémorragie cérébrale. Voilà le genre de remarque que je me fais en franchissant le porche de l'appartement du Vieux, avec le joyeux Béru sur mes talons comme du fumier sur des galoches.

— Tu me croiras si tu voudras, murmure le Mastar en marchant sur la pointe des nougats pour modestiser ses empreintes dans le hall marbreux couvert d'une moquette non fauchée, mais ça m'intimide de venir chez Pépère. Il crèche dans un bath gourbi, hein ?

— Tu parles ! laconisé-je en m'approchant d'une loge de concierge un tout petit peu plus vaste et plus luxueuse que les appartements de M. Boussac.

Je sonne, et une dame sévère, munie d'un goitre et d'un face-à-main, vient, d'un haussement de sourcils, me demander qui je suis et ce que je désire. Il s'agit de la pipelette. La qualité d'un immeuble, son véritable standing, s'expriment avant tout par sa concierge. Dans les beaux quartiers, comme dirait Aragon, le boucher à la rouge encolure [1] Ça, c'est une astuce à tiroir pour les lettrés, mais je promets aux incultes de ne plus recommencer, sinon en cas de force majeure ! , les cerbères ont toujours l'air de marquises (par contre, les marquises ont souvent l'air de concierges). La dame au face-à-main nous apprend que le Râpé du dôme crèche au troisième.

— A gauche ou à droite ? réclame Béru, toujours avide de vin rouge et de précisions.

Sa sotte question fait s'assombrir la prunelle vigilante de notre interlocutrice. Dans ce genre de masure, le plus modeste des locataires a l'étage pour lui tout seul.

Au troisième, c'est un valet de chambre gourmé, figé, momifié, à favoris gris, à gilet rayé, à pantalon noir qui nous délourde. Il a trop vu de films de Sacha Guitry et il s'est fait une idée erronée des gens de maison, ce biquet. Il a une attitude à ce point compassée qu'elle inspire la compassion.

— Nous sommes attendus, lui dis-je, en réponse à la question qu'il s'abstient de nous poser.

— Merde ! Mais c'est Grossel ! clame Béru en balançant un crochet du droit au plexus du larbin.

Le pingouin fait un couac et ouvre toute grande une bouche aux lèvres amincies par des années de servilité. Et le Gros d'enchaîner, à mon intention :

— T'as pas connu le brigadier Grossel ? Il était à la Mondaine autrefois. Un jour il a demandé sa retraite anticipée, comme quoi, soi-disant, il allait planter de la laitue dans son pavillon d'Arpajon. Mais alors, Grossel, tu marnes dans l'esclavage, à c't'heure ? T'étais devenu économiquement faible ou quoi ? T'avais à ce point la nostalgie de l'uniforme, mon pote !

L'autre reste de marbre, un chouïa hostile, comme un hibou auquel on braque un projecteur de D.C.A. dans le bec.

— J'ai été formé par le patron, dit-il fièrement, le menton pointé dans la direction de l'Arc de Triomphe, cette Mecque du Gaz de France, et jusqu'à mon dernier souffle je le servirai !

— Bravo, rigole Béru, escuse-moi de pas te chanter la Marseillaise, Popaul, j'ai oublié ma partition.

Là-dessus, le flic-larbin nous pilote par un méandre de couloir jusqu'à une vaste pièce où règne une chaleur d'étuve.

— Monsieur le commissaire San-Antonio et son adjoint, annonce-t-il.

Oh ! L’étrange spectacle !

Le dabe est là, dans un fauteuil bas, enveloppé dans une robe de chambre moletonnée, chaussé de mules vernies et coiffé d'un bonnet d'astrakan. Tarass Boulba en convalescence !

— N'avancez pas ! crie-t-il à Béru qui se dirigeait spontanément vers le Vioque, sa large main ouverte.

— Si c'est rapport à vos microbes, m'sieur le directeur, inquiétez-vous pas ! rassure l'Obligeant, j'en ai dégoûté d'autres, vous savez, et des coriaces !

— Il ne s'agit pas de cela, grommelle Pépère, mais vous alliez marcher sur le pont de la Tournelle.

Béru se tourne vers moi pour me brandir un regard chargé de doute et d'inquiétude.

— Eh ben dis donc, chuchote-t-il, ça lui a fait de l'effet, sa myxomatose !

Je désigne le parquet au Gros. Ça fout littéralement le vertige. Nous avons l'impression de survoler Paname à basse altitude. Paris s'étale à nos pieds, pimpant, avec ses avenues, ses monuments, ses parcs, sa Seine… Le Vieux est assis sur la place de la Concorde. A l'aide d'une longue pince il déplace des sujets dans les différentes artères de la capitale.

— Bonjour, messieurs, fait-il en se dressant. Vous me prenez en flagrant délit de violon d'Ingres !

Je contemple le Paris lilliputien posé sur le sol.

— Vous étudiez les problèmes de la circulation, monsieur le directeur ? m'enquiers-je.

— Non, je fais des maquettes de funérailles nationales, révèle le Tondu. Elles posent des problèmes de plus en plus grands. Il devient quasiment périlleux de bloquer pendant des heures la circulation parisienne. Aussi suis-je en train d'étudier un projet de dégorgement très intéressant.

Emporté par son sujet, il nous l'explique.

— Quels sont les deux pôles des obsèques nationales ? Notre-Dame et l'Arc de Triomphe, n'est-ce pas ? Jusque-là on utilise l'itinéraire : rue de Rivoli, place de la Concorde, Champs-Elysées. C'est de la démence. Moi, j'en envisage un autre qui se ferait par la Seine ! La concentration de la foule le long des quais serait moins gênante que sur les trottoirs bordant les voies que je viens de citer. Le cortège embarquerait depuis le parvis de Notre-Dame et descendrait la Seine jusqu'à la place de l'Alma. Une fois là il s'engagerait dans l'avenue Georges-V, mais presque immédiatement, il emprunterait le parking souterrain pour ressortir au carrefour Georges-V–Champs-Elysées. Ne resterait plus alors à bloquer que le tronçon des Champs-Elysées qui va jusqu'à l'Etoile.

— Génial, approuvé-je. Votre santé est meilleure, monsieur le directeur ?

— Je fais toujours beaucoup de température et mon médecin m'interdit formellement de sortir.

Il nous sourit. Ça le change complètement, sa tenue de malade. Il a les yeux cernés, du feu aux pommettes, et ses joues s'ombrent d'une barbe de vingt-quatre heures, grisâtre et mal plantée.

— Faut bien suivre les inscriptions de votre médecin, m'sieur le directeur, recommande le Dodu, vous avez vraiment une mine de papier haché ; et votre bonnet d'estragon vous fait paraître plus pâle. C'est la première fois que je vous vois avec une coiffure. On se rend compte que le chauvinisme vous va bien.

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