Frédéric Dard - Du mouron à se faire

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Du mouron à se faire: краткое содержание, описание и аннотация

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Cette histoire a commencé très bizarrement. Depuis une quinzaine, je me faisais tarter à Liège, dans l'attente d'éventuels espions qui devaient passer par là. Pourtant, j'adore cette ville au charme provincial, mais franchement, quinze jours sans action… Ça me devient vite insupportable.
Et puis un matin, alors que j'étais encore dans ma chambre d'hôtel, mon attention a été sollicitée par un curieux éclat lumineux. Je me suis approché par le balcon de la chambre voisine, et là j'ai vu le spectacle le plus insolite de ma vie. N'allez pas imaginer du gaulois…, du paillard…, du pomo… Pas du tout.
Il y avait dans la pièce un brave monsieur occupé à fourrer des fruits confits avec des…diamants !
Quelques heures plus tard, je l'ai revu, le type.
Mais je n'ai pas eu l'occasion de lui poser des questions, vu qu'il était en train de tomber du sixième étage dans une cage d'ascenseur…

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Alors j’ai une petite cassure interne. Je me dis que je me suis monté le bourrichon, que le gars qui a trouvé le récépissé n’en a pas déduit qu’il s’agissait de quelque chose d’important… Que…

C’est à ce moment-là que la porte des Van Boren s’ouvre. Le facteur lance un cordial : « Bonjour, mademoiselle ! » qui me laisse flagada.

Je donnerais bien une horloge parlante contre un cadran solaire pour apercevoir la frime de la pépée saluée ainsi par le facteur. Mais c’est impossible, la lourde se trouvant exactement sous l’endroit où je me tiens… Or je ne veux absolument pas me manifester en ce moment !

Ces coups-là, c’est comme pour l’appendicite : vaut mieux opérer à froid.

— Mme Van Boren ! lance joyeusement le facteur dont le regard symbolise le signe multiplié par.

— Madame est dans son bain, répond la voix féminine.

Donc il ne s’agit pas de la môme Huguette. Cette fois, j’entrave à bloc. La souris est une complice du gars au chapeau rond. Elle est venue attendre le facteur làga ; comme ça, pas d’agression, pas de coup foireux possible : du cousu-main. Il suffisait d’un peu de culot…

— J’ai un paquet pour elle. Vous pouvez lui faire signer mon livre ici ?

— Bien sûr, donnez…

Un instant de silence… La fille s’éclipse. Elle va signer elle-même le carnet du gars, c’est couru… Moi, à sa place, j’agirais comme elle.

Du beau travail.

La voilà.

— Tenez, facteur.

Le pourliche doit être royal… Je comprends ça. Faut ce qu’il faut, le fruit confit n’a pas de prix cette année !

Le gnard aux yeux en binocle se confond en remerciements. Il fait demi-tour à reculons en se prosternant. C’est l’amiral Courbette ! La porte se reboucle, je lâche mon soufflant poisseux, m’essuie les salsifis à mon tiregomme et je descends un étage.

Je tends l’oreille, pensant percevoir un bruit de conversation, mais non, tout est silencieux. Alors, courageusement, je sonne. Silence… Je resonne, re-silence… Qu’est-ce que ça veut dire ? Presto j’ai recours à mon sésame. Il a déjà fait connaissance de cette serrure-ci, ça abrège les pourparlers. La lourde ouverte, je me catapulte dans la carrée avec mon artillerie de poche dans les pattes… Comme un dingue, je me rue à la cuisine, je vois que la porte de service est entrouverte. Je m’y rue. Tout en bas il y a la fin d’une galopade… Alors je bondis à la croisée, mais, manque de bol, la sortie de secours donne sur une autre face de l’immeuble, car celui-ci compose un angle.

Si j’avais la possibilité de m’adresser mille coups de pied au dargeot, je le ferais immédiatement. Je ne cherche pas à vous émouvoir outre mesure mais franchement, j’ai les larmes aux yeux… Se laisser pigeonner de cette façon, non, je vous jure, c’est pas pensable ! J’en meurs. Ça y est, j’agonise. Des sels…

Le sel donnant soif, je me braque directement sur une bouteille de cognac providentielle. Guerre aux intermédiaires !

Puis je sors du logement et, négligeant l’ascenseur qui est resté à l’étage supérieur, je cavale à toute vibure dans l’escadrin.

La rue est vide. Mon cœur par contre est plein de trucs mauvais ! Une vraie poubelle !

J’avise mon facteur un peu plus loin, il sort de l’immeuble voisin.

— Hep ! facteur…

Il se retourne.

