Frédéric Dard - Du mouron à se faire

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Du mouron à se faire: краткое содержание, описание и аннотация

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Cette histoire a commencé très bizarrement. Depuis une quinzaine, je me faisais tarter à Liège, dans l'attente d'éventuels espions qui devaient passer par là. Pourtant, j'adore cette ville au charme provincial, mais franchement, quinze jours sans action… Ça me devient vite insupportable.
Et puis un matin, alors que j'étais encore dans ma chambre d'hôtel, mon attention a été sollicitée par un curieux éclat lumineux. Je me suis approché par le balcon de la chambre voisine, et là j'ai vu le spectacle le plus insolite de ma vie. N'allez pas imaginer du gaulois…, du paillard…, du pomo… Pas du tout.
Il y avait dans la pièce un brave monsieur occupé à fourrer des fruits confits avec des…diamants !
Quelques heures plus tard, je l'ai revu, le type.
Mais je n'ai pas eu l'occasion de lui poser des questions, vu qu'il était en train de tomber du sixième étage dans une cage d'ascenseur…

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— Non, rien de nouveau, je vous remercie…

Je raccroche et, pensif, je ressors de la cabine.

Je suis allé trop vite dans les déductions. A cause de la mèche décolorée signalée par le facteur, j’ai immédiatement pensé qu’il s’agissait de la môme Carambolez-moi-monsieur. C’était conclure hâtivement. Son aptitude à la bagatelle mise à part, elle m’a l’air d’une parfaite honnête fille, travaillant, vivant chez papa-maman et menant une vie normale…

Le facteur remarque de ses yeux qui permutent :

— Vous paraissez soucieux ?

— Pensez-vous, dis-je, ça vient du foie.

Il observe, sardonique :

— Et les bleus que vous avez sur la figure, ils viennent aussi du foie ?

— Oui, dis-je, mais du foie d’un autre… Ça met de mauvaise humeur, les troubles hépatiques…

Il vide son verre de bière.

— Vous m’excuserez, mais le travail commande.

— Je vous en prie.

Il hésite et me tend une main d’honnête homme souillée par les crayons à bille. Je presse quatre doigts solides et nous nous séparons bons amis…

« Tout de même, San-Antonio, je me raisonne, cette petite Dubeuck, elle connaissait Ribens… Il ne faut pas négliger ce détail. Dans cette affaire comme dans toutes les affaires, tout se tient ! »

Je perds mon temps à gamberger, ça vaut peut-être mieux que de perdre son pantalon, mais c’est terriblement improductif.

Je m’en vais le long des rues encombrées jusqu’à ce que je trouve un taxi.

— Avenue Léopold-I er, je lui lance.

Une fois encore !

L’expérience vient en vivant. D’une minute à l’autre on se sent pénétré par elle. Elle est faite d’une succession de petites vérités qu’on encaisse comme on gobe des huîtres…

Par exemple, je me dis que, dans une histoire aussi confuse, ce qui est mauvais, c’est de se démener. Au lieu d’aller de chez Van Boren chez Ribens et de chez Ribens chez Van Boren, j’aurais dû choisir l’un des deux domiciles suspects et le surveiller sans dé… démordre… Oui, j’aurais dû. Ça m’aurait mené à un but défini ; au lieu de cela, j’ai papillonné, je me suis remué le pétrousquin, et ç’a donné quoi ?

Peau de balle ! Je l’ai eu dans le baigneur, recta ! Tandis que j’étais d’un côté, il se passait des choses ailleurs…

Oui, une crêpe ! Voilà ce que c’est que de jouer au dilettante ! J’ai conduit mon enquête en amateur. Pourquoi ? Parce que, obscurément, pour moi, ça n’était pas une vraie enquête. C’était comme un exercice de style. J’ai étudié le cas comme on étudie une grille de mots croisés. Je me sentais à l’étranger, seul, sans pouvoir disposer de la magnifique mécanique de précision qu’est la police française ! (Fermez le ban !)

— Voilà l’avenue, me dit le chauffeur, c’est à quel numéro ?

Je ne sais pas par où il a passé, mais il a drôlement fait fissa. P’t’être que je m’ai gouré et que j’ai pris un avion à réaction au lieu d’un taxi.

Je lui refile le numéro où je désire me rendre, et boum, voilà ! Servez chaud ! Je descends !

Il mérite son pourliche, le Nuvolari.

