Frédéric Dard - Après vous, s'il en reste, monsieur le Président

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Après vous, s'il en reste, monsieur le Président: краткое содержание, описание и аннотация

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“ Gentil lecteur bien-aimé, en lisant ce puissant ouvrage de politique-fiction (ou de polique-affliction), n'oublie pas que si je puise certains de mes héros dans la vie courante, je les entraîne par contre dans des délirades qui n'appartiennent qu'à moi.
En somme, je les prends en charge et leur offre une croisière dans mon imaginaire.
Tous frais payés.
Ils en ont de la chance ! ” San-Antonio

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— O.K. ! Je dîne en ville. Je serai au Mandarin, le chinois de la rue de Berri.

— Entendu.

Cette fois nous caltons. J’espère que je vais finir par y voir un peu plus clair dans cette flaque d’encre de Chine, non ?

On commence par des travers de porc, ensuite une fabuleuse langouste sauce aigre-douce et, pour suivre, un canard laqué.

M’man renonce aux baguettes, malgré mes leçons. « Je me demande, Antoine, comment tu peux en user avec une telle facilité ! »

Elle est fière de moi, pour ça aussi. Une mère, surtout une comme elle, tu peux déféquer sur la table, elle crie bravo, prend l’Univers à témoin de ton incomparabilité.

Un petit coup de rosé de Provence qui se conjugue si bien avec la tambouille chinoise. On parle « du » mariage, naturellement. Marie-Marie qu’on a connue si mouflette, si espiègle. Et qui est devenue belle et sérieuse, avec un mystère de femme. Une énergie de femme. Alors, elle plonge, cette fois ? Elle m’adore, pourtant, m’attend depuis l’enfance, a cru plusieurs fois m’avoir enfin pour elle, mais le grand dégueulasse de Sana, penses-tu, Lisette ! Se marier alors que le monde est peuplé de culs sublimes qui n’attendent que sa grosse bibite pour faire la fête ! Je pouvais pas la mettre au congélateur, cette gosse.

Une paix triste s’étale en moi. Puisque tout cesse, immanquablement, un jour ou l’autre, autant que ce soit une affaire classée, Marie-Marie. Un capiteux souvenir, un lumineux moment. En route, ma fille, le moment est venu d’apporter ta contribution. Ponds tes gosses, aime-les et pleure pour eux !

A la table voisine de la nôtre : deux couples B.C.B.G. faussement badins, cherchant à s’entr’impressionner. L’un des matous, cadre supérieurement supérieur, baisse la voix tout à coup, ce qui, bien entendu, mobilise l’attention générale.

Il chuchote comme quoi il paraîtrait que le Président aurait des charançons sous la coiffe depuis quelque temps ; qu’il patouillerait de la matière grise. Ça le fait marrer, cézigue odieux. Les gens n’ont autrouducune compassion lorsque leurs intérêts ou leur philosophie politique sont en jeu !

Il donne le fait sous toute réserve, le bécébégiste, mais y a pas de fumée sans feu, n’s’pas ? Ses compagnons se réjouissent. L’autre glandu déclare que ça va chier des rondelles de fromage mou pour la gauche.

M’man hoche la tête avec commisération. Elle déteste qu’on se félicite des maux d’autrui. Et c’est alors que l’officier de police Biboche fait une entrée de lézard dans le restau. Beau comme une bite de coiffeur pour dames, saboulé Bodygraph, de la tête aux arpions et de pied en cap (de vieille). Il nous cherche, du bout de son cou télescopique, nous repère, s’approche, l’échine comme le panneau signalisant les dos-d’âne.

Je le présente à m’man. Il s’incline à quarante-cinq degrés. Se redresse un tantisoit pour me présenter deux feuillets dactylographiés par un mec ignorant tout de la machine à écrire, beaucoup de la syntaxe et pas mal de l’orthographe.

— Ça n’aura pas été long, n’est-ce pas, monsieur le commissaire ? il cautèle, de son ton mielleux qui englue les mouches.

— En effet, approuvé-je sobrement (ne jamais trop mouiller la compresse aux subordonnés, sinon, très vite, ils se croient supérieurs à toi et te pissent contre).

Je déplie les feuillets et lis exactement ceci :

Retrenscryption de la conversion H.B. 124. an registrer à 18 h 42.

(Trouduction assurer par Sakam Erd, glaçon de restorant à La Routine des Hindes, 65, rue du Ckerche-middi.)

LUI : C’est toit ! J’aitais enquiet !

ELLE : Ça a faillite maal touner, je t’espiquerai.

