Fedor Dostoievski - Les Frères Karamazov (Édition Intégrale)

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Les Frères Karamazov (Édition Intégrale): краткое содержание, описание и аннотация

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L'intrigue principale tourne autour des trois fils de Fiodor Pavlovitch Karamazov, un homme impudique, vulgaire et sans principes, et du parricide commis par l'un d'entre eux. En réalité, les enfants sont au nombre de quatre puisque le père donne naissance à un bâtard qu'il nommera Smerdiakov. Chacun des trois fils représente un idéal-type de la société russe de la fin du XIXe siècle : Aliocha, le benjamin, est un homme de foi ; Ivan, le deuxième fils, est un intellectuel matérialiste qui cherche à savoir si tout est permis, dans la mesure où Dieu n'existe pas ; Dmitri, leur très exalté demi-frère aîné, est un homme impétueux en qui le vice et la vertu se livrent une grande bataille : ce dernier incarne, selon l'auteur lui-même, " l'homme russe ".

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Lorsque Aliocha, dans le vestibule, se fit annoncer par la femme de chambre qui lui avait ouvert, il lui parut évident qu’on connaissait déjà au salon son arrivée (peut-être l’avait-on aperçu de la fenêtre) ; toujours est-il qu’il entendit du bruit, des pas précipités résonnèrent avec un frou-frou de robes, deux ou trois femmes avaient dû s’échapper. Aliocha trouva étrange que son arrivée produisît une telle agitation. On le fit entrer aussitôt au salon, une grande pièce meublée avec élégance, qui n’avait rien de provincial : des canapés et des chaises longues, des tables et des guéridons, des tableaux aux murs, des vases et des lampes, beaucoup de fleurs, jusqu’à un aquarium près de la fenêtre. Le crépuscule assombrissait la chambre. Aliocha aperçut sur un canapé une mantille de soie abandonnée, et sur la table en face, deux tasses où il restait du chocolat, des biscuits, une coupe de cristal avec des raisins secs, une autre avec des bonbons. En voyant cette collation, Aliocha devina qu’il y avait des invités et fronça les sourcils. Mais aussitôt la portière se souleva, et Catherine Ivanovna entra d’un pas rapide, en lui tendant les deux mains avec un joyeux sourire. En même temps, une servante apporta et posa sur la table deux bougies allumées.

« Dieu soit loué, vous voilà enfin ! Toute la journée j’ai prié Dieu pour que vous veniez ! Asseyez-vous. »

La beauté de Catherine Ivanovna avait déjà frappé Aliocha, trois semaines auparavant, quand Dmitri l’avait conduit chez elle pour le présenter, car elle désirait beaucoup faire sa connaissance. Ils n’avaient guère causé lors de cette entrevue : croyant Aliocha fort gêné, Catherine Ivanovna voulut le mettre à l’aise et conversa tout le temps avec Dmitri. Aliocha avait gardé le silence, mais observé bien des choses. Le maintien noble, l’aisance fière, l’assurance de la hautaine jeune fille le frappèrent. Ses grands yeux noirs brillants lui parurent en parfaite harmonie avec la pâleur mate de son visage ovale. Mais ses yeux, ses lèvres tremblantes, si capables qu’ils fussent d’exciter l’amour de son frère, ne pourraient peut-être pas le retenir longtemps. Il s’en ouvrit presque à Dmitri, lorsque celui-ci, après la visite, insista, le suppliant de ne pas cacher l’impression que lui avait produite sa fiancée.

« Tu seras heureux avec elle, mais peut-être pas d’un bonheur calme.

– Frère, ces femmes demeurent pareilles à elles-mêmes ; elles ne se résignent pas devant la destinée. Ainsi, tu penses que je ne l’aimerai pas toujours ?

– Non, tu l’aimeras toujours, sans doute, mais tu ne seras peut-être pas toujours heureux avec elle... »

Aliocha exprima cette opinion en rougissant, dépité d’avoir, pour céder aux prières de son frère, formulé des idées aussi « sottes », car aussitôt émise, son opinion lui parut à lui-même fort sotte. Et il eut honte de s’être exprimé si catégoriquement sur une femme.

Sa surprise fut d’autant plus grande en sentant, au premier regard jeté maintenant sur Catherine Ivanovna, qu’il s’était peut-être trompé dans son jugement. Cette fois-ci, le visage de la jeune fille rayonnait d’une bonté ingénue, d’une sincérité ardente. De la « fierté », de la « hauteur » qui avaient alors tant frappé Aliocha, il ne restait qu’une noble énergie, une confiance sereine en soi-même. Au premier regard, aux premières paroles, Aliocha comprit que le tragique de sa situation à l’égard de l’homme qu’elle aimait tant ne lui échappait point et que, peut-être, elle savait déjà tout. Néanmoins, son visage radieux exprimait la foi en l’avenir. Aliocha se sentit coupable envers elle, vaincu et captivé tout ensemble. En outre, il remarqua, à ses premières paroles, qu’elle se trouvait dans une violente agitation, peut-être insolite chez elle, et qui confinait même à l’exaltation.

