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William Gibson: Mona Lisa s'éclate

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William Gibson Mona Lisa s'éclate
  • Название:
    Mona Lisa s'éclate
  • Автор:
  • Издательство:
    J'ai Lu
  • Жанр:
  • Год:
    1990
  • Город:
    Paris
  • Язык:
    Французский
  • ISBN:
    2-277-22735-8
  • Рейтинг книги:
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Mona Lisa s'éclate: краткое содержание, описание и аннотация

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Une nouvelle macroforme est apparue dans le Conurb : . Un gigantesque empilement de biopuces capables de reconstituer tous les savoirs, toutes les données de l’univers. Un fantastique instrument de pouvoir ! Tous les pirates de cyberspace sont à sa recherche. Mais qui le détient réellement ? Bobby, un génie du logiciel ? Dame 3Jane, l’héritière clonée de l’empire Tessier-Ashpool ? Ou Angie, vedette de cinéma, fille du savant Mitchell, le célèbre créateur des biopuces ? L’enjeu est de taille ! Ils l’ignorent encore mais celui qui, au risque de sa vie, saura se rendre maître de l’aleph possèdera les clés d’un monde nouveau, un monde au-delà de l’humanité…

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Celle qui venait s’appelait Maman Brigitte ou Grande Brigitte, et tandis que certains pensent qu’elle est l’épouse du Baron Samedi, d’autres la baptisent « l’aînée d’entre les morts ».

L’architecture de rêve de la Colonie s’élevait sur la gauche d’Angie, délire de formes et de mégalomanie. Frêles d’aspect, les répliques, incrustées de néon, des tours de Watts s’élevaient à proximité de casemates néo-brutalistes qui arboraient des bas-reliefs en bronze.

Sur son passage, des murs de glace reflétaient les bancs de nuages matinaux qui filaient sur le Pacifique.

Elle avait connu une période, ces trois dernières années, où elle avait eu l’impression d’être sur le point de traverser ou de retraverser une ligne, la subtile barrière de la foi, pour découvrir que son existence avec les loa avait été un rêve ou, tout au plus, un ensemble contagieux de nœuds de résonance culturelle, survivance des semaines qu’elle avait passées dans l’oumphor de Beauvoir, dans le New Jersey. Voir enfin avec d’autres yeux : ni dieux, ni Cavaliers.

Elle poursuivit sa promenade, réconfortée par le ressac, par l’unique et perpétuel mouvement temporel de la mer, son immanence et son éternité.

Son père était mort sept ans plus tôt, et les archives de sa vie, qu’elle avait retrouvées, lui en avaient appris bien peu : qu’il avait servi quelqu’un ou quelque chose, que sa récompense avait été le savoir, et qu’elle avait été son sacrifice.

Parfois, elle avait l’impression d’avoir vécu trois vies, chacune isolée des autres par une chose qu’elle ne pouvait nommer, et sans le moindre espoir de jamais recouvrer son intégrité.

Il y avait ses souvenirs d’enfance dans l’arcologie de la Maas, creusée au sommet d’une mesa de l’Arizona : elle empoignait une balustrade de grès, le visage au vent, avec l’impression que l’immense plateau creusé était son navire, qu’elle pouvait le piloter et le mener jusqu’au cœur des couleurs du couchant, au-delà des montagnes. Plus tard, elle avait fui par la voie des airs, avec la peur comme une boule dure au fond de la gorge, à jamais incapable de se rappeler sa dernière et fugitive vision du visage paternel, qui avait pourtant dû s’afficher sur la console de l’ULM. Les autres appareils étaient ancrés pour résister au vent, alignement de phalènes arc-en-ciel. Sa première vie avait pris fin cette nuit-là ; celle de son père aussi.

Sa seconde vie avait été brève, rapide et fort étrange. Un homme du nom de Turner l’avait emmenée loin de l’Arizona, pour la laisser en compagnie de Bobby, de Beauvoir et des autres. De Turner, elle n’avait gardé qu’un vague souvenir, il était grand, avec des muscles fermes et un regard traqué. Il l’avait emmenée à New York. Puis Beauvoir l’avait conduite, avec Bobby, dans le New Jersey. Là, au cinquante-deuxième étage d’une structure de mincome, Beauvoir lui avait appris ce qu’étaient ses rêves. Les rêves sont réels , avait-il dit, son visage noir luisant de sueur. Il lui avait appris les noms de ceux qu’elle avait vus en songe. Il lui avait enseigné que tous les rêves plongent dans un océan commun, et lui avait montré en quoi les siens étaient différents ou semblables. Toi seule vogues à la fois sur l’ancien et le nouvel océan , avait-il ajouté.