Je m’engouffre dans l’immeuble. C’est plein de badauds qui examinent une tache humide sur le carrelage. On a lavé le sang de Ribens et cette flaque humide est la seule trace du drame, mais les gens s’en moquent. Ils laissent bosser leur imagination. D’autant plus qu’il y a là une voisine qui, elle, a vu le corps cette nuit et qui le raconte, le décrit, le campe, le peint, le narre, avec des détails, du frémissant, du bien senti, du j’y-étais-je-peux-en-parler, du j’en-frémis-encore…

Si vous avez besoin d’interjections pour vos coups de téléphone, amenez-vous avec un panier, car elles pleuvent dru ici !

Je me glisse hors du groupe, lequel ne prête pas la moindre attention à ma haute stature, et je demande à une locataire qui arrive à la rescousse où crèchent les Dubeuck.

— Deuxième étage droite…

— Merci…

C’est justement le père Dubeuck qui vient m’ouvrir. Il est plus ancien gendarme que nature. Mâchoire carrée, œil soupçonneux aux sourcils touffus, lèvres minces et arquées.

Son grand regret, outre celui de n’avoir pas connu l’Ecole Universelle, c’est de ne plus pouvoir verbaliser. Il a la contredanse dans le sang, cet homme.

— C’que v’d’sirez ? questionne-t-il.

Je prononce le seul mot qui soit tabou pour lui.

— Police…

Alors son visage s’éclaire comme si on venait de lui installer une lampe à arc dans la tronche. Il irradie.

— Mais entrez donc… Quelle histoire, hein ? Ma fille ! La fille d’un ancien policier, découvrir un cadavre ! C’est le destin, quoi !

— L’hérédité, fais-je.

— C’est ça : l’hérédité…

— Elle n’est pas là ?

— Non…

— Vous ne savez pas où on peut la trouver ?

— Mais… chez vous ?

Je regarde mon beau-père d’une heure. Son œil glacé est plein d’étonnement.

— Comment ça, chez moi ?

— A la police…

— Ah ! à la… On ne m’a rien dit… Quelqu’un est venu la chercher ?

Je suis surpris. Surpris et peut-être vaguement inquiet.

— Non, dit-il, on lui a téléphoné. Il était sept heures ce matin. Elle dormait. C’est moi qui ai pris la communication.

— Voix d’homme ?

— Oui…

Le vieux s’interrompt, le citron traversé par une inquiétude :

— Pourquoi, c’est anormal ?

— Un peu…

— Comment ?

— A moins d’une erreur, la police n’a pas convoqué votre fille. A sept heures du matin, je ne vois pas pourquoi elle l’aurait fait si tôt, cela ne vous a pas frappé ?

Il pâlit un peu, le daron.

— Si, maintenant que vous me faites remarquer…

— Que vous a-t-il dit, cet homme ?

— Il m’a dit : « Ici, le commissariat, je voudrais parler à Mlle Dubeuck. »

Ici, le commissariat ! Paroles magiques pour ce vieux chnock ! Avec ça, il marcherait au plafond !

— Et puis ?

— Je suis allé réveiller Germaine…

Germaine ! Je sais enfin son prénom !

— Oui ?…

— Ce qui n’a pas été facile, avec le drame de cette nuit, elle s’est endormie très tard.

— Bien entendu… Alors ?

— Alors, elle est allée répondre. Moi, je me lavais les pieds. Je me les lave tous les matins : je transpire des pieds…

— C’est courant dans la gendarmerie, apprécié-je, manière de faire un sort à cette confidence dont l’intérêt n’échappera à personne.

— N’est-ce pas ?

— Ben voyons… Et qu’a dit Germaine ?

— Je ne sais pas. Elle a raccroché et elle m’a crié : « Il faut que j’aille faire ma déposition d’urgence parce qu’ils tiennent une piste ! » Elle s’est habillée en cinq sec et elle est partie. Je ne l’ai même pas vue : je m’essuyais les pieds…

— Je vois…

— On peut mourir d’un instant à l’autre, fait l’ancien gendarme, moi je suis tranquille : j’ai les pieds propres.

Les gendarmes ont toujours les pieds qui leur remontent plus ou moins au cerveau…

— Votre fille mène une vie rangée ? je demande.

— Très…

— Elle est ouvreuse dans un cinéma, je crois ?

— Cinéclair. C’est pas un métier, bien sûr, mais ça arrondit son pécule… Elle va bien se marier un jour où l’autre, cette enfant.

Moi, j’ai l’impression qu’elle se marie un peu tous les jours, mais les papas ont des illusions, même lorsqu’ils ont mis leurs pieds pendant trente ans au service de la gendarmerie.

— A part ça, avait-elle une autre activité ?

Il se renfrogne.

— Voyez-vous, dit-il, cette petite, j’avais rêvé d’en faire une expert-comptable ; c’est humain. Mais elle n’a jamais été douée pour les études.

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