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Jean-Marie Le Clézio: Histoire du pied et autres fantaisies

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Jean-Marie Le Clézio Histoire du pied et autres fantaisies

Histoire du pied et autres fantaisies: краткое содержание, описание и аннотация

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« Jusqu'où irons-nous ? Jusqu'à quand serons-nous vivants ? Quelles raisons donnerons-nous à notre histoire ? Parce qu'il faudra bien un jour trouver une raison, donner une raison, nous ne pourrons pas accréditer notre innocence. Où que nous soyons, quelle que soit notre destination finale (si une telle chose existe), il nous faudra rendre compte, rendre des comptes. J'ai été, j'ai fait, j'ai possédé. Et un jour je ne serai plus rien. Pareil à ce wagon lancé à une vitesse inimaginable, incalculable, sans doute voisine de l'absolu, entre deux mondes, entre deux états. Et pas question qu'aucun d'entre nous retourne jamais à ses états, je veux dire à son passé, à ce qu'il, à ce qu'elle a aimé. Pour cela les visages sont figés, immobiles, parfois terreux, on dirait des masques de carton bouilli ou de vieux cuir, avec deux fentes par où bouge le regard, une étoile de vie accrochée au noir des prunelles. »

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Maintenant, dans les interrogatoires, je nie tout : les Amazones, les Chavantes. Je fais même rire les étudiantes quand je parle du « bang-bang », du « chlak ! » en faisant le geste du tranchant de la main. Comment ? Quel mot d’ordre pour la castration finale ? Clic-clac ? Non, non, bang-bang, quand on claque la porte et que le pêne rebondit dans la gâche, le bruit des battements de cœur.

Mais je ne veux pas parler de l’histoire du chat, du lapin et du singe sur sa bicyclette. Si j’en fais trop, si j’invente trop de détails, ils ne me lâcheront jamais, je serai leur inépuisable cobaye, leur informateur à vie, pour leurs thèses et leurs mémoires, pour leurs rapports en haut lieu. Un jour, je termine l’entretien : Mesdames, Messieurs, leur dis-je. Plus rien à dire. Vous savez tout.

An-Nee m’attend dans le bureau de la Direction. Il me semble que je suis entré ici depuis des années, dans cette maison. Autrefois j’étais avec An-Nee, en haut de la colline, je lui parlais de Viram, je lui proposais de s’enfuir avec moi loin de cette ville, de s’envoler. Je n’ai rien oublié.

An-Nee me semble très jeune, presque une adolescente, très mince, ses cheveux bouclés coupés court, enveloppée dans son manteau informe d’écolière. « Tu portes des lunettes à présent ? » Elle a un petit sourire. Ces lunettes étroites à monture en plastique noir, c’était son idée pour avoir l’air plus sérieux quand elle va à un entretien pour un job.

Le Directeur général ne pérore pas, pour une fois. Il s’ennuie. Il manque de public. Je ne l’intéresse plus. Il signe, il tamponne les dossiers, presque sans regarder. Ce qu’il tamponne, ce qu’il signe, c’est ma liberté. J’éprouve pour lui une haine démesurée, j’en tremble. J’ai envie de me fâcher, d’un coup, là, dans ce bureau d’architecte, où tout est parfait. J’ai envie de lui lâcher tous mes « bang-bang », mes « clang-clank », mes « chlak ! », de crier l’Ombre sans visage et le Regard sans yeux, de crier le nom de l’enfant aux cheveux gris qui avait trouvé le bonheur et qu’il ne pourrait jamais capturer, qui ferait naître une lueur éblouissante qui le brûlerait comme un pleutre, lui et ses étudiantes, et tous les valets des Amazones et des Maîtres !

Il ne me regarde pas. Il signe, c’est tout ce qu’il sait faire.

Il parle avec An-Nee, il lui pose des questions oiseuses, des prétendues politesses — est-ce que tu veux vraiment le savoir ou tu demandes ça par habitude ?

Je baisse les yeux. Ça peut passer pour de la timidité, de l’humilité. Je m’en fous, la porte est au fond du couloir. Je marche dans l’allée de gravillons, le portail s’ouvre. An-Nee tient ma main dans la sienne, elle la serre très fort.

Nous sommes dehors. Nous sommes libres.

