— Fermez le ban ! termine Bérurier en remontant sa vitre.
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LA MALADRESSE DU GROGNARD BÉRURIER
La mitraille faisait rage. Les salves succédaient aux salves. Napoléon venait d'affirmer à Soult que Wellington était un mauvais général et que les Anglais étaient de mauvais soldats. Toujours est-il que ces salauds tenaient bon. Leur général leur avait donné l'ordre de se faire tuer sur place en attendant l'arrivée des Prussiens. Curieuse façon de tromper le temps ! Les généraux ont toujours tendance à conseiller ce genre de distraction, car ordinairement ils sont hors d'atteinte sur un promontoire (il y a toujours des promontoires à chaque extrémité des champs de bataille afin de permettre aux généraux ennemis de jouer leur partie dans de bonnes conditions). C'est à cela que songeait le grognard Bérurier en rechargeant pour la nième fois son fusil. Un solide diable, ce Bérurier, dit Beau-Gosier, dit Joli-Coeur (il avait une moustache rousse), dit Pan-Pan-la-Tunique (car il visait toujours droit au cœur afin d'épargner le visage, selon les principes de son ancien chef le général Ney). Mais il commençait à en avoir sa claque des hécatombes en général et de celle de Waterloo en particulier.
Autour de lui, les copains hachés par les boulets mouraient à qui mieux mieux en criant : « Vive l'Empereur ! ».
En les voyant agoniser, Bérurier se disait qu'ils avaient une certaine santé, les frères, ce qui était vraiment une façon de penser !
Près de lui, le général Cambronne donnait du geste et de la voix pour exalter les survivants de la Vieille Garde !
— Feu ! Chargez !.. Joue !.. Feu !
« Il se répète », pensa le brave grognard en obtempérant néanmoins. Son regard croisa celui de Cambronne.
— M'est avis, mon général, murmura-t-il, que pour ce qui est de la victoire, on ferait mieux de lui laisser notre adresse et de rentrer chez nous, car ça n'est pas pour aujourd'hui !
— Tire donc, imbécile ! hurla Cambronne, tu ne vois donc pas qu'ils faiblissent !
— Ils faiblissent peut-être, niais c'est nous qui clabotons, riposta Bérurier, dit Beau-Gosier, dit Joli-Cœur, dit Pan-pan-la-Tunique en épaulant son fusil.
Il tira son coup et eut la modeste satisfaction de voir un Anglais de moins en face de lui.
— Il faut tenir ! cria Cambronne. Grouchy est en route, il va arriver. Ordre de l'Empereur : se faire tuer sur place en l'attendant !
— M'est avis qu'il ramasse des pâquerettes, Grouchy, mon général, ou alors il aura été pris dans un encombrement d'affûts.
— Le voilai cria Cambronne en montrant les ondulations d'une monstrueuse chenille bigarrée vers l'horizon.
Cette annonce redonna du cœur aux survivants. Les valides rechargèrent leurs fusils. Tous, à l'exception de Bérurier qui regardait de son œil aigu l'armée fondant dans leur direction. Au bout d'un moment, il tapota l'épaulette de Cambronne (l'ardeur des combats rend familier).
— Mon général, dit-il, je crois que vous n'avez pas le compas dans la jumelle. Ce ne sont pas des soldats français qui rappliquent !
— Que dis-tu, idiot ? tonna Cambronne qui avait son franc-parler.
Et il vissa le petit bout de sa lorgnette dans son orbite.
— Ces gars-là sont prussiens à vous dégoûter de la choucroute ! affirma péremptoirement Bérurier.
Cambronne dut se rendre à l'évidence. Il laissa retomber sa lorgnette avec accablement.
— Exact, soupira-t-il, ce n'est pas Grouchy…
— Alors ça va être plus cher, se lamenta le grognard [54] Certains historiens prétendent que Bérurier aurait dit en réalité « Ça doit être Blücher », ce qui est faux.
.
Il y eut un instant d'hébétude dans la Vieille Garde. L'accablement, parfois, pétrifie les héros au plus fort de leur héroïsme.
— Mais tirez, N… de D… ! vociféra Cambronne (sans employer de pointillés).
