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Frédéric Dard: Mange et tais-toi !

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Frédéric Dard Mange et tais-toi !

Mange et tais-toi !: краткое содержание, описание и аннотация

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Moi, vous me connaissez ? Quand la femme d'un zig qui m'a sauvé la vie vient chialer dans mon giron en me disant que son mari va être flingué deux jours plus tard pour haute trahison, je vole à sa rescousse. Même si c'est à Saigon que le mec en question doit effacer sa ration de prunes. Béru, vous le connaissez ? Il est toujours prêt à suivre son supérieur aussi hiérarchique que bien-aimé sur les sentiers de la gloire et de la châtaigne, même quand il s'agit d'un boulot d'ordre privé. Les femmes, vous les connaissez ? Plus elles sont baths, plus elles vous attirent d'emmouscaillements. Heureusement que moi aussi je les connais ! Ainsi que la manière de s'en servir ! Quant à mon style, si vous le connaissez pas encore, c'est le moment de vous y mettre. Car ça me ferait mal à la thyroïde que vous décédiez en n'ayant lu que Montaigne et Jean-Jacques Rousseau ! Souvenez-vous d'une chose, les gars : la culture, y a que ça de vrai !

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— Mazette, bée Béru, on jurerait Jonquille d'Oriola ou le chevalier d'Orgelet ! Tu vas décrocher une médaille aux prochains jeux olympiens, catégorie tape-cul, Pinuche !

La Vieillasse se pavane comme pour une infante défunte.

— J'ai trouvé tout l'équipement au Carreau du Temple, révèle-t-il. Parce que, voyez-vous, l'équitation, c'est comme le tennis : ça nécessite une certaine tenue.

— Exaquète ! renchérit Alexandre-Benoît. T'as des michetons vanneurs qui se croyent flambards parce qu'ils ont une braguette de pénis, mais le pénisman authentique sans sa Lacoste et son chorde blanc il ressemble à un marchand de gaufres.

Il reconsidère son compagnon.

— Tu fais M'sieur le Baron, commak, pépère, on dirait franc que tu pars pour la chasse à courre ; y te manque plus qu'un corps d'échasse pour sonner l'aïoli !

— Tu fais du bourrin à c't'heure ? je demande à la vieillasse.

— C'est médical, explique Pinaud. Mon toubib m'a préconisé l'exercice. Quand on arrive à mon âge, il faut du mouvement sinon l’infarctus vous guette !

Laura surmonte son éberluement pour questionner :

— Il y a longtemps que vous montez ?

— Je commence dans une heure à Saint-Germain-en-Laye, annonce Pinuchet.

— Moi, à ta place, j'eusse choisi la pétanque, déclare le mahousse. D'accord, la tenue est moins fringuante, mais aussi c'est moins risqué. Du cheval, j'en ai fait une fois, avec ma Berthe. C'était l'époque qu'elle avait ses crises de tactique hardie. Le toubib aussi lui ordonnait le sport. Justement on se trouvait en Suisse et y avait un loueur de canassons à côté de l'hôtel. Un grand zig à tronche de corbak. On va lui esposer le cas et il se déclare bonnard pour une balade en forêt. Vu not’ un bon point il nous cloque des percherons grands commak ; pour grimper dessus, y nous a fallu son escabeau de cuisine. Bon, on se juche. L'équilibre, ça allait à cause des marchepieds que ça aide bougrement de chaque côté de la selle. On déhotte. Y avait d'autres baladeurs avec nous, des cavaliers bien esperts et bien gentils qui nous refilaient des conseils. « Maintenez votre assiette ! », ils nous disaient, ces tantes ! De la manière qu'il se remuait le fions mon dada, je me gaffais qu'elle allait se briser vite fait, mon assiette, et avec elle mon service trois pièces, mon verre de montre et mon échine d'or sale ! Vachement traîtres, les bourrins, mine de rien. Vous êtes là, à marcher au pas en vous cramponnant aux ficelles, et puis suffit que çui de devant se mette au trot pour que les autres l'imitent. Pa'nurge, il est le cheval. On cause toujours de la plus belle conquête de l'homme après la femme. Mes choses, oui ! Bête et vicelard, je prétends ! Se cabrant pour un rien, filant des ruades pour encore moins ! Quand ils ont démarré les deux nôtres, j'ai crié à Berthy : « Passe-z'y tes bras autour du cou et appelle-le mon chéri, Grosse, autrement sinon on se ramasse un billet d'orchestre avant la fin de la croisière. » C'était un bon conseil de mari. Voilà que ces horribles trottaient à tout va dans le sous-bois. Les sapins nous flanquaient des grandes claques dans le museau au passage. Je considère que le forestier, c'est fait pour la cueillette des champignons ou pour se faire écosser le kangourou par une petite rurale, en tout cas pas pour jouer « Il y va Noé » entre les arbres. Une vraie chienliet ! J'accomplissais des vraies prouesses pour pas être éjecté de ce foutu gail. Je me cramponnais à toutes ses courroies, à tous ses crins, à ses oreilles, même si tellement qu'à l'arrivée, ses étiquettes ressemblaient à deux doubles V. Enfin bon, on s'arrête, on était à la lisière de la forêt, poursuit l'excellent narrateur, je sentais plus mes noix et quant à ma Berthe, on aurait dit un sac de farine crevé. Affalée en travers de sa monture elle était pas Jeanne d'Arc pour un rond ! « Maintenant, on va galoper ! » ont dit les autres cavaliers. J'en avais des fourmis dans le bassin à friture ! Je le sentais qu'un galop ça nous serait vachement irrémédiable, fatal à outrance. Mais le moyen de refuser ? On était en Suisse avec le panache françouze à porter haut. Heureusement, y a le patron du ranche qui dit comme ça.