« Je vous attendais, car c’est de vous seul, à présent, que je puis savoir toute la vérité.

– Je suis venu... bredouilla Aliocha, je... il m’a envoyé.

– Ah ! il vous a envoyé ; eh bien, je le pressentais ! Maintenant, je sais tout, tout ! dit Catherine Ivanovna, les yeux étincelants. Attendez, Alexéi Fiodorovitch, je vais vous dire pourquoi je désirais tant vous voir. J’en sais peut-être plus long que vous-même ; ce ne sont pas des nouvelles que je réclame de vous. Je veux connaître votre dernière impression sur Dmitri, je veux que vous me racontiez le plus franchement, le plus grossièrement que vous pourrez (oh ! ne vous gênez pas), ce que vous pensez de lui maintenant et de sa situation après votre entrevue d’aujourd’hui. Cela vaudra peut-être mieux qu’une explication entre nous deux, puisqu’il ne veut plus venir me voir. Avez-vous compris ce que j’attends de vous ? Maintenant, pour quelle raison vous a-t-il envoyé ; parlez franchement, ne mâchez pas les mots !...

– Il m’a chargé de vous... saluer, de vous dire qu’il ne viendrait plus jamais et de vous saluer.

– Saluer ? Il a dit comme ça, c’est ainsi qu’il s’est exprimé ?

– Oui.

– Il s’est peut-être trompé, par hasard, et n’a pas employé le mot qu’il fallait ?

– Non, il a insisté précisément pour que je vous répète ce mot « saluer ». Il me l’a recommandé trois fois. »

Le sang monta au visage de Catherine Ivanovna.

« Aidez-moi, Alexéi Fiodorovitch, j’ai maintenant besoin de vous. Voici ma pensée, dites-moi si j’ai tort ou raison : s’il vous avait chargé de me saluer à la légère, sans insister sur la transmission du mot, sans le souligner, tout serait fini. Mais s’il a appuyé particulièrement sur ce terme, s’il vous a enjoint de me transmettre ce salut, c’est qu’il était surexcité, hors de lui peut-être. La décision qu’il a prise l’aura effrayé lui-même ! Il ne m’a pas quittée avec assurance, il a dégringolé la pente. Le soulignement de ce mot a le sens d’une bravade...

– C’est cela, c’est cela, affirma Aliocha ; j’ai la même impression que vous.

– Dans ce cas, tout n’est pas perdu ! Il n’est que désespéré, je puis encore le sauver. Ne vous a-t-il pas parlé d’argent, de trois mille roubles ?

– Non seulement il m’en a parlé, mais c’est peut-être ce qui l’accablait le plus. Il dit que tout lui est devenu indifférent depuis qu’il a perdu son honneur, répondit Aliocha qui se sentait renaître à l’espérance en entrevoyant la possibilité de sauver son frère. Mais savez-vous... ce qui en est de cet argent ? ajouta-t-il, et il demeura court.

– Je suis fixée depuis longtemps. J’ai télégraphié à Moscou où l’on n’avait rien reçu. Il n’a pas envoyé l’argent, mais je me suis tue. J’ai appris la semaine dernière qu’il était à court... Je n’ai qu’un but, en tout ceci, c’est qu’il sache à qui s’adresser et où trouver l’amitié la plus fidèle. Mais il ne veut pas croire que son plus fidèle ami, c’est moi ; il ne considère que la femme en moi. Je me suis tourmentée toute la semaine : comment faire pour qu’il ne rougisse pas devant moi d’avoir gaspillé ces trois mille roubles ? Qu’il ait honte devant tous, et vis-à-vis de lui-même, mais pas devant moi ! Comment ignore-t-il jusqu’à maintenant tout ce que je puis endurer pour lui ? Comment peut-il me méconnaître, après tout ce qui s’est passé ? Je veux le sauver pour toujours. Qu’il cesse de voir en moi sa fiancée ! Il craint pour son honneur vis-à-vis de moi ? Mais il n’a pas craint de s’ouvrir à vous, Alexéi Fiodorovitch. Pourquoi n’ai-je pas encore mérité sa confiance ? »

Des larmes lui vinrent aux yeux tandis qu’elle prononçait ces derniers mots.

« Je dois vous dire, reprit Aliocha d’une voix tremblante, qu’il vient d’avoir une scène terrible avec mon père. Et il raconta tout : comment Dmitri l’avait envoyé demander de l’argent, puis avait fait irruption dans la maison, battu Fiodor Pavlovitch, et, là-dessus, recommandé avec insistance à Aliocha d’aller la « saluer »... Il est allé chez cette femme... ajouta tout bas Aliocha.

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