William Gibson - Mona Lisa s'éclate

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Mona Lisa s'éclate: краткое содержание, описание и аннотация

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Une nouvelle macroforme est apparue dans le Conurb :
. Un gigantesque empilement de biopuces capables de reconstituer tous les savoirs, toutes les données de l’univers. Un fantastique instrument de pouvoir !
Tous les pirates de cyberspace sont à sa recherche. Mais qui le détient réellement ? Bobby, un génie du logiciel ? Dame 3Jane, l’héritière clonée de l’empire Tessier-Ashpool ? Ou Angie, vedette de cinéma, fille du savant Mitchell, le célèbre créateur des biopuces ?
L’enjeu est de taille ! Ils l’ignorent encore mais celui qui, au risque de sa vie, saura se rendre maître de l’aleph possèdera les clés d’un monde nouveau, un monde au-delà de l’humanité…

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Eddy voulait entendre parler de ce grand type qui la considérait comme une moins-que-rien. Mais elle avait intérêt à faire gaffe, quand elle l’évoquait, à ne pas le dépeindre sous un jour trop brutal, parce que c’était censé coûter plus cher que ce qu’elle demandait. En gros, il s’agissait d’un client imaginaire qui la traitait comme une vulgaire machine qu’il aurait louée pour une demi-heure. Même s’il n’était pas représentatif de sa clientèle – ce genre de type préférait en général dépenser son fric avec des poupées ou s’éclater grâce à la stim. Mona avait tendance à lever les bavards, ceux qui voulaient vous payer un sandwich après ; ils pouvaient aussi être vicieux, dans leur genre, mais pas comme l’entendait Eddy. Et l’autre truc que voulait Eddy, c’était qu’elle lui avoue que ce n’était pas ça qu’elle aimait, mais que pourtant elle en avait envie, salement envie.

Elle se pencha dans l’obscurité pour toucher l’enveloppe pleine de billets. La chaise craqua de nouveau.

Alors elle lui raconta qu’elle venait de sortir d’un Prisu et qu’il lui était tombé sur le poil, ce grand mec, qu’il lui avait demandé son tarif, ce qui l’avait gênée, mais enfin, elle le lui avait dit quand même et il avait répondu d’accord. Alors, ils étaient allés dans sa voiture, une grosse vieille bagnole qui sentait l’humidité (détail piqué à son passé à Cleveland), et là, il l’avait quasiment culbutée sur la banquette…

— Devant le Prisu ?

— Derrière.

Jamais Eddy ne l’accusait d’inventer tout ça, même si elle était consciente d’avoir appris de lui le scénario général d’une histoire immuable dans ses grandes lignes. Dès qu’elle arriva au moment où le grand mec retroussait sa jupe (la noire, et elle portait ses bottes blanches) avant de baisser son pantalon, elle entendit cliqueter la ceinture d’Eddy : il retirait son jean. Tout en poursuivant son récit, elle se demanda (tandis qu’il se glissait dans le lit à côté d’elle) si la position qu’elle décrivait était physiquement réalisable – en tout cas, ça faisait de l’effet à Eddy. Elle n’oublia pas d’ajouter à quel point ça lui avait fait mal, quand le type avait voulu s’introduire en elle, et pourtant, elle était vraiment mouillée. Elle ajouta qu’il lui avait tenu les poignets (même si, arrivée à ce point du récit, elle ne savait plus très bien où elle en était, si ce n’est qu’elle était censée avoir le cul en l’air). Eddy avait commencé à la toucher, lui caressant les seins et le ventre, si bien qu’elle passa de la brutalité désinvolte des actes de son client aux sensations qu’ils étaient censés avoir fait naître en elle.

Ces prétendues sensations, elle ne les avait jamais éprouvées. Elle savait qu’on pouvait atteindre un stade où c’était un peu douloureux mais où ça restait encore agréable, elle savait toutefois que ce n’était pas cela. Ce que voulait entendre Eddy, c’était qu’elle souffrait un max, que ça la rendait malade mais qu’elle aimait quand même ça. Ce qui était parfaitement absurde pour Mona mais enfin, elle avait appris à lui raconter les choses à sa convenance.

En tout cas, ça marchait ; Eddy roulait sur le ventre, entraînant avec lui la couverture emmêlée en travers de son dos, pour venir se placer entre ses jambes. Elle se douta qu’il devait se repasser tout ça dans la tête, comme un dessin animé, tout ce qu’elle lui racontait, en même temps qu’il s’imaginait être devenu ce grand balèze anonyme qui la besognait. Il lui avait à présent cloué les poignets au-dessus de la tête, comme il aimait faire.

