Jean-Marie Le Clézio - Ritournelle de la faim

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Ritournelle de la faim: краткое содержание, описание и аннотация

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« Ma mère, quand elle m’a raconté la première du
, a dit son émotion, les cris, les bravos et les sifflets, le tumulte. Dans la même salle, quelque part, se trouvait un jeune homme qu’elle n’a jamais rencontré, Claude Lévi-Strauss. Comme lui, longtemps après, ma mère m’a confié que cette musique avait changé sa vie.
Maintenant, je comprends pourquoi. Je sais ce que signifiait pour sa génération cette phrase répétée, serinée, imposée par le rythme et le crescendo. Le
n’est pas une pièce musicale comme les autres. Il est une prophétie. Il raconte l’histoire d’une colère, d’une faim. Quand il s’achève dans la violence, le silence qui s’ensuit est terrible pour les survivants étourdis.
J’ai écrit cette histoire en mémoire d’une jeune fille qui fut malgré elle une héroïne à vingt ans. »

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Pendant des semaines, après ce jour-là, pendant des mois, Éthel a porté ce trou au fond d’elle-même. C’était une douleur, un vide. Parfois, elle en perdait l’équilibre. Le sol montait vers elle, dans la rue, ou bien à la récréation entre deux cours, elle cherchait un mur contre lequel s’appuyer, un arbre, un pilier, n’importe quoi. Un matin, à l’heure de se lever pour aller en classe, le plancher de sa chambre basculait vers la gauche, comme le pont d’un bateau sur le point de chavirer. Sa mère est venue à la rescousse, puis son père. Ils ont téléphoné au médecin, le docteur Guzman. « Ce n’est rien, mademoiselle. Ça s’appelle un vertige. C’est un petit raté mécanique de votre oreille interne. Rien de grave à votre âge. Vous avez simplement besoin de repos. » Il a prescrit des gouttes de laudanum, et la bonne Ida a fait des tisanes de thé-gingembre, pour remonter la tension artérielle. Puis tout est rentré dans l’ordre, mais le trou était toujours là. Plusieurs nuits, Éthel a rêvé qu’elle se tenait devant la tombe de son grand-oncle. Elle était debout au bord de la fosse et, dans le fond boueux, elle voyait apparaître la forme de son corps, très grand, son visage très pâle, mais sa barbe et ses cheveux longs et noirs, comme quand il avait quarante ans.

Ensuite, peu à peu, l’équilibre est revenu. C’était la fin de l’hiver, les travaux de construction de l’immeuble avaient sérieusement commencé. Avec la même détermination qu’elle aurait mise à empêcher le projet, Éthel a voulu tout savoir, tout connaître. Elle est allée seule dans le cabinet de l’architecte Painvain, boulevard du Montparnasse, pour se faire montrer les plans. Sur la grande feuille de calque elle a examiné le dessin d’un immeuble de six étages, d’une grande banalité. « Voyez, mademoiselle. » L’architecte a montré des ornements sous les appuis des balcons et de chaque côté de la porte d’entrée. Il semblait se rengorger, tel un gros pigeon en train de gonfler les plumes de son cou. « Votre père a pensé que vous aimeriez une façade un peu plus, euh, fantaisiste, quelque chose de plus jeune. » Sur un tiré à part du plan, Painvain avait dessiné des sortes de macarons et, au-dessus du linteau de la porte, des plantes qui ressemblaient à des acanthes, enlaçant un visage de femme au profil gréco-romain — le profil de Justine, évidemment. C’était grotesque. Avec une méchanceté froide, Éthel a dit : « Parce que vous trouvez, vous, cela fantaisiste ? Vous trouvez que cela fait plus jeune ? » L’homme la regardait d’un air consterné. « Mais c’est votre père… » Éthel l’a coupé : « Ce n’est pas mon père qui a dessiné ces horreurs. Il n’est pas question d’ornements. Nous voulons une façade complètement nue. Sachez-le. » Elle est partie brusquement, pour cacher la colère qui l’envahissait. L’idée qu’on puisse essayer d’apporter du joli à cette chose qui allait grandir sur le jardin de la rue de l’Armorique lui semblait insupportable, lui donnait la nausée.

Elle est allée presque tous les jours, soit au cabinet de l’architecte, soit chez l’entrepreneur Charpentiers-Réunis, ou chez Pica & Hetter qui avait le marché du gros œuvre. Elle discutait les devis, corrigeait les erreurs, les exagérations. Elle a refusé la mosaïque du hall d’entrée, le fer forgé de la cage d’ascenseur, les vitraux de l’escalier, la boule de rampe en cristal, les fenêtres à arc surbaissé, les faux marbres en stuc, les planchers point de Hongrie, les portes intérieures ouvragées, les cheminées à cariatides, les poignées en cuivre, les arrondis, les fenêtres des salons en bow-window, les plafonds à caissons, les radiateurs à chauffe-plat, les escaliers de service, les boutons en ivoire, les boîtes aux lettres en bois précieux, le tapis rouge dans l’escalier, et même le nom que l’architecte avait trouvé pour l’ensemble, un nom précieux et prétentieux comme lui, La Thébaïde, auquel Éthel avait répondu par un sarcasme : « Pourquoi pas l’Atlantide pendant que vous y êtes ? » En revanche elle avait obtenu que fût agrandie la loge de la future concierge, et qu’on y fît mettre un calorifère.