LUI : Cosse est-ill passer ?

ELLE : L’autre imbécile (ou sale con, ou connard, le tardructeur dit qu’en maharatî, le mot janfûtre a plusieurs significautions) a flailli tout fichet paterre. Ce salaud me préturbe, gant il me reglade je ne plaviens plus à me concentrier ; il est insensibe à la surgestion mantale, ses ondes neurtlisent lai miennes.

LUI : Il faut le naturaliser.

ELLE : C’est fait.

LUI : Bravo ! Tu n’as pas pu finir le travaille de Gibraltar ?

ELLE : Non, mais je rtlouvarai le sujait la sémieune pochaaine. J’ai jluste l’otant de prendel avion por Vasorvie car c’est domin le gland joure.

LUI : Campant-ce tu rentrerer ?

ELLE : Dix i cinq ou sis jxour, je placerai par Blukssel avant.

LUI : J’ai hhhatre de te levoir.

ELLE : Moine ausqsi. Comment va mon cklient de l’Eliser ?

LUI : Très mal, d’aplé mai rensesègnements.

ELLE : Je continue le traitement à distance.

LUI : Jome en doutre !

ELLE : Peter vâm bien ?

LUI : Il bouat un pneu tro, messe autment, c’est hoquet.

ELLE : C’est un amour, enblasse-le poul moi.

LUI : Que Siva te protése, mon enflant.

ELLE : Je baise tes ortreils vénables, mon noncle bien némé.

Faim de la clomunication.

J’abaisse la feuille. Songeur.

— C’est toi qui as écrit cela ? démandé-je à Biboche.

— Oui, déclare-t-il fièrement, mais en relisant par-dessus votre épaule, je m’aperçois qu’une faute d’orthographe s’est glissée dans le texte. J’ai écrit salaud avec un « d » au lieu d’un « t », j’espère que vous me pardonnerez, monsieur le commissaire.

Après le départ de Biboche, je ne mange plus que par routine. J’ai beau m’efforcer de rester présent et de tenir une converse normale avec ma Félicie, mon esprit revient sans trêve sur la conversation qu’a eue Iria avec son tonton (lequel est une tata dans le privé). J’en ressasse les points forts et m’en fais un petit paquet cadeau. Il est bien évident que je suis le janfûtre dont elle parle. Indication intéressante : je suis imperméable à son pouvoir et, mieux, je le perturbe. D’autre part, elle me croit mort. Voici les deux points me concernant. Si je me penche sur son maléfique boulot, j’apprends : primo que notre Président est toujours sous hypnose et qu’elle continue de le traiter à distance ; deuxio, qu’elle compte s’occuper de la chère Lady Di dès la semaine prochaine ; troisio, qu’elle est à Varsovie pour y accomplir quelque chose d’important (puisque demain sera un grand jour) ; quarto, enfin, qu’elle passera par Bruxelles avant de rentrer et je doute que ce soit pour aller y admirer la bitougnette du Manneken-Pis. Cette fille est un danger plus que public ! Un danger privé ! Quelqu’un possédant le pouvoir de dicter à ses contemporains des actes inconsidérés peut compromettre l’équilibre du monde ; tel que je te le dis, bouffi, et si tu trouves que j’exagère, lis du Yourcenar et ne m’emmerde plus !

Que faire ? S’emparer de cette belle sorcière ? Et puis ? On ne peut la trucider, malgré ce qu’elle met en cause ! L’embarquer pour l’Inde ? Qui nous dit que ça conjurerait ses mauvais sorts, et qu’elle y demeurerait ?

— Tu me parais bien soucieux, mon grand. C’est le mariage de Marie-Marie ?

Je refais surface.

— Le mariage de la Musaraigne ? Non, franchement, je n’y pensais plus, ma chérie !

— Alors c’est ce message qu’on vient de t’apporter ?

— Oui.

Je vais me balader au fond de ses yeux, m’man.

— Quelqu’un, une Hindoue splendide, a entrepris d’hypnotiser certaines hautes personnalités et de les faire dérailler ; et elle y parvient avec une aisance terrifiante.

— Vraiment ?

— Hélas. Ça paraît insensé mais c’est vrai, j’en ai la preuve. Tu as entendu ce qui se disait du Président à la table voisine tout à l’heure ? Eh bien, figure-toi que c’est vrai : notre Monarque est l’une des victimes de cette fille. Elle a le « don » et parvient à l’exercer même à distance quand son « client » est à point. Comment la neutraliser ? En la faisant disparaître ? Je m’y refuse.

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