YO

Mon nom est Yo. J’ai quinze ans, c’est ce qu’on m’a dit. Quand les gens viennent au restaurant, ils me demandent : « Yo, quel âge as-tu ? » Je compte sur mes doigts, un deux trois, dix, quinze. Ça les fait rire, mais je m’en fous, parce que, après ça ils me donnent une pièce, ils me font choisir, et je prends toujours une pièce, une pièce jaune parce qu’elles sont plus belles, et je sais bien que si je prenais un billet ils ne me feraient plus choisir. J’habite le conteneur, au bord de la route, c’est là que je dors. Maman habite la maison du restaurant avec cet homme que je n’aime pas. Quand je parle de lui je ne dis jamais son nom, mais toujours : ce type, ou bien : le locataire. Je dis à Maman : « Pourquoi tu couches avec ce type-là ? » Maman ne répond pas, elle hausse les épaules, elle dit comme si je plaisantais : « Tut-tut. » C’est sa façon de me dire de me taire. Un jour je l’ai battue. Je lui ai dit : « Pourquoi tu fais dormir ce type dans ton lit ? » Et comme elle a dit « tut-tut » je l’ai battue à coups de poing et à coups de pied, et elle est tombée contre l’armoire et elle a saigné. L’homme est arrivé, il a dit : « Qu’est-ce qui s’est passé ? » J’étais accroupi par terre, je n’arrivais pas à respirer, à cause de ma colère, et parce que Maman saignait et que j’avais peur. L’homme m’a crié : « C’est toi qui lui as fait ça ? » Il a pris un bâton pour me battre, mais Maman l’en a empêché, elle criait son nom : « Pady, arrête ! » Ensuite l’homme a dit que je devais loger ailleurs, il a mis mon matelas dans le conteneur au bord de la route, là où nous gardons les marchandises pour le restaurant, les biscuits salés et les boîtes de tomate. Alors je suis allé habiter dans le conteneur. L’hiver il fait froid, et c’est plein de souris qui se promènent et des cafards. Mais j’ai pris le chat, c’est mon chat, c’est moi qui l’ai trouvé au bord de la route quand il était tout petit et qui lui ai donné à manger du pain trempé dans du lait. Quand il reste avec moi dans le conteneur, il n’y a pas de souris, ce n’est pas parce qu’il les chasse, mais elles ont peur de lui voilà tout. Mais je déteste cet homme, je n’ai pas peur de lui, je suis fort. J’ai travaillé sur le chantier de l’autoroute, là-bas les ouvriers me faisaient boire des bières et je cassais des pierres en les serrant contre moi, ou bien ils me lient avec une ceinture autour de la poitrine, et moi je peux casser la ceinture en gonflant mes muscles. Je travaille en été sur le chantier, la pelle mécanique jette les pierres dans la benne et moi je les mets en ordre pour que la benne ne se renverse pas. Mais mon vrai métier, c’est d’être masseur. Personne ne m’a montré comment faire. Depuis que je suis tout petit je m’entraîne avec Maman et avec mes tantes. À cette époque, Maman travaillait en ville, elle lavait par terre dans un bar et quand elle revenait à la maison elle se plaignait toujours : « Mon Dieu, j’ai mal partout, si je continue cette vie de chienne je vais tomber malade. » Alors je lui faisais de petits massages dans le dos, sur les bras, sur les jambes, je lui disais : « Maman, ne tombe pas malade ! » Je la massais très bien jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Mais maintenant je ne peux plus la masser à cause de cet homme, du locataire. Il m’empêche de venir dans le restaurant le soir quand Maman va se coucher. Quand je suis dans le restaurant, je reste dans un coin, je le regarde. Au début ça l’énervait, il disait à Maman : « Ton fils, on dirait un chien. » C’est vrai, je le regarde fixement. Je vois dans ses yeux de la haine. C’est dur et aigu, je sens mon cœur qui bat plus vite, j’ai de l’eau qui coule au milieu de mon dos jusque dans ma culotte. Quand j’étais petit je me souviens d’un homme méchant comme lui qui a voulu me battre, et j’ai eu si peur que j’ai pissé dans ma culotte. Cet homme-là est parti, ma mère l’a chassé de chez elle, et je voudrais bien qu’elle chasse le nouveau. Mais je n’ai plus peur maintenant, parce que je suis fort. Après qu’il a voulu me donner des coups avec son bâton, je suis allé dans sa chambre, j’ai pris son bâton et je l’ai cassé en trois morceaux, et il n’a plus repris de bâton. Maintenant qu’elle a le restaurant, Maman ne travaille plus à laver par terre, il y a quelqu’un qui vient faire ça chaque matin, c’est M me Helie, elle vient avec sa fille Elaine. Maintenant Maman travaille au restaurant, elle cuisine les poulets avec des oignons et des frites. C’est moi qui tue les poulets. Voici comment je fais : j’ai un aspirateur, je branche l’aspirateur, je mets le bec du poulet dans le tuyau et