« D'accord, mais je veux vérifier que mes bêtes sont pas en transpiration ». Et de se mettre à leur palper l'encolure à tour de rôle pour s'assurer qu'ils avaient pas leur Rasurel détrempé, ces pauvres chéris. Du coup, l'idée géniale me vient. Rapidos je me mets à uriner sur mon dada, et comme je suis bon époux et que j'ai la vessie féconde, j'arrose du temps que j'y suis la rossinante à Berthy. Quand le bourrin's man a touché nos bestioles, il a poussé une horrible grimace. « Elles ont eu chaud ! » il s'esclame. Pas tant que moi ! « M'est avis qu'on les a un peu surmenées, je réponds. Faudrait arrêter les frais avant qu'elles contrastent une conjection pulmonaire ou une pneumonie double. Après vous seriez obligé de les entortiller jusqu'aux naseaux dans de la volte thermogène ou de leur payer un séjour en sana. » Il m'a remercié pour ma compréhension ; comme quoi j'étais un ami des bêtes et que c'était tout le tempérament français, cette délicatesse. Les autres sont partis ventre à terre ; nous on les a laissés jouer les d'Artagnan et puis on a descendu de nos fougueux coursiers et on a rentré à pince. Par la bride, en gaffant pour qu'il nous marchasse pas sur les pinceaux, c'est la seule façon que j'admets le canasson, mes amis.

Il se tait pour s'octroyer un coup de rouge justement mérité. Laura rit un peu malgré sa douleur. Faut dire que le Mastar, quand il se met à relater ses exploits, il ferait rigoler un enterrement complet, depuis l'enfant de chœur jusqu'au de cujus.

— Pinuche, décidé-je, tu vas remettre ta leçon d'équitation à une date ultérieure, j'ai un boulot urgent pour toi.

Le récit du Gros lui ayant colmaté l'enthousiasme, il ne maugrée pas trop.

— Ecoute, Fossile, attaqué-je, des événements personnels m'obligent à partir pour Saigon en compagnie de Madame et de Béru. Seulement, pour avoir les coudées franches, je vais âtre obligé de faire un coup d'arnaque au Boss en lui affirmant que je vais là-bas au sujet d'une enquête qu'il vient de me confier, tu me suis ?

Il chevrote un oui désemparé et rallume son éternel mégot à l'aide d'un briquet dont l'âcre fumée noire rappelle la catastrophe de Feyzin.

— Cette enquête, Pinaud, c'est toi qui vas la conduire avec ta sagacité proverbiale. Je n'ai pas l'habitude de blouzer le Vieux, mais c'est une question de vie ou de mort, tu m'as compris ?

— J'ai compris, assure l'aimable en se grattant la bombe, croyant déjà qu'il s'agit de sa tête.

Je lui remets l'enveloppe que m'a donnée le Dabe et qui contient un rapport circonstancié des événements que vous connaissez déjà.

— Maintenant va te changer, et mets-toi au travail, Pinaud ! !

— Je veux bien me mettre au travail, mais je ne peux pas me changer, répond-il, car je viens de faire porter mon costume au pressing.

CHAPITRE III

Par chance, nous trouvons de la place à l'hôtel Troû Dû Thronc en arrivant à Saigon. C'est rare de pouvoir se loger à cet hôtel sans réservation, car il s'agit d'un Pâlace principalement fréquenté par les étrangers qui ne sont pas du pays. Beaucoup d'Américains, naturellement, mais aussi des Grecs, des Italiens, des Arméniens, un Russe naturalisé Mexicain, un Cubain naturalisé Russe, un Hindou, un Indien, un Indonésien, un Indochinois et un Industriel d'Indianapolis.

Nos chambres, non seulement sont climatisées, mais, de plus elles sont contiguës, ce qui n'est pas à la portée de n'importe quelle chambres. Pendant le voyage, j'ai longuement bavardé avec Laura. Cette fille n'a pas froid aux yeux. Elle est prête à tout, et même à n'importe quoi, pour essayer de sauver son mari. J'ai bien aimé son attitude lorsqu'elle m'a vu lâcher la ferme et les chevaux. Elle n'a pas eu ces démonstrations femelles qui sont si gênantes et même si horripilantes parfois. Elle est digne et simple, cette môme. Elle a seulement murmuré en essayant d'affermir sa voix : « O.K., Antoine, thank you ». Un point c'est tout. Et dans l'avion, tandis qu'on échafaudait des plans à la mords-moi-le-chose-dans-le-sens-de-la-longueur, elle ne s'est pas répandue en jérémiades stériles. Elle se contente d'un rôle de collaboratrice lucide et réfléchie, faisant des objections pertinentes, comme si tout cela ne la concernait pas directement.

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