Sheri Tepper - Rituel de chasse

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Rituel de chasse: краткое содержание, описание и аннотация

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Le monde va mal, le monde est malade.
Un terrible fléau se répand dans l’univers, une infection mortelle qui menace d’exterminer toute vie. Aucune planète n’est épargnée. Aucune, sauf Grass. Pourquoi ? Comment expliquer cette immunité ? Marjorie est envoyée en mission sur Grass pour trouver la réponse.
Grass, planète dont on sait peu de chose, si ce n’est qu’elle est couverte d’herbe et que des colons s’y sont installés, voici quelques siècles. Aristocrates, ils ont fait de la chasse leur occupation favorite. Chasse à courre, chasse à mort...
Là-bas, à des millions de kilomètres de la Terre, Marjorie va découvrir un monde étrange, une culture fascinante et cruelle. Mais pourra-t-elle percer le secret de Grass ? Un secret qui peut sauver l’univers — ou le conduire à sa perte…

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— Il est précisé dans ton dossier qu’une crise t’a terrassé alors que tu prenais ton repas dans le réfectoire… Tu aurais émis de violentes accusations…

Sur le point de se lancer dans une volubile explication concernant l’origine de cette prétendue attaque de nerfs, Rillibee s’était souvenu à temps des conseils de Mainoa. En silence, il avait attendu la fin de l’intervention du Révérend.

— Tout s’est passé comme vous le dites, avait-il murmuré, les yeux au sol.

— Encore deux petites années et tu touchais au terme de ton service… Jhamlees Zoe avait un visage couleur de limon, admirablement lisse et gonflé comme un ballon de baudruche. Pourquoi a-t-il fallu que ta foi chancelle ? Autant que tu le saches tout de suite, il n’y a pas de place ici pour le doute ou l’insubordination.

— Je le sais, Révérend.

— As-tu présents à l’esprit les principaux articles du dogme ? Voyons… Quelle est la vocation ultime de l’humanité ?

— L’humanité a le devoir de peupler la galaxie, afin de répandre partout la parole divine.

— Quelle tâche est assignée aux femmes ?

— La production de fidèles du Saint-Siège.

— Qu’arrive-t-il après la mort ?

— Après la mort vient la résurrection.

— Qu’adviendra-t-il à la fin des temps ?

— Tous les fils de Dieu depuis le commencement renaîtront à la vie et guidés par les plus parfaits d’entre eux atteindront enfin aux trois principes sacrés : Sainteté, Unité, Immortalité.

— Hum, fit Jhamlees Zoe, ce n’est pas trop mal, pour une tête brûlée. Quel besoin as-tu éprouvé d’attirer sur toi les foudres du Sacré Collège ?

Encouragé par le compliment, Rillibee oublia toute prudence.

— Révérend, un détail me tracasse. Comment les machines s’y prendront-elles pour ressusciter tout ce monde ? Il n’y aura plus personne pour assurer leur fonctionnement.

— Petit insolent ! Où veux-tu en venir ?

— Il faut se rendre à l’évidence, Révérend, l’épidémie n’aura laissé aucun survivant. Les machines sauront-elles, de leur propre chef, faire face à une tâche d’une telle ampleur ?

— Ton impertinence te coûtera dix coups de fouet. Tu en recevras dix autres pour avoir proféré des mensonges. L’épidémie n’existe pas. Ce ne sont que des rumeurs alarmistes répandues par les ennemis du Saint-Siège.

— Alors craignons ces rumeurs qui ont le pouvoir de tuer. N’ai-je pas vu, de mes yeux, l’infection dévorer le corps de ma mère ? Mon père et ma sœur n’ont-ils pas été contaminés ? Peut-être suis-je moi-même atteint sans le savoir. On dit que le mal peut se déclarer après une incubation de plusieurs années…

Le visage du Révérend avait pris une teinte encore plus inquiétante. Il avait montré la porte.

— Hors d’ici ! Hors d’ici, suppôt du diable !

Rillibee n’avait pas eu besoin de se l’entendre dire une troisième fois, il s’était éclipsé sur la pointe des pieds. Depuis ce moment, il avait attendu avec anxiété d’être convoqué pour la séance de flagellation. Personne n’était venu le chercher. Dans l’intervalle, un autre danger s’était manifesté.

Il ne pouvait continuer à pomper jusqu’au matin. Lorsque son coéquipier eut lâché son bras de levier et se fut levé en retroussant sa soutane pour éviter de marcher dessus, Rillibee fut obligé d’en faire autant. Longtemps après que l’autre fut sorti, il n’avait toujours pas quitté la buanderie. Il envisagea de se soustraire à ses bourreaux en passant la nuit dans ce réduit solitaire, tapi dans le coin le plus sombre. Vaincu par l’absurdité de ce raisonnement, il se résigna à mettre le nez dehors.