l’aspirateur aspire tout l’air dans le poulet et il se vide. Le poulet n’a pas le temps de se débattre, il ne crie pas, il devient mou et je lui tranche la gorge pour enlever tout le sang et je lui ouvre le ventre pour enlever les boyaux et les poumons, je donne les abats au chat et au petit chien de Maman. C’est un bon métier. C’est mieux que de travailler sur le chantier de l’autoroute, et Maman est fière de moi, elle me présente aux clientes, elle dit : « C’est Yo, c’est mon fils, c’est lui qui tue les poulets. » Les gens disent : « Ah c’est bien, tu aides ton papa et ta maman. » Et là je dis : « Eh bien lui, ce n’est pas mon papa, c’est un type qui travaille ici. » Les gens rient, ils me donnent de bons pourboires. Je prends les pièces et je les fais tinter contre le sol pour les regarder danser et rouler. Les gens me donnent toujours une grosse pièce jaune, ils disent : « Allez, Yo, fais-la danser par terre ! » et moi je la regarde tourner sur elle-même, et tout le monde rigole, même Pady l’homme, mais je crois qu’il est jaloux parce que les gens m’aiment. Il y a aussi cette histoire que les gens aiment bien entendre, chaque fois ça les fait rire, et moi aussi je ris avec eux. Un jour, je crois que c’est exprès, l’homme m’a crié : « Ta maman a besoin d’un gros poulet, va tuer un gros poulet ! » Alors moi j’y suis allé, j’ai attrapé le plus gros poulet et je lui ai mis le bec dans l’aspirateur, et je l’ai vidé et tout et je l’ai apporté à la cuisine, mais Maman m’a dit : « Pourquoi tu as tué un poulet, il n’y a personne au restaurant ! » Et le type m’a dit : « Eh bien, qu’est-ce que tu attends ? Ramène-le là-bas et rends-lui la vie ! » Alors moi j’ai couru avec le poulet et j’ai essayé de lui remettre la vie en soufflant dans son bec, mais il est resté mou, et je suis revenu à la cuisine et j’ai dit à Maman : « Je n’arrive pas à lui rendre la vie, il ne veut plus respirer. » Et le type s’est mis à rire très fort, et même Maman s’est mise à rire, et moi aussi j’ai ri mais en même temps j’étais triste parce que ce poulet était mou et froid dans mes mains, et qu’il ne voulait plus respirer. Et le type raconte souvent cette histoire pour faire rire les gens. Les gens me demandent : « C’est vrai que tu peux donner la vie aux poulets ? » Je fais semblant de rire, parce qu’ils ne me croient pas, mais je sais que si je veux, je peux leur rendre la vie, leur rendre le souffle que l’aspirateur a enlevé. Je sais aussi voir les ombres. Depuis que je suis tout petit, je peux voir les ombres. Je ne les vois pas tout le temps, seulement par moments, quand quelqu’un est là, à parler, quand il est debout dans la salle à manger et qu’il met son manteau pour partir, il parle avec Maman, ou avec la bonne, il allume sa cigarette et moi je vois l’ombre qui est derrière lui, une grande ombre plus haute que lui qui étend ses bras pour le prendre, je n’aime pas cette ombre, j’ai peur, j’ai mal, je ressens un frisson dans mon dos et je me mets à trembler, j’ai envie de crier, mais il ne faut pas, sinon les clients vont croire que je suis fou, ils ne reviendront pas, j’ai envie de crier et quelquefois ça sort malgré moi, je crie : « Attention, l’ombre est là, attention. » Mais si je crie, les gens ne reviendront plus au restaurant, c’est Maman qui me l’a dit : « Ne parle pas de ça, Yo, n’en parle pas, ne parle pas des ombres, tu n’as qu’à fermer les yeux et compter jusqu’à dix et l’ombre partira. » Mais j’ai essayé, et souvent les gens partent avec l’ombre et je sais qu’ils vont mourir à cause de l’ombre, l’ombre les mange, mange leur cœur, mais je ne dois pas en parler, jamais. Mais avec ma cousine ça n’est pas pareil. Ma cousine vient de temps en temps de la ville, elle vient nous rendre visite ici au restaurant. Elle travaille à la ville, dans les affaires, je crois qu’elle est très riche, et très intelligente, elle a fait des études, elle travaille chez des avocats. Elle est toujours très belle, bien habillée, elle sent le parfum, et pour ça je l’appelle « Parfum », je lui dis ma cousine « Parfum », et ça la fait rire, elle me fait sentir le parfum dans son cou, elle a de longs cheveux noirs bien lisses, et ses cheveux aussi sentent bon. Quelquefois, quand elle va partir, après nous avoir rendu visite, elle est debout près de la porte et je vois l’ombre près d’elle, alors je cours vers elle et je lui donne des coups de poing pour faire partir l’ombre. Je la frappe fort dans le dos, je serre son bras très fort, jusqu’à ce qu’elle crie : « Arrête, Yo, tu me fais mal ! » Mais à ce moment-là l’ombre est partie, elle a eu peur de mes coups et elle s’est