La majorité des documents produits ou reçus existent sous forme électronique et sont déposés sur un serveur commun, interne au SEn, assurant l’accès à chaque document par n’importe quel employé (l’accès aux dossiers de la direction étant toutefois protégé). Il s’agit d’un groupware permettant la coopération de plusieurs utilisateurs sur un même dossier. Il n’y a par contre aucun élément permettant d’identifier où en est le document par rapport à son cycle de vie. L’utilisation de ce serveur est chaotique. Des documents Word sont classés au même niveau que des dossiers. Si une numérotation avait été introduite, sur la base de l’organigramme du SEn, assez rapidement elle n’a plus été suffisante: les collaborateurs ont commencé à créer de nouveaux dossiers sans les numéroter, mettant un terme brutal à la tentative de cotation initiée quelques années plus tôt. Les documents à simple valeur informative (documentation) y côtoient les exemplaires de travail, les versions inachevées ou définitives, les records. Le défaut d’un système de Records Management, en fonction d’un cycle de vie contrôlé des documents, a conduit à une perte de maîtrise de l’information.
En outre, tant la gestion des documents et des records que l’archivage se font de façon individualisée. Il y a presque autant de pratiques que d’employés. Lorsqu’un collaborateur prend sa retraite, la mémoire et la logique organisationnelle qui lui étaient propres disparaissent. Cette individualisation des pratiques a des conséquences négatives, la recherche d’un document pouvant devenir chronophage. Le directeur du service estime que 20–25 % du temps de ses collaborateurs part dans la recherche de document(s). 17En l’absence de politique de Records Management, c’est en fait du stockage qui a été fait et non de la gestion, ni des documents, ni des records, ni des archives.
Enfin, en vertu d’un déménagement annoncé, et faute d’une préparation adéquate, le risque de devoir opérer dans l’urgence est grand. Or le Règlement concernant les Archives de l’Etat est clair: aucune mise au pilon n’est autorisée sans l’aval de l’autorité supérieure, le cas échéant des AEF. 18La mise sur pied d’un système de Records Management ou, au minimum, d’un plan de classement, est devenue nécessaire pour éviter une élimination irréfléchie et spontanée des documents, sans parler du risque lié à la perte ou la dégradation des documents vitaux, qui n’ont pas été identifiés et sans lesquels les activités du SEn pourraient être compromises.
La conception d’un système de gestion de l’information pertinente
Si l’on suit la norme ISO 15489, qui fournit un cadre conceptuel, l’étape suivante consiste à réaliser un plan de classement. Ce point est fondamental pour deux raisons principales au moins. Il s’agit du squelette sur lequel va reposer le système de Records Management, mais il s’agit aussi de se mettre en conformité avec la loi en vigueur. En effet, le SEn relève des «organes publics» soumis à la loi précitée sur l’information. Il en ressort que le SEn doit pouvoir garantir la transparence de ses activités (sous réserve de la loi sur la protection des données et de son règlement) 19en donnant accès à ses «documents officiels». 20En outre, est réputé «compétent pour traiter une demande d’accès l’organe public qui a produit le document ou qui l’a reçu à titre principal». 21Déterminer qui détient la responsabilité d’un dossier est donc capital. Or de nombreuses incertitudes régnent à ce niveau: la Federführung n’est pas claire et cela est également valable pour les documents et dossiers partagés par plusieurs services de l’Etat, à l’instar des préavis. Enfin, le Règlement concernant les Archives de l’Etat, entré en vigueur le 1 erjanvier 1993, précise que «les documents de l’administration qui ne présentent plus d’utilité immédiate doivent être constitués en dossier de préarchives et conservés», 22et que ces documents doivent être «préarchivés selon un plan de classement établi par chaque organe, service ou établissement», les AEF pouvant en demander copie. 23La tenue d’un plan de classement est donc obligatoire … depuis 1993!
Le plan de classement étant fondé sur les grandes fonctions d’un organisme, leur repérage a été réalisé grâce à une enquête par formulaire, chaque section ayant été invitée à réfléchir à l’ensemble des activités qu’elle effectue, à leur attribuer un nom et à les décrire, en listant les différents types de documents utiles et nécessaires à leur bon déroulement, quel qu’en soit leur support. 24Au niveau le plus «profond» de description (à raison d’un formulaire par description), il s’agissait encore d’indiquer si la responsabilité de l’activité décrite (ou sous-activité, soussous-activité) incombait au service ou non. Le but était ainsi de constituer les dossiers maîtres documentant un processus complet d’affaires. C’est à partir de ce stade que pouvaient ensuite être formées les séries de records, 25auxquelles il a été décidé de ne pas attribuer de cote, leur classement se faisant par ordre alphabétique (noms d’entreprises, de chantiers, de personnes), par répartition géographique (districts), ou par ordre chronologique (par exemple selon la date à laquelle certaines mesures techniques ont été faites).
L’implication des uns et des autres, par le biais de discussions et réflexions, est devenue une réalité, les employés étant les acteurs de la mise sur pied de «leur» système de gestion. Sur la base de ces données (couplées aux analyses des dossiers et du contexte de l’organisme), la charpente du plan de classement a pu être dressée, sans perdre de vue sa finalité: répondre aux attentes des collaborateurs et leur être adapté. D’ailleurs, le plan de classement reflète aussi les savoirs et savoir-faire et participe ainsi à la «constitution d’un capital intellectuel». 26Jusqu’alors les compétences étaient envisagées de façon unidirectionnelle. Or le Knowledge Management, en tant que management transversal complémentaire au Records Management, 27demande une démarche inverse: il s’agit de communiquer les connaissances et d’aller chercher celles des autres afin de les utiliser à bon escient. Grâce au plan de classement, un nouveau collaborateur aura rapidement un aperçu global de l’organisation du service et saura se situer en son sein, ce qui facilitera son intégration.
Quelques mots enfin sur l’évolution des documents au travers de leur cycle de vie et la procédure à suivre pour la constitution des dossiers. Les documents sous forme électronique déposés sur le serveur ont dû (et devront, car il s’agit d’un processus de longue haleine) faire l’objet d’une réévaluation, afin de déterminer s’ils étaient des records et documentaient un processus (dans le but d’intégrer un dossier maître). Certains collaborateurs ont toutefois souhaité pouvoir coter et avoir accès à des «non-records», proches de leurs dossiers. La solution proposée a été celle de regrouper tous les documents actifs, utiles au déroulement d’affaires en cours, au même endroit, de même que certaines pièces relevant de la documentation (directives techniques, documents de travail, modèles, lois et règlementations). Une fois un dossier achevé, les documents qui le constituent peuvent être envoyés vers un autre serveur, un miroir du premier (reprenant le plan de classement), où devraient être déposés, à terme, tous les documents dont les durées administrative et légale sont révolues. Le serveur informatique est ainsi plus proche d’un outil de Document Management, le miroir étant le vrai support des seuls records, qui doivent y être versés une fois leur utilisation courante terminée. C’est ce dernier qui, le cas échéant, pourrait faire l’objet d’un versement sous forme électronique aux AEF.
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