Et alors qu’Eddy après avoir terminé s’était endormi en chien de fusil, Mona resta éveillée dans les ténèbres moites, tournant et retournant dans sa tête ce rêve d’évasion, éclatant et merveilleux.

Et pourvu, pourvu que ce ne fût pas qu’un rêve.

5. PORTOBELLO

Kumiko s’éveilla dans le lit gigantesque et resta bien immobile, l’oreille aux aguets. On entendait au loin le faible murmure continu de la circulation.

Il faisait froid dans la chambre ; elle ramassa autour d’elle le duvet rose et descendit du lit. Les petites fenêtres étaient recouvertes de givre brillant. Elle se dirigea vers la baignoire et tripota l’une des ailes dorées du cygne. L’oiseau gargouilla, crachota, se mit à remplir la baignoire. Toujours blottie dans son édredon, elle ouvrit ses bagages, étalant sur le lit les vêtements qu’elle avait choisi de mettre.

Quand le bain fut prêt, elle laissa l’édredon glisser par terre et escalada le rebord en marbre de la baignoire pour s’immerger, stoïque, dans l’eau douloureusement brûlante. La vapeur avait fait fondre le givre et les lucarnes dégoulinaient maintenant. Est-ce que toutes les salles de bains britanniques contenaient de telles baignoires ? se demanda-t-elle. Elle se frotta méthodiquement avec une savonnette ovale de marque française, se leva, rinça la mousse de son mieux, se drapa dans une grande serviette noire et, après quelques tâtonnements, trouva un lavabo, des toilettes et un bidet. Ils étaient dissimulés dans un réduit exigu, aux murs de placage sombre, qui avait dû jadis être un placard.

Le téléphone rococo grelotta à deux reprises.

— Oui ?

— Pétale à l’appareil. Parée pour le petit déjeuner ? Roger est ici. L’a hâte de vous voir.

— Merci, répondit-elle. Je finis de m’habiller et j’arrive.

Elle enfila son plus beau pantalon de cuir, le plus ample, puis se glissa dans un pull bleu en angora, si large qu’il aurait pu sans mal aller à Pétale. Quand elle ouvrit sa trousse à maquillage, elle découvrit le boîtier Maas-Neotek. Sa main se referma dessus machinalement. Elle n’avait pas eu l’intention de l’appeler mais le contact avait suffi : il était là, se dévissant le cou de manière comique en contemplant, bouche bée, le plafond bas couvert de miroirs.

— J’imagine que nous ne sommes pas dans le Dorchester ?

— C’est moi qui pose les questions. C’est quoi, cet endroit ?

— Une chambre, répondit-il. Et d’un goût plutôt douteux.

— Répondez à ma question, s’il vous plaît.

— Eh bien… (Il examina le lit et la baignoire.) Vu le décor, cela m’a tout l’air d’être un bordel. J’ai accès aux archives historiques concernant la majorité des bâtiments de Londres mais celui-ci n’a rien de remarquable. Édifié en 1848. Exemple type du style victorien classique en vigueur à l’époque. Le quartier est luxueux sans être à la mode, apprécié d’une certaine catégorie d’avocats.

Il haussa les épaules ; elle apercevait le coin du lit à travers l’éclat fauve de ses bottes de cheval.

Elle laissa tomber le boîtier dans son sac et sortit.

Elle se débrouilla sans trop de mal avec l’ascenseur ; une fois parvenue dans le hall peint en blanc, elle se laissa guider par les bruits de voix, emprunta une sorte de galerie, puis tourna à un coin.

— Bonjour, dit Pétale tout en soulevant le couvercle d’argent d’un plateau. (De la vapeur s’éleva.)

« Voici l’insaisissable M. Swain – Roger, pour vous – et voici votre petit déjeuner.

— Bonjour, dit l’homme en s’avançant, la main tendue.

Des yeux gris-bleu dans un long visage à l’ossature robuste. Des cheveux raides, gris souris, qui lui barraient le front de biais. Kumiko était incapable de deviner son âge ; il avait un visage de jeune homme avec pourtant des rides profondes sous les yeux. L’homme était grand, avec des bras et des épaules d’athlète.

— Bienvenue à Londres. (Il lui prit la main, la serra puis la relâcha.)

— Merci.

Il portait une chemise sans col, bleu pâle à très fines rayures rouges, aux manchettes fermées par de simples boutons ovales en or mat ; ouverte à l’encolure, elle révélait un sombre triangle de peau tatouée.

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