effacée. Alors je laisse partir ma cousine Parfum, elle s’en va à pied jusqu’à la gare des cars pour retourner à la ville. Et moi je l’aime, je ne lui dis pas, mais je l’aime plus que toute autre chose au monde, plus que Maman même, parce qu’elle est la seule jolie chose de ma vie, tout le monde est comme l’homme qui dort ici, l’homme que je hais, tout le monde est laid et méchant. Je ne le dis à personne, mais j’attends ses visites, et quand je peux je téléphone à Parfum, je fais son numéro de portable, et je lui dis : « Ça va, quand est-ce que tu viens me voir ? » Elle dit : « Oh je ne sais pas, dans deux semaines, quand j’aurai le temps. » Je lui dis : « J’entends quelqu’un avec toi, t’es avec un mec ! » Elle dit que non elle est seule mais je suis sûr qu’elle est avec son petit ami. Je lui dis : « N’oublie pas que tu as promis. » Elle dit : « Qu’est-ce que j’ai promis ? » Je lui dis : « De me rapporter des cigarettes. » Elle rit au téléphone et elle promet : « D’accord, Yo, je t’achèterai des cigarettes, mais tu ne dois pas boire de la bière, tu t’en souviens ? » Je lui promets que je ne boirai plus. Et puis je vois aussi Elaine, la fille de la femme de charge, elle l’accompagne deux fois par semaine au restaurant, le samedi et le jeudi après l’école, elle est encore très petite, je crois qu’elle a onze ans, je lui ai demandé un jour, elle a répondu en me montrant ses doigts : « J’ai onze ans. » Au début elle avait peur de moi, elle allait se cacher derrière sa mère, mais j’ai été gentil avec elle, je lui ai donné des bonbons, et des biscuits que je prends dans le conteneur, des biscuits au Chamallow et au chocolat qui s’appellent « Amour », ce sont les meilleurs, et maintenant elle vient me voir. Je lui montre le petit chat qui se cache derrière les boîtes de biscuits, et le petit chat n’a plus peur d’elle, quand elle arrive il vient se frotter à ses jambes. Elaine dit : « Il est mignon ton chat, comment il s’appelle ? » Comme il n’a pas de nom, je lui dis : « Ben, il s’appelle Sans-nom. » Et c’est comme ça qu’il s’appelle maintenant. J’aime bien quand elle vient avec son uniforme de l’école, une petite jupe verte à carreaux et une blouse blanche, elle est toute propre et jolie, on dirait une poupée. Elle s’assoit sur le matelas pour caresser le petit chat, et moi je reste assis à côté d’elle et je la regarde, un jour elle m’a dit : « Qu’est-ce que tu as à me regarder ? » Je lui ai dit : « Je te regarde parce que tu es jolie. » Elle m’a dit : « Un garçon ne doit pas regarder les filles comme ça, ce n’est pas bien. » Et comme je ne savais pas quoi dire je lui ai dit : « Ce n’est pas toi, c’est ta jupe que je regarde, elle est jolie ta jupe. » J’ai touché le bord de sa jupe, et j’ai touché aussi la peau de ses jambes, très douce. Et j’ai senti mon cœur qui battait plus vite, pas comme avec les femmes du bordel, mais autrement, comme lorsque je sens le parfum dans les cheveux de ma jolie cousine. Et Elaine continuait à caresser le chat sur ses genoux, et moi je n’osais plus bouger, je regardais ses jambes nues, le bord de la jupe était relevé et j’écoutais mon cœur battre. Ensuite elle s’est levée, elle a jeté le chat par terre, et elle est partie en lissant sa jupe, elle était en colère. J’ai dit : « Tu ne le diras pas ? Sinon je ne pourrais plus te voir. » Elle m’a regardé, ses yeux étaient très noirs, très grands, elle avait un air fâché, mais elle a dit : « Non, je ne le dirai à personne. » Et là j’ai été content parce que j’ai pensé qu’elle m’aime bien quand même, même si je touche sa jupe. Le type, il se moque de moi, il dit que je suis puceau, que je ne connais pas les femmes, mais ça n’est pas vrai, je connais des femmes, quand je travaillais au chantier de l’autoroute, un jour les ouvriers m’ont dit : « Allez viens, on va t’apprendre la vie ! » Moi je ne savais pas ce qu’ils voulaient dire, mais je suis allé avec eux en ville, là où il y a tous les bars et les Karaokés. C’était un endroit très beau avec beaucoup de lumières et de musique, et moi j’aime bien chanter, j’ai une belle voix et je sais bien danser aussi, et les ouvriers étaient autour de moi, ils applaudissaient et ils disaient : « Vas-y, Yo ! Danse, danse ! » et moi je continuais, et une femme s’est approchée de moi et elle s’est serrée contre moi, elle était habillée avec une belle robe noire moulante, mais elle n’était pas aussi belle que ma cousine Parfum, elle criait et elle chantait très fort, et moi comme j’avais bu beaucoup de bières et du schnaps, je criais et je chantais plus fort qu’elle, cette chanson que j’aime bien, surtout le refrain