Ensuite, elle s’est attaquée aux comptes. Elle a revu tous les devis, refusé les murs en brique pleine de 30, pour des meulières, refusé les cloisons de 8 pour du 15, refusé l’enduit de façade moucheté pour du lisse, et surtout discuté pied à pied avec les Charpentiers-Réunis, Pica & Hetter pour faire baisser les frais du gros œuvre : le terrassement et l’installation de la fosse, et le raccordement d’eau à tous les étages. À force de discussions, elle est parvenue à ramener le prix de la construction, hors finitions, à 857,14 francs le mètre carré, ce qui faisait pour les six niveaux 1 542 850 francs. Pour l’ascenseur et les finitions, il fallait ajouter 70 000 francs environ. Une fois le prix arrêté, elle a accompagné son père à la banque, en vue d’obtenir un prêt sur quinze ans, avec un comptant de 200 000 francs, ce qui mettait les annuités à 99 000 francs pour les cinq premières années, à 96 000 à partir de la sixième année, et à 88 570 à partir de la onzième.

Elle faisait tout cela avec une fièvre, une sorte d’impatience, comme si elle avait hâte que le vieux jardin de Monsieur Soliman fût effacé par cette construction hideuse et coûteuse qui devait, à ce que disait son père, lui assurer une rente jusqu’à la fin de ses jours et même au-delà.

Mais elle voyait bien que les choses ne se passaient pas comme il avait prévu, au fur et à mesure des mois les difficultés se multipliaient, on avait jeté un mauvais sort à ce projet. Les fondations n’en finissaient pas. À chaque instant, les rapports arrivaient, sur le sous-sol instable, les galeries dans la pierre calcaire, la remontée des eaux, sans parler des menaces du sieur Conard dont la maison jouxtait le terrain, et qui se plaignait de fissurations, d’ondes de choc, d’odeurs pestilentielles, comme s’il y avait des tirs de mine ou des perforations de poches de grisou. Par son fait, le permis avait été suspendu plusieurs fois, avait failli être annulé. L’entremise de l’architecte Painvain avait arrangé provisoirement les choses, mais il avait fallu verser des pourboires et des pots-de-vin, et modifier les fondations. Au lieu de simples semelles, il fallait creuser des puits dans la roche calcaire pour y couler des piliers de béton, et semaine après semaine la profondeur augmentait, six mètres, puis douze, puis dix-huit. On traversait des grottes souterraines, peut-être d’anciens cimetières. Éthel rêvait à ces espaces en profondeur, l’image de son grand-oncle revenait, comme s’il habitait toujours dans ce monde du dessous, s’opposait à la construction de l’immeuble, à la dépossession de sa petite-nièce, à l’évacuation de son rêve indien. Au début des travaux, quand Éthel était allée pour la première fois sur le chantier, elle avait demandé au contremaître des Charpentiers-Réunis : « Qu’est devenu le matériel qui se trouvait au fond du terrain ? » L’homme avait cherché à comprendre, puis : « Ah oui, vous voulez parler du tas de vieilles planches pourries ? On l’a évacué à la décharge, il n’y avait rien à récupérer là-dedans. » Comme Éthel protestait, voulait en savoir davantage, il a haussé les épaules : « Je vous assure, mademoiselle, qu’on ne pouvait rien utiliser, tout était pourri sous la bâche, pourri et rouillé, même les pierres étaient en mauvais état. » Éthel avait protesté pour la forme. Au fond d’elle-même, elle était rassurée à l’idée qu’il ne resterait rien de la Maison mauve, absolument rien, pas même un colifichet pour orner la façade d’un pavillon de banlieue.

Les déjeuners de la rue du Cotentin se prolongeaient mais on sentait que l’ambiance n’était plus tout à fait la même. Malgré la discrétion des convives, la rumeur de la catastrophe en cours s’était répandue. Sans doute les fuites venaient-elles de la famille, des tantes, des neveux, qui avaient vécu dans l’illusion de la prospérité de la maison Brun, et qui commençaient à percevoir des signes inquiétants, des craquements, des fissures. Là où naguère la tante Pauline, la tante Milou, la tante Willelmine, ou même le parasite Talon, lorsqu’ils avaient besoin d’être « dépannés », cent ou mille francs, s’adressaient à Justine qui intercédait auprès de son mari, à présent ils devaient demander directement à Alexandre, insister, argumenter, pour en fin de compte essuyer un refus : « Ce n’est vraiment pas le moment, désolé mais la situation est compliquée, on verra ça le mois prochain. » On faisait des économies sur tout. Sur les repas, le vin, les sorties, et même les cigarettes. Alors, aux déjeuners, c’était plutôt du cari sec et des lentilles, avec très peu de viande, très peu d’alcools.

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