— Monsieur ?…

— Ecoutez, je suis de la police, c’est très grave… Vous venez de livrer un paquet recommandé chez Mme Van Boren ?

— Oui, mais…

— La bonne vous a ouvert ?

— Oui, mais…

— Comment était-elle ?

Il me regarde.

— Mais…

— Ecoutez, mon vieux, cessez de bêler, ça fait tout de suite transhumance. Je vous demande son signalement, c’est urgent, allez, faites travailler un peu la noisette qui vous sert de cerveau.

— Mais, monsieur… je… je vous prierai de…

Pour arrêter son flot de protestations, je lui montre ma carte sans lui laisser le temps de constater qu’elle est française. L’essentiel, c’est le mot POLICE écrit en caractères gigantesques. Bien sûr, il y a du tricolore là dessus, mais il est peut-être daltonien.

Il marmonne :

— Ça alors, si je m’attendais… Eh bien ! c’était une jeune fille…

Il cligne de l’œil droit, ce qui, l’espace d’une seconde, lui restitue une physionomie à peu près normale.

— Jolie, dit-il. Bien faite… Des… et puis du…

Ses mains courtaudes décrivent dans l’air des volumes engageants.

— Ecrasez, mon vieux !.. Je vous demande pas de me danser le french cancan ! Sa tête, à quoi ressemblait-elle ? A une limande ou à Marlène Dietrich ?

Joyeux, il se fend la cerise.

— Vous êtes marrant pour un policier.

Ses yeux se pincent encore au point de lui écraser l’arête of the nose.

— Un gentil visage… Elle était brune avec une mèche blonde dans le milieu et…

Brune avec une mèche blonde ? ? ?

J’empoigne le postier par ses revers. J’essaye de trouver son regard, ce qui me fait loucher aussi.

— Vous êtes sûr, facteur ? Brune ? Et une mèche décolorée, d’un blond presque blanc ?

— Oui, c’est ça…

Je murmure :

— Miss Feu-au-der !

— Quoi ? croasse l’autre.

Je le lâche.

Il me regarde.

— Il faut que je téléphone illico, dis-je.

— Il y a un café juste à côté.

— Bon… Merci.

Pris de remords, je lui dis :

— Venez avec moi, facteur. C’est ma tournée !

CHAPITRE XV

AH ! AH ! [2] Comme on dit chez nous !

Offrir une tournée à un facteur ne manque pas de sel (Cérébos, la marque d’élite). Il biche comme un pou, le vaillant petit soldat des postes et télégraphes ! Etre abreuvé par un condé, c’est pour lui un honneur. Chacun s’en fait l’idée qu’il veut, de l’honneur. Question de tempérament.

Je vais au téléphone et j’appelle une fois encore le commissaire chargé de l’enquête Ribens. Il n’est pas là, s’étant zoné au petit jour, mais on me passe un de ses sous-verge (c’est un poste délicat). Le type a une voix de tête et un ton geignard qui lui permettraient de se faire élire « Reine d’un jour » s’il avait de surcroît six petits frères en bas âge, un père alcoolique, une mère paralysée et une jambe de bois, et s’il faisait des lessives pour nourrir tout ce monde.

— Oui, dit-il, le commissaire Taboit m’a parlé de vous, monsieur le commissaire…

— Vous l’escortiez lorsqu’il est venu pour les constatations avenue Léopold-I er?

— Oui.

— Alors, vous vous rappelez certainement la jeune fille qui a découvert le meurtre ?

— Mlle Dubeuck ?

— J’ignore son nom : c’est une jolie brune qui a une mèche décolorée suivant la dernière mode de 1946, vous voyez ce que je veux dire ?

— Oui, c’est ça… Elle avait une veste verte et une jupe beige.

— Nous y sommes. Vous pouvez me donner l’adresse de cette pin-up ?

— Mais… elle demeure dans cet immeuble !

— Vous êtes certain ?

— Evidemment, je l’ai même accompagnée jusque chez ses parents. Le père est un ancien gendarme, la petite est ouvreuse dans un cinéma…

— O.K., merci…

— Rien de nouveau ?

J’hésite. Vous ne trouvez pas qu’il se laisse un peu dépasser par les événements, le petit gars San-A. ? Il ferait bien de mettre les pouces, non ? Si j’avais confié à la rousse tout ce que je savais, il est probable qu’elle aurait obtenu de meilleurs résultats que moi. Je suis là, je m’obstine, et puis, au fur et à mesure que le temps s’écoule, la solution m’échappe.

Pourtant, bien que mon moral soit un tantinet ébranlé, je tiens bon.

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