qui dit : Ave Maria, ave Maria ! Et c’était cette chanson que je chantais. Et les ouvriers ont dit à la femme : « Vas-y, emmène-le, c’est ton mari ! » Et moi je lui disais : « Ce n’est pas vrai, je ne suis pas ton mari ! » Mais elle m’a emmené quand même dans une pièce à l’étage du Karaoké, où c’est plein de coussins rouges par terre, et la femme a commencé à m’enlever mon pantalon, et ensuite elle s’est déshabillée aussi, mais seulement le bas, et elle s’est collée contre moi et c’est comme ça que je l’ai fait avec elle, c’était la première fois, mais je savais déjà comment ça se passe parce que, au restaurant j’avais regardé des films porno à la télé, et j’avais déjà vu un homme coucher avec une femme, et même une fois plusieurs hommes avec plusieurs femmes. Et après, j’ai remis mon pantalon et j’ai dit à la femme : « Merci, Madame. » Mais elle n’avait pas l’air content, elle s’est mise à chialer : « Quoi ? C’est tout ce que j’ai moi, merci, Madame ? » Et elle commençait à m’insulter, et moi je sentais que j’allais crier et me mettre en colère et lui donner des coups, mais les ouvriers sont arrivés, ils lui ont donné de l’argent, des billets, mais je ne pourrais pas dire combien car je n’ai pas pu les compter, et là on est partis ensemble, et cette nuit-là j’ai dormi dans la cabane du chantier parce que j’étais trop ivre pour rentrer et Maman n’aime pas que j’aille boire avec les ouvriers, elle a peur que je me batte et qu’ensuite on m’emmène à la police comme quand on est arrivés ici dans la vallée. Ensuite je suis retourné souvent voir les femmes au bordel. Plusieurs fois j’ai couché avec celle que j’avais rencontrée la première fois, elle s’appelle Jenny, mais il y a aussi Mira, et Ava, et une plus jeune qui s’appelle Louisa, mais elle, ce n’est pas une pute, elle est grande et très belle, elle est africaine je crois, elle est seulement là pour danser au Karaoké, pour danser et boire avec les hommes, et je lui ai parlé plusieurs fois, je lui ai offert une cigarette et je me suis assis à côté d’elle et elle ne m’a pas chassé, au contraire elle me parlait doucement et je ne comprenais pas bien ce qu’elle disait parce qu’elle parle étranger et parce que je regardais ses yeux et sa bouche, et aussi son corps et ses jambes très longues. Elle habite à côté du Karaoké, elle vit avec le propriétaire du bar, comme si c’était sa femme mais je crois qu’elle n’est pas sa femme. Elle m’a demandé ce que je faisais dans la vie, mais je n’ai pas parlé du restaurant et des poulets, j’avais peur que ça la fasse rire, alors j’ai dit que j’étais masseur et ça a eu l’air de lui plaire, elle m’a dit : « Un jour je te paierai pour que tu me fasses un vrai bon massage. » Et moi je lui ai répondu que si ça lui faisait plaisir, je le ferais sans la faire payer, parce que je massais Maman et mes tantes sans les faire payer, et ça aussi ça a eu l’air de lui plaire, elle m’a fait un sourire. En été il y a beaucoup de travail au restaurant, et je ne peux pas beaucoup sortir, mais en hiver je retournerai au Karaoké pour voir Louisa et pour lui faire le massage que j’ai promis. Mais je ne veux plus voir trop les putes parce que quand je les vois je dois boire beaucoup de bières et après cela je me mets en colère et j’ai peur qu’on me mette en prison, Maman m’a dit qu’en prison on battait les gens, tous les jours les policiers viennent dans la cellule, ils choisissent quelqu’un et ils le tapent à coups de poing et à coups de pied, et aussi à coups de bâton. Maintenant que l’été est venu, quand j’ai un moment, j’emmène Elaine à la rivière. Nous nous déchaussons et nous marchons sur les galets pour voir les poissons qui nagent, quelquefois ils viennent mordiller les pieds par-derrière et Elaine se met à rire et elle dit : « Ça chatouille ! » Elaine aime bien les chatouilles je crois, alors nous nous asseyons sur le sable, dans un coin de la rivière, où il n’y a personne, et je lui fais des chatouilles, pour l’entendre rire. Elle est en short et en T-shirt, et je la chatouille partout, dans le cou, sous les bras, sous les pieds, et elle rit et elle dit : « Arrête, Yo ! Arrête ! » Mais moi je continue jusqu’à ce qu’elle ait le hoquet. Elaine, c’est mon amie. Et j’aime bien la chatouiller parce que je touche sa peau très douce, sur les bras, sur le cou, et aussi quand son T-shirt s’écarte je vois ses seins, pas comme les seins des femmes mais très petits et très doux, et elle me dit : « Arrête de me regarder, t’as pas le droit, je vais le dire ! » Alors j’arrête de la chatouiller et je lui demande pardon, je lui dis : « Ne le dis pas à Maman, ni à M me