Dans le New Jersey, les dieux l’avaient chevauchée.

Elle apprit à s’abandonner aux Cavaliers. Elle vit le loa Linglessou pénétrer Beauvoir dans l’oumphor, vit ses pieds effacer les diagrammes dessinés dans la farine blanche. Elle connut les dieux, dans le New Jersey, et l’amour.

Le loa l’avait guidée, quand elle s’était installée avec Bobby pour édifier sa troisième vie, sa vie actuelle. Ils allaient bien ensemble, Angie et Bobby, l’un et l’autre nés du vide, Angie du royaume aseptisé de Maas Biolabs et Bobby de l’ennui de Barrytown…

Grande Brigitte la toucha, sans crier gare ; elle trébucha, faillit tomber à genoux dans les vagues, tandis que le bruit de l’océan était absorbé dans le paysage crépusculaire qui s’ouvrait devant elle. Les murs chaulés du cimetière, les tombes, les saules. Les cierges.

Sous le plus vieux des saules, une multitude de cierges, posés sur leurs racines, torses de cire pâle.

Enfant, connais-moi.

Et Angie était tombée, là, d’un seul coup, et l’avait connue pour ce qu’elle était, Maman Brigitte, Mlle Brigitte, « l’aînée d’entre les morts ».

Je n’ai pas de culte, enfant, pas d’autel particulier.

Elle se retrouva en train de marcher, à la lueur des cierges, les oreilles bourdonnantes, comme si le saule abritait un vaste essaim d’abeilles.

Mon sang est vengeance.

Angie se rappela les Bermudes, la nuit, un ouragan ; elle et Bobby avaient risqué un œil à l’extérieur. Grande Brigitte était ainsi. Le silence, l’impression de contrainte, de forces impensables momentanément tenues à l’écart. Il n’y avait rien à voir sous le saule. Rien que les cierges.

— Les loa… Je ne peux pas les appeler. J’ai senti quelque chose… je suis venue voir…

— Tu es convoquée à mon reposoir. Écoute-moi. Ton père a dessiné des vévés dans ta tête : il les a tracés dans une chair qui n’était pas la chair. Tu as été consacrée à Ezili Freda. Legba t’a guidée dans le monde pour servir ses propres fins. Mais on t’a envoyé du poison, mon enfant, un coup-poudre…

Son nez se mit à saigner.

— Du poison ?

— Les vévés de ton père sont altérés, en partie effacés, redessinés. Bien que tu aies cessé de t’empoisonner, et que les Cavaliers ne puissent toujours pas t’atteindre, je suis d’un ordre différent.

Il y eut une douleur terrible dans sa tête, le sang lui battait aux tempes…

— Je t’en prie…

— Écoute-moi. Tu as des ennemis. Ils complotent contre nous. Les enjeux sont énormes. Enfant, méfie-toi du poison !

Elle baissa les yeux, contempla ses mains. Le sang était brillant, bien réel. Le bourdonnement s’amplifia. Peut-être était-ce dans sa tête.

— Je t’en prie ! Aide-moi ! Explique…

— Tu ne peux pas rester ici. C’est la mort.

Et Angie tomba à genoux dans le sable, assourdie par le bruit du ressac, éblouie par le soleil. Le Dornier planait nerveusement devant elle, à deux mètres de distance. La douleur disparut instantanément. Elle essuya ses mains ensanglantées sur les manches de son blouson bleu. La tourelle de caméras de l’engin-robot pivota en bourdonnant.

— Tout va bien, parvint-elle à dire. Un saignement de nez. Ce n’est qu’un saignement de nez…

Le Dornier fila comme une flèche, puis revint.

— Je vais retourner à la maison. Ça va mieux.

L’appareil prit doucement de l’altitude et disparut.

Angie serra ses bras autour d’elle, prise de frissons. Non, ne leur montre pas. Ils se douteront que quelque chose s’est passé, mais sans savoir quoi. À bout de forces, elle se remit debout, se tourna, entreprit de remonter la plage, à pas lourds, reprenant le chemin de l’aller. Tout en marchant, elle fouilla dans les poches de la doudoune, en quête d’un mouchoir pour essuyer le sang de ses mains.

Quand ses doigts rencontrèrent les angles du petit paquet aplati, elle le reconnut aussitôt. Elle s’immobilisa, tremblante. La drogue. Ce n’était pas possible. Si, ça l’était. Mais qui ? Elle se retourna et regarda le Dornier jusqu’à ce qu’il s’éclipse.

Le paquet. De quoi tenir un mois.

Coup-poudre.

Enfant, méfie-toi du poison.

4. SQUAT

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