Les salves recommencèrent. Les Anglais tiraient de plus en plus vite et les Prussiens se rapprochaient à toute allure. Alors Wellington prit un porte-voix.
— Messieurs les Français, rendez-vous ! exhorta-t-il.
— Il se fiche de nous ! gronda Cambronne. Mon porte-voix ! Où est passé mon porte-voix que je lui dise ma façon de penser !
C'était le grognard Bérurier qui venait de le lui subtiliser et qui, maladroitement, le cachait derrière son dos.
— Écoutez, mon général, bredouilla-t-il, on pourrait peut-être se rendre en effet.
— De quoi, misérable !
— Regardez : nous sommes à peine deux cents et nous allons tous y passer !
— Et le serment du Champ-de-Mars, alors ! tonna Cambronne [55] La cérémonie à laquelle Cambronne fait allusion eut lieu sur l'esplanade du Champ-de-Mars. Napoléon, de retour de l'île d'Elbe, fit prêter serment à ses soldats, style vaincre ou mourir !
.
— Je vous dis pas, mais la Vieille Garde est pratiquement anéantie, nous n'avons plus d'espoir ; la mort des derniers survivants que nous sommes ne servirait de rien, soyons justes ! Et il faut bien qu'il y ait des rescapés pour raconter l'événement à ceux de l'arrière !
Cambronne fut frappé par la justesse de l'argument.
— Soit, fit-il, tu as raison, rends-moi mon porte-voix.
Ravi, Bérurier s'empressa. Mais c'était un homme gauche ; dans le mouvement qu'il fit pourfendre au général son instrument de travail, il s'empêtra dans son fusil et sa baïonnette se planta dans les fesses de Cambronne, lequel poussa le « Merde » le plus retentissant de notre Histoire puisque les Anglais qui l'entendirent le considérèrent comme la réponse à leur question. Leur mitraille se remit à pleuvoir !
Et ainsi mourut Bérurier, dit Beau-Gosier, dit Joli-Cœur, dit Pan-Pan-la-Tunique !
Ainsi fut exterminée la Vieille Garde, socle de l'Empire ! Exterminée ? Non, le terme est impropre, puisque Cambronne mourut vingt-sept ans plus tard, à l'âge de soixante-douze ans ; ce qui, après tout, n'est pas tellement vieux pour un général !
(Extrait de « Promenades à travers les campagnes napoléoniennes » par de Briand-Château).
RÉSUMÉ-QUESTIONNAIRE RELATIF A LA TROISIÈME PARTIE
Q : ANNE D'AUTRICHE AURAIT CONTRACTÉ UN MARIAGE SECRET ; AVEC QUI ?
R : Avec le Mazarin-Curaçao !
Q : CITE-MOI LES PRINCIPAUX PERSONNAGES QUI ONT ILLUSTRÉ LE GRAND SIÈCLE.
R : Le nain Piéral avec ses poussins ! Y avait aussi Dalban, çui qu'a fait les foutrifications. Et puis Aldebert, un ministre drôlement gratteur. Maintenant comme z'auteurs y avait Bosselé, Corbeille, Boileau-Narcejac, la Racine et Saint-Simenon.
Q : COMMENT S'APPELAIENT LES DEUX ÉPOUSES DE LOUIS XIV ?
R : La première c'était une Espagnole et elle s'appelait Mademoiselle Linfante, maintenant son prénom… Quant en ce qui concerne la deuxième, je crois bien que c'est la Marquise de Sévigné.
Q : ET COMMENT S'APPELAIT SA PLUS CÉLÈBRE MAITRESSE ?
R : La marquise de Troubadour.
Q : QU'À FAIT LE MARQUIS DE LA FAYETTE ?
R : Il a travaillé pour la galerie.
Q : EN QUELLE ANNÉE LOUIS XVI A-T-IL ÉTÉ GUILLOTINÉ ?
R : Tu m'as déjà dit que c'était pas en 89, pourquoi t'insistes ?
Q : QU'ÉTAIT NAPOLÉON BONAPARTE AVANT LE COUP D'ÉTAT DU 18 BRUMAIRE ?
R : Il était corse.
Q : CITE-MOI TROIS VICTOIRES NAPOLÉONIENNES.
R : L'Avenue d'Iéna, la gare d'Austerlitz et la rue de Rivoli.
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