Helie. » Si elle leur dit, je ne pourrai plus aller me promener avec Elaine. Elaine promet qu’elle ne le dira pas, elle dit aussi : « Tu ne dois pas dire M me Helie, c’est ma maman. » Après nous revenons, je tiens Elaine par la main, et nous marchons encore dans la rivière froide, jusqu’au restaurant, et c’est l’heure de partir pour elle, elle s’en va avec M me Helie, et moi je vais dans le conteneur avec Sans-nom. J’aime bien l’été, il fait chaud, le ciel est toujours bleu avec de petits nuages blancs qui courent au-dessus de la vallée. Il y a beaucoup de travail au restaurant, quand j’ai fini de tuer les poulets, M me Helie arrive avec Elaine, et comme je n’ai plus rien à faire, je vais avec Elaine à la rivière et nous allons très loin, jusque-là où il n’y a personne parce que c’est loin de la route. Nous marchons aussi dans la forêt, et sous les arbres il fait sombre et Elaine a un peu peur alors elle me serre la main très fort. Elle dit : « Est-ce qu’il y a des bêtes sauvages ? » Je lui dis : « Des serpents ? » Elle dit : « Oui, des serpents, ou des lynx, ou des renards. » Je lui dis : « C’est sûr qu’il y en a mais avec moi tu n’as pas peur. » Elle dit : « Tu me protégeras bien ? » Je lui dis : « Je suis comme ton frère. » Elle dit : « Comme mon papa. » Elle dit : « Je n’ai pas de papa, il est parti, c’est pour ça que maman doit travailler. » Je lui dis : « Moi, je n’ai pas de papa non plus. L’homme qui est avec Maman, c’est un type qui vit là c’est tout. » On s’assoit sur des pierres dans la forêt, et on ne dit plus rien, parce que c’est silencieux et très beau dans la forêt, il ne faut pas trop parler. Quelquefois, elle se repose, elle se couche par terre et elle s’endort sur mes genoux, et moi je caresse ses cheveux, elle a des cheveux très fins, d’une jolie couleur brune avec des reflets rouges, dans ses yeux aussi je vois la couleur du feu. Mais je touche ses cheveux du bout des doigts, pour ne pas la réveiller, parce que je sais qu’elle n’aime pas que je la touche. Et je sens son odeur pendant qu’elle dort, c’est une odeur de feuilles et de fleurs, c’est très doux et ça me fait frissonner. J’approche mon nez de son cou et je respire doucement pour ne pas la réveiller. C’est l’été, je crois que je n’ai jamais eu un été aussi heureux que cet été. J’oublie tout dans la forêt, j’oublie le type de ma mère et son regard qui fait mal, j’oublie les cris des ouvriers du chantier, et les putes dans le bordel, et l’alcool qui me fait trembler de colère, quand j’ai envie de frapper, et même j’oublie les ombres qui se lèvent derrière les hommes et les femmes au restaurant, quand ils ont fini de manger. Quand je suis devant la rivière, en bas, en face du restaurant, Elaine part devant et elle court à travers la route, et j’ai peur qu’un camion du chantier la renverse. Je voudrais que l’été ne finisse pas, que je puisse aller tous les jours, tous les jours, dans l’après-midi avec Elaine le long de la rivière, à chercher les écrevisses entre les pierres, ou bien marcher dans la grande forêt et dans la montagne, si loin qu’on n’entend plus rien, ni la route, ni le moteur de la concasseuse qui fabrique le gravier, ni les klaxons des voitures. Et un matin, je me suis réveillé à l’aube, mon cœur battait très vite, je suis sorti du conteneur et j’ai crié à Maman : « La rivière déborde ! La rivière déborde ! » Le type est sorti de la maison, il a regardé, il a dit : « Ton fils est devenu fou ! Il dit que la rivière déborde ! » Et moi je continuais à crier, je suis allé au bout du terrain, là où on aperçoit la rivière de l’autre côté de la route et j’ai continué à crier : « La rivière déborde ! » Mais Maman est venue, elle m’a serré dans ses bras, elle m’a dit : « Calme-toi, Yo, ce n’est rien, la rivière est dans son lit. » Quand j’ai vu que personne ne me croyait, j’ai pleuré de honte, et aussi parce que je savais ce que j’avais vu dans mon sommeil, l’eau qui avançait sur la terre et j’avais peur que l’eau emporte la route et qu’Elaine se noie. Et l’homme riait de moi, il se moquait : « Ton fils dit n’importe quoi ! » Mais ce n’était pas vrai, je l’avais vu dans la nuit. Et vers trois heures de l’après-midi, la rivière est sortie de son lit et il paraît qu’elle a noyé le chantier et qu’elle a emporté des affaires et des papiers. Et la femme de charge n’a pas pu venir ce jour-là, ni Elaine non plus, parce que la rivière avait coupé la route, et l’eau est restée débordée pendant deux jours, et nous devions marcher pieds nus pour traverser le courant et aller jusqu’à la ville. Maman ne voulait pas qu’on parle de ça, mais l’homme en a parlé