Les convives se regardent encore, Bruno se tapote la tempe de la main, Camille regarde gravement sa mère, les autres restent interdits. Seule Mildred écarquille les yeux.
mildred : Fred…? Ne me dites pas que…
fred : Si, je sais comment transfuser les tissus graisseux, j'ai fai t des expériences sur des cobayes dont les systèmes sangu ins étaient parfaitement incompatibles. La graisse est désormais une matière première universelle!
mildred : Ce serait trop beau, Fred… J'ai foi en vous, mais…
fred : Je sais que la foi a besoin de preuves.
Il fonce vers son labo et en revient en tenant dans ses bras un chat à la silhouette svelte.
Silence consterné.
bruno : Mais… on dirait… Ulysse! C'est Ulysse!
marie : Impossible, Ulysse a disparu depuis deux semaines et en plus il était gras comme un pape.
camille : C'est lui, regarde la tache blanche sur le flanc droit.
jonas : Madame Giroux croyait qu'il était mort…
Fred ouvre un panier d'osier à ses pieds. Un autre chat beaucoup plus rond, en sort.
CAMILLE, BRUNO, MARIE, MILDRED ET JONAS (en chœur): SULTAN!
Tous se précipitent sur Sultan pour le prendre et le cares ser.
marie : Cette bestiole était rachitique… Elle n'avait plus goût à rien, même aux blancs de poulet et aux rognons, on avait l'impression qu'elle se laissait mourir.
fred (triomphant): L'excédent d'Ulysse profite maintenant à Sultan. Vous commencez à comprendre?
Un vent d'incrédulité passe dans la pièce.
fred : Non, vous ne comprenez toujours pas? Très bien! Puisqu'il le faut…
Il s'approche de la fenêtre, regarde vers l'étage du dessus.
fred (fort): Evelyne!… Evelyne!
marie : Frédéric, cette fois tu vas trop loin!
walter : C'est la bonne femme du dessus?
bruno : C'est la grosse qui ne peut même plus se déplacer, Camille lui fait ses courses.
camille : Elle a dû trouver quelqu'un d'autre, elle ne m'a pas fait signe depuis trois mois.
marie : La pauvre, elle est devenue boulimique à la mort de son mari. Au bout de quelques mois elle était tellement obèse qu'elle n'a plus eu le courage de réapparaître en public. Elle qui était si coquette, avant.
On sonne. Personne n'ose ouvrir, sauf Mildred.
Une très jolie femme, mince et élégante, apparaît sous les yeux médusés de tous. Elle embrasse Fred.
evelyne (à Fred): Tu m'avais demandé de garder le secret encore quelques jours…
fred (soupirant): Tu n'es pas entourée de béotiens, toi.
marie (stupéfaite): Vous vous connaissez, tous les deux?
fred: J 'avais besoin de… de tester mon invention sur les hu mains… Je savais qu'Evelyne avait un problème et…
evelyne : Je me sentais monstrueuse. Impossible de refuser cette dernière chance…
Silence.
walter : Mais, votre excédent de poids, qu'est-ce que vous en avez fait…?
Evelyne n'ose pas répondre et tourne le regard vers Fred.
fred : Je ne me suis pas nourri depuis 96 jours.
– Tu coupes juste après cette phrase, dit le Vieux par-dessus mon épaule. Tu ne veux pas t'arrêter un peu?
Je dis non des yeux. Mathilde dort sur un des nouveaux canapés. Tristan regarde un film. Jérôme travaille la séquence 24, celle où Camille sert d'appât à Pedro White Menendez. Je demande à Louis quelle est la séquence à suivre.
– Je crois qu'il vaut mieux revenir sur l'invention de Fred dans l'épisode suivant, ça pourrait faire la séquence d'ouverture.
– Épisode 42, Séquence 1?
– Parfait, ça laisse à Fred le temps de faire avancer les choses.
– Je peux continuer, tant que je suis chaud.
– Si tu as besoin de figurants et d'un nouveau décor, n'hésite pas.
Je ne cherche pas à savoir l'heure, je sens juste que la nuit en est à son plus tendre.
1. QUARTIER GÉNÉRAL FRED. INT. JOUR
Une grande salle de travail avec une dizaine de personnes qui s ’ entrecroisent. Aux murs sont affichés des graphiques et un gigantesque planisphère. Débordant d'énergie, Fred do nne des directives à chacun. Deux types en blouse blanche le suivent partout. Deux autres, en uniforme militaire, discutent d evant le planisphère. Un homme ramasse les dépêches de deux téléscripteurs, un autre, assis derrière un bureau, tapote avec fébrilité sur un terminal d'ordinateur. Trois standardistes répondent aux appels.
fred (à la cantonade): Où est le délégué aux parrainages?
le délégué (arrivant du fond de la pièce): Ici!
fred : Vous avez eu New York?
le délégué : L'O.N.U. étudie le dossier, c'est plutôt I'O.M.S. qui n'arrive pas à suivre. Ils disent qu'il leur faudra un mois de plus.
fred : Merde! Je leur ai donné le plan complet, je ne peux pas être partout! On a combien de donneurs, pour l'instant?
Le délégué ne peut retenir son rire quand fait irruption dans la pièce une troupe d'individus excités, tous obèses. Un homme les refoule vers la sortie.
le délégué : Nous en avons six mille sur les listes d'attente.
l'homme À l'ordinateur: II y en aura le triple dans une semaine. D'après les estimations, on peut déjà affréter un premier envoi de deux cents tonnes de lipose avant la fin du mois.
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