Par-delà le large espace de terrain dégagé, souligné par des torches ouvrant un chemin rectiligne dans la multitude des spectateurs, Feric faisait face à un énorme svastika de bois haut de cinquante mètres.
Au moment précis où le bord du disque solaire toucha la ligne d’horizon, incendiant la campagne d’un crépuscule rouge sang, vingt croiseurs aériens noirs et étincelants survolèrent en rugissant le terrain de parade à moins de cent cinquante mètres de hauteur ; le tonnerre de leur rapide passage se mêla aux acclamations puissantes de la foule. À ce signal spectaculaire, la croix gammée géante s’embrasa dans un grondement puissant qui fit bourdonner la terre.
De l’autre côté de l’immense terrain de manœuvres, Feric avait l’impression que la chaleur de l’emblème de gloire embrasait son sang, tandis que la grandiose parade s’ouvrait sur cinq mille motos S.S. noires et luisantes fonçant devant la tribune à cent kilomètres à l’heure avec un ordre parfait, chaque motard porteur d’un étendard rouge à croix gammée qui se déployait dans le vent de la course comme une flamme. Chaque fois qu’une rangée de motos passait en hurlant, loin au-dessous de lui, dans sa gloire noire et rouge, les S.S. saluaient en chœur aux cris de « Vive Jaggar ! », si bien que l’effet d’ensemble, de l’endroit où se tenait Feric, était celui d’une houle de bras levés et d’un tonnerre roulant de saluts qui se mêlaient au rugissement des moteurs en une apothéose, propre à ébranler les collines et les vallées et à se répercuter à des kilomètres à la ronde.
Feric répondit à cette ovation puissante et exaltante par une longue série de saluts vifs et nerveux, chaque rang de motards étant ainsi personnellement honoré par le Commandeur Suprême alors qu’il passait à toute vitesse devant lui.
Dans les roues des motos S.S. arriva une formation de deux cents chars noir et rouge fonçant par rangs de dix. Chaque rangée qui défilait devant la tribune saluait avec une salve d’obus d’exercice, emplissant l’air d’un roulement de tonnerre répercuté à l’infini et de l’arôme puissant de la poudre. Feric répondit en dégainant le Commandeur d’Acier et en le brandissant droit au-dessus de sa tête jusqu’à ce que le dernier char fût passé, la hampe réverbérant les mille feux du grand svastika de flammes, de l’autre côté du champ de parade.
Très loin au-dessous de lui, Feric voyait un océan de Helders qui s’étendait jusqu’à l’horizon, clamant, bondissant et saluant follement, enfiévrés par la gloire du moment. Des tonneaux de bière furent mis en perce, et ici et là des gens se mirent spontanément à danser. Des milliers de torches improvisées furent allumées et agitées frénétiquement dans les airs. Des feux d’artifice furent allumés, ajoutant à cette ambiance de carnaval.
D’immenses formations de l’infanterie régulière défilèrent dans leur uniforme vert-de-gris, projetant à chaque pas leurs bottes à hauteur de visage et exécutant des saluts d’ensemble avec une ardeur percutante. Le bruit de la multitude en fête s’enflait pour devenir une force tangible que Feric percevait dans chaque fibre de son être ; un amalgame exaltant d’acclamations, de feux d’artifice, de musique et de danse, de martèlements de bottes, de rugissement des moteurs et de coups de canon. Escadrille après escadrille, les chasseurs noirs vrombirent au-dessus des têtes en lâchant de longues traînées de fumée bleu, vert, rouge et jaune.
L’infanterie motorisée passa dans de puissants half-tracks, tirant vers le ciel des rafales de mitraillettes. D’autres chars suivirent, saluant avec des salves de leurs canons.
Feric était transporté par la gloire de cet instant tout autant que le plus anonyme des Helders. Sans répit, il saluait les troupes, son bras se levant chaque fois avec une infatigable précision, sa chair communiant dans la puissance raciale mystique présente dans l’air, puissance composée de la ferveur multipliée de l’immense foule, de la force des légions en marche, du triomphe du moment et de la flamme qui semblait régner partout et dans chaque âme helder.
Chaque fois que Feric étendait le bras pour saluer, le vacarme surnaturel montait d’un cran et le son ensorcelant qui parcourait son être allait crescendo, le poussant à des transports croissants d’extase qui augmentaient en retour la ferveur du salut suivant.
A présent, objets de la fierté et de la joie de Waffing, passaient devant la tribune de longs missiles, doux et argentés, posés sur des remorques tirées par des camions, expression ultime de la puissance de Heldon, capables de foncer sur des cibles éloignées de centaines de kilomètres à des vitesses supersoniques. Leur faisait suite une vaste formation de motards de l’armée, qui firent de leur mieux pour surpasser les motards S.S. en brio et en ardeur. D’autres croiseurs passèrent en lançant des fusées éclairantes qui embrasèrent le ciel des couleurs de l’arc-en-ciel.
Les troupes d’infanterie S.S. défilèrent ensuite dans leurs cuirs noirs collants, projetant leurs bottes au-dessus de leurs têtes, avant de les abattre avec une incroyable force à chaque pas, saluant avec une précision admirable en criant « Vive Jaggar ! » avec une férocité presque surnaturelle.
Et la grande parade se poursuivit, loin avant dans la nuit ; la puissance de Heldon défilait inlassablement devant la haute tour de la tribune. La foule semblait s’accroître et sa ferveur augmenter, comme si, de quelque façon mystique, tout Heldon se fût uni pour cette glorieuse occasion.
Sur son piédestal écarlate, Feric, debout, infatigable, saluait chaque formation avec une vigueur et un enthousiasme qui ne se démentirent jamais, même lorsque les premiers rayons de l’aube commencèrent à poindre à l’est. Son être était gorgé de la gloire raciale omniprésente qui confondait en un seul tous les cœurs helders.
Quelques instants avant l’aube, Feric dégaina la Grande Massue de Held, dont il dirigea le grand poing de métal brillant vers l’est. Lorsque le soleil apparut au-dessus des collines, un cri titanesque, orgasmique, extatique, jaillit de la multitude. À cet instant, il semblait parfaitement normal que le soleil lui-même mît fin à la parade en défilant et en manifestant sa loyauté impérissable à la cause sacrée du Svastika.
C’est avec un sentiment de profonde satisfaction et d’impatience joyeuse que Feric convoqua ses commandants en chef un mois après la chute de Kolchak, car la résolution fanatique et l’abnégation du peuple helder ne s’étaient pas relâchées un seul instant durant cette paix que tous les vrais humains s’accordaient à reconnaître provisoire.
Sans conteste, Remler, Waffing et Bogel étaient en droit de rayonner d’orgueil, installés comme ils l’étaient dans l’appartement de Feric, attendant en buvant de la bière de faire leur rapport sur la situation. Quant au loyal Best, il s’était rendu indispensable de mille petites manières.
« Eh bien, Remler, dit Feric en repoussant sa chope de bière, si nous commencions par vous ? Quelle est la situation dans les camps de sélection des nouveaux territoires ?
— Les derniers occupants auront été traités dans les deux prochaines semaines, Commandeur, dit vivement Remler. Après cela, nous pourrons fermer les camps et concentrer nos ressources sur des projets eugéniques plus positifs.
— J’espère que vous ne perdez pas du bon matériel génétique dans votre hâte à accélérer le processus, Remler, dit Feric. Chaque homme pur glané dans les poubelles des anciens États bâtards est un soldat en puissance au service de Heldon. »
Les traits fins de Remler exprimèrent une certaine souffrance, voire de l’indignation.
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