à la ville, et après les gens venaient et demandaient à Maman : « C’est vrai que ton fils a vu la rivière dans son rêve, et qu’ensuite elle a débordé ? » Maman disait que c’était juste un rêve, mais les gens ont pensé que je pouvais voir l’avenir, et après cela ils sont venus au restaurant et ils me posaient des questions, mais moi je ne pouvais pas répondre, même quand je voyais l’ombre au-dessus d’eux, parce que Maman n’aimait pas cela, elle disait que les gens allaient penser que c’était le diable qui m’avait envoyé ce rêve. Mais à Elaine j’ai tout raconté, et elle écoutait sans m’interrompre, parce qu’elle me croyait. Elle a même dit : « Tu sais plus de choses que les grands. » Elle voulait dire que j’étais comme elle, que je n’étais pas vraiment grand, et ça m’a fait plaisir, parce que j’étais vraiment son ami et son grand frère. L’été est passé vite, à travailler le matin et l’après-midi à aller dans la rivière avec Elaine, et moi j’aurais voulu que ça ne finisse jamais. Un jour, un peu avant la rentrée des classes, Elaine me dit : « Maintenant j’ai douze ans. » Je lui ai dit : « Eh ben moi, j’ai quinze ans. » Elaine a rigolé, elle a dit : « Tu ne sais pas quel âge tu as, tu n’as pas quinze ans, tu es vieux, tu as au moins trente ans. » J’ai dit : « Non non, j’ai quinze ans, je te jure. » Je pensais qu’elle voulait un cadeau, et je n’avais rien à lui donner alors je lui ai dit : « Ben, tu peux prendre Sans-nom, c’est mon cadeau d’anniversaire. » Elle m’a embrassé, c’était la première fois, j’ai senti sur la joue ses lèvres qui passaient tout doucement, ça m’a fait un effet bizarre, comme si je tombais. Elle a dit : « Non, je ne veux pas de ton chat, il est à toi, et puis il chasse les souris, n’est-ce pas ? » Elle m’a pris la main et elle m’a regardé dans les yeux, elle a dit : « Je vais venir moins souvent, mais tu penseras à moi, n’est-ce pas ? » Puis ma cousine Parfum est venue nous rendre visite, elle était toujours très belle, elle avait une belle robe blanche et ses cheveux noirs bien peignés, et ses jolies jambes, et quand je l’ai serrée dans mes bras, elle m’a dit : « Je ne veux pas que tu embêtes Elaine. » Je lui ai dit : « Mais ce n’est pas vrai, je n’embête pas Elaine. » Mais elle n’avait pas l’air de rire, elle a dit encore : « Je ne veux pas, tu entends ? Tu ne dois plus l’embêter, elle est petite, tu comprends ? » Je voulais aller chercher Elaine pour qu’elle dise que non, je ne l’embêtais pas, on se chatouillait, c’est tout. Mais elle n’a pas voulu venir, elle est restée avec Maman et avec M me Helie. Et quand elle est partie à la fin de la journée, j’ai vu l’ombre au-dessus d’elle, c’était la première fois, et j’ai tremblé et j’ai eu très peur, l’ombre était beaucoup plus grande qu’elle, un très grand homme noir qui était penché sur elle, j’ai crié et j’ai couru vers elle, sa maman était là et elle a retenu Elaine contre elle et moi j’ai essayé d’approcher pour donner des coups de poing à l’ombre, mais la femme de ménage a levé la main sur moi et elle a crié : « N’approche pas, ne t’approche plus jamais de ma fille, va-t’en chez toi, tu n’es qu’un pauvre fou, un idiot, ne t’approche plus jamais d’elle, tu entends ? » Et moi je suis resté immobile, au bord de la route, et j’ai regardé Elaine qui s’en allait avec sa maman, et l’ombre noire au-dessus d’elle, j’ai crié et je suis allé au bord de la rivière pour crier sans que personne ne m’entende, parce que je ne veux pas que les gens qui vont au restaurant croient que je suis un fou et un idiot. Alors les jours d’après je suis allé tout seul dans la rivière et dans la montagne, dans les cachettes où nous allions Elaine et moi, je regardais l’herbe où elle s’était assise, je regardais les rochers, la forêt, tout, et je sentais un vide, je criais, j’écoutais les échos dans la montagne, je criais encore. Après Elaine est venue de temps en temps mais elle a changé beaucoup. Un jour elle est arrivée avec son père en voiture, il l’a déposée devant le restaurant et j’ai vu qu’elle avait mis une vraie robe, avec une ceinture, et des chaussures à talons, et qu’elle avait mis du rouge à lèvres, elle avait l’air d’une femme. Elle m’a dit bonjour, mais quand j’ai voulu l’embrasser elle s’est reculée un peu, et elle n’avait plus l’air d’être la même. J’ai même vu que ses seins avaient poussé, elle avait vraiment l’air d’une femme maintenant, comme Parfum mais moins jolie. Je n’ai plus osé lui demander de venir à la rivière, je crois que ça ne l’intéressait plus, elle s’est assise sur les coussins dans la salle du restaurant avec ma cousine Parfum et elles ont regardé