Ne trouvant rien d’autre, il reposa les talons pour se retrouver à nouveau à plat sur le sol. Il tapota le bord de sa ceinture, car cela l’aidait à réfléchir. Mais cette fois, rien : il était parfaitement à court d’idées. Quel que soit l’endroit où s’était rendue Briar Wilkes Blue, elle était partie sans prévenir. Elle n’avait ni fait ses adieux, ni quitté son travail en bonne et due forme, ni bouclé ses valises ou touché un mot de ses projets à qui que ce soit, où que ce soit.
Il n’y avait pas non plus de trace de son fils.
Une dernière fois, Hale décida de vérifier la maison. Même s’il n’y avait personne chez elle, il pourrait peut-être deviner s’il y avait eu quelqu’un, ou s’il y avait eu du passage. À défaut, peut-être qu’il trouverait un ami d’Ezekiel dans les parages. Au pire, Hale pourrait jeter un coup d’œil à l’intérieur par une fenêtre ou deux et confirmer l’évidence : quel que soit l’endroit où s’était rendue Briar Wilkes Blue, elle n’avait nullement l’intention de revenir.
Hale Quarter cala son carnet sous son bras et entama la longue marche sur le rivage, les rues détrempées des Faubourgs, et le quartier où Maynard Wilkes était enterré dans son propre jardin. Il était encore tôt, et la légère bruine n’était pas si désagréable que ça. Les rayons du soleil traversaient faiblement les nuages, projetant des ombres inversées sur les traces laissées par les chevaux et les chariots dans la terre meuble. Le vent froid le poussait dans le dos, mais il n’était pas aussi mordant que d’autres jours, et il ne projetait qu’un peu d’eau sur ses papiers.
Lorsqu’il arriva à la maison des Wilkes, la nuit commençait déjà à tomber, un peu trop tôt, comme c’était toujours le cas à cette époque de l’année. Dans la rue, de jeunes garçons allumaient des lampadaires pour un centime par lanterne, et la faible clarté était suffisante pour permettre à Hale de voir la maison dans toute la gloire de son abandon.
C’était un bâtiment trapu et gris, comme tout ce qui l’entourait. Les murs étaient teintés de filets de pluie colorée par le Fléau, et les fenêtres étaient marquées de la même façon, comme gravées à l’acide.
Hale savait déjà que la porte d’entrée était fermée mais pas verrouillée. Il posa la main sur la poignée et commença à la faire tourner, mais s’interrompit.
Il préféra prendre le temps de regarder par la fenêtre la plus proche. Ne voyant rien, il retourna à la porte. Sa paume était moite sur la poignée métallique glacée. Il la tourna à moitié, changea d’avis pour la centième fois, et la relâcha.
La pluie reprit, s’abattant en rafales et lui projetant de l’eau froide dans les oreilles. Le porche ne l’abriterait pas énormément, ni pendant très longtemps. Il serra fermement son carnet dans les rabats en cuir qui protégeaient le papier de l’eau, et envisagea une nouvelle fois d’ouvrir la porte.
Finalement, il préféra s’asseoir contre elle, en se tenant aussi loin que possible de la pluie, et plaça son carnet sur ses genoux. Le vent balayait les arbres autour de la petite maison délabrée, tandis que la pluie allait et venait comme si quelqu’un ouvrait et fermait les rideaux d’un théâtre.
Du bout de la langue, Hale Quarter humidifia sa plume, puis se mit à écrire.