Il s’engagea à petits pas sur le sentier du dortoir.

— Te voilà enfin ! lança une voix surgie de la nuit. À ta place, je serais pressé d’en finir.

Il eût été ridicule, certainement périlleux, d’ignorer l’injonction. Quant à se rebeller, il n’y fallait point songer. Rillibee haussa les épaules et bifurqua pour rejoindre ce provocateur invisible. Sitôt qu’il eut franchi la première enceinte, ils lui tombèrent sur le paletot, trois d’entre eux le maîtrisèrent sans peine et l’entraînèrent le long d’un chemin caillouteux jusqu’à un bâtiment inconnu. Une galerie débouchait sur l’entrepôt qui devait leur servir de quartier général.

Ils étaient une douzaine, sans compter ses ravisseurs, vêtus de caleçons et de justaucorps. Les flammes papillotantes des lanternes extrayaient de l’ombre des visages jeunes, tiraillés par des tics sardoniques. Dans leurs yeux brillait une ardeur qui n’avait rien de mystique.

On le poussa sur un banc. Ses jambes flageolaient, il fut trop heureux de s’asseoir. Il éprouvait une sorte d’exaltation froide qui se distinguait totalement de la peur. Peut-être les acrobates, habitués à frôler la mort, à transgresser les règles, auraient-ils été à même de comprendre, s’il avait eu le temps de leur expliquer. Il garda le silence ; personne n’était disposé à l’écouter.

L’un d’eux se détacha du groupe et se campa devant lui dans une pose hardie, menton levé, poings sur les hanches et pieds à angle droit.

— Je suis Beaupré ! annonça-t-il.

C’était un individu de haute taille affligé d’une maigreur d’ortie sèche, les cheveux sauvages, la bouche rossarde. Son allure d’insecte était encore accentuée par des bras et des jambes interminables. Rien chez lui, manières, attitudes, regard, qui ne fût fabriqué. À partir de quoi, pour le bénéfice de qui ? se demanda Rillibee. Il se garda du moindre commentaire, fidèle à l’adage que le patron des acolytes du Saint-Siège enseignait à ses disciples : moins vous en direz, moins vous prêterez le flanc aux accusations.

Le grand cabotin fit un autre pas en avant.

— Pour t’avoir observé avec attention depuis ton arrivée, nous sommes en mesure d’affirmer sans crainte de nous tromper que tu appartiens à l’espèce insignifiante des catiminis.

Cette remarque fut ponctuée d’un reniflement de mépris.

Rillibee branla du chef, humblement.

— Cela ne suffit pas. Tu es prié de reconnaître le fait à haute et intelligible voix. Tu es un catimini, avoue-le !

— Je le suis, déclara l’intéressé sans s’émouvoir.

Las de singer les grands seigneurs, Beaupré adopta une posture plus plaisante.

— Vois-tu, catimini, aux yeux d’un acrobate, tes semblables sont et seront toujours indignes de baiser la semelle de ses souliers. Le frère Shoethai, pour ne citer que lui, est le modèle des catiminis. N’est-il pas vrai, vous autres ?

Les comparses exprimèrent bruyamment leur approbation. Pas de doute, il n’y avait rien de plus abject qu’un catimini.

Rillibee avait déjà eu maintes occasions de rencontrer le frère Shoethai, erreur de la nature, lapsus de la création, presque émouvant par sa condition d’infirme, et dont personne n’osait se moquer à découvert pour la simple raison qu’il appartenait au bureau du Doux Endoctrinement.

— Certains, atteints de difformités, ne pourront jamais devenir acrobates, nous en sommes conscients, reprit Beaupré avec affabilité. En ce qui te concerne, nous sommes disposés à te donner une chance. C’est la moindre des choses, qu’en penses-tu ?

Rillibee commit sa première maladresse. Au lieu d’acquiescer sagement, il voulut jouer au plus malin.

— Je ne réclame aucun régime de faveur. Faites comme si j’étais un infirme. Catimini je suis, catimini je resterai, je n’y vois pas d’inconvénient.

Toute la tribu se récria. Ils glapissaient et bondissaient avec une ardeur de loups, et le nouveau venu ne put s’empêcher de remarquer combien les courtisans de Beaupré ressemblaient à leur maître : même hure d’illuminé, même silhouette nerveuse et famélique, avec quelque chose de disproportionné dans les membres qui leur donnait une dégaine vaguement simiesque.

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