la télé. Alors j’ai compris que c’était fini avec elle, mais elle avait changé alors ça ne m’a pas vraiment rendu triste. Quand je veux leur parler, elles se serrent l’une contre l’autre et Parfum dit : « Yo, c’est une conversation entre filles, pourquoi tu restes là ? » Et moi je fais comme si j’allais les battre mais elles n’ont pas peur de moi, elles m’envoient leurs chaussures, ou bien elles crient : « Va-t’en ! » Comme si j’étais le petit chien de Maman. Alors, à ce moment-là, il n’y avait pas beaucoup de travail au restaurant, je n’avais plus de poulets à conduire à l’aspirateur, et de toute façon c’était l’homme qui s’en chargeait. Je suis retourné travailler au chantier de l’autoroute, pour gagner de l’argent et pouvoir acheter des cigarettes et de la bière et aller au bordel. Je travaille tout l’après-midi, et quelquefois je reste à dormir dans le dortoir, parce que je n’ai rien à faire au restaurant et que je déteste l’homme qui vit là-bas. Pour dormir, c’est dans une grande baraque en tôle avec des lits superposés, moi je peux avoir le lit du dessus, j’aime bien car c’est comme dans un bateau, ce qu’on voit dans les films. Le samedi soir je vais avec les ouvriers jusqu’à la ville, et je peux boire et chanter au Karaoké, et danser avec les femmes. Je vais voir Louisa, les autres se moquent de moi, ils me crient : « Va voir Louisa, c’est ta femme ! » Et ils rient et ils disent des blagues grossières. Moi j’aime bien Louisa, elle est gentille avec moi, elle me caresse les cheveux et je bois des bières avec elle. De temps en temps elle me laisse lui faire des petits massages sur le cou, sur les épaules, j’aime bien sentir sa peau et ses muscles, et elle se laisse faire en faisant : « Hum-hum ! » Elle parle bizarrement, dans sa langue étrangère, parce qu’elle est africaine, de Tunis, c’est ce qu’elle m’a dit, elle m’a raconté comment c’est dans son pays, où le ciel est bleu et où il y a beaucoup de palmiers au bord de la mer. Je vais avec elle dans la chambre aux coussins rouges, à l’étage, où je suis allé déjà avec Jenny et les putes, mais ce n’est pas pour enlever mon pantalon et tout, c’est juste pour parler et fumer et boire de la bière. Je viens au Karaoké chaque samedi, et aussi chaque dimanche, et Maman me demande si je ne bois pas, mais je lui mens et je lui dis que non, juste des cafés en écoutant la musique. C’est l’hiver qui commence, il fait froid, il y a déjà de la neige en haut de la montagne. Je travaille beaucoup au chantier, et le patron est content de moi, il m’a dit qu’il m’engagera pour un chantier au sud. J’aime bien aller au sud, il paraît qu’il fait doux et qu’on voit des palmiers au bord de la mer comme dans le pays de Louisa. Je pense que si je gagne assez d’argent je pourrai donner un beau collier à Elaine, et elle m’aimera de nouveau. Et puis un jour voici comment c’est arrivé : je suis allé au Karaoké le samedi soir, et j’avais bu beaucoup de bière et du schnaps, je me suis disputé avec les ouvriers, parce qu’ils disaient que Louisa n’était pas une femme. Ils disaient qu’elle était un homme et ça les faisait crier de rire. Et Louisa les insultait, et puis elle est montée à l’étage et moi j’ai voulu courir après elle, parce que je voulais savoir la vérité. Je l’ai attrapée par les jambes et elle est tombée en arrière dans l’escalier et elle est morte. Moi j’ai voulu lui rendre la vie, j’ai appuyé ma bouche sur la sienne et j’ai soufflé de l’air, mais son cou était cassé, et sa tête retombait, et elle ne voulait plus respirer. Et les ouvriers gueulaient, ils disaient qu’ils avaient tout vu, que c’était moi qui avais battu Louisa jusqu’à ce qu’elle tombe et se casse le cou, mais ce n’était pas vrai, c’était un accident, je ne voulais pas qu’elle meure, je l’aimais bien. Alors les policiers sont arrivés, ils m’ont tiré en arrière parce que je restais couché sur Louisa, il y en a un qui m’a battu avec son bâton. Je suis allé en prison, et en passant devant un miroir j’ai vu que j’avais une ombre au-dessus de moi, j’ai compris que c’était trop tard. L’ombre m’avait fait tuer Louisa et m’envoyait en prison. On m’a enlevé mes habits, on m’a donné un habit jaune, on m’a coupé les cheveux très court. J’ai demandé : « S’il vous plaît, ne me battez pas ! » Mais les policiers n’ont pas écouté, ils se sont moqués de moi, ils ont pensé que j’étais un pauvre fou et un idiot. C’était parce que Maman m’avait dit qu’en prison ils battaient les gens tous les jours, ils en prenaient un au hasard, et ils tapaient sur lui à coups de poing et à coups de pied.

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