Sheri Tepper - Rituel de chasse

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Rituel de chasse: краткое содержание, описание и аннотация

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Le monde va mal, le monde est malade.
Un terrible fléau se répand dans l’univers, une infection mortelle qui menace d’exterminer toute vie. Aucune planète n’est épargnée. Aucune, sauf Grass. Pourquoi ? Comment expliquer cette immunité ? Marjorie est envoyée en mission sur Grass pour trouver la réponse.
Grass, planète dont on sait peu de chose, si ce n’est qu’elle est couverte d’herbe et que des colons s’y sont installés, voici quelques siècles. Aristocrates, ils ont fait de la chasse leur occupation favorite. Chasse à courre, chasse à mort...
Là-bas, à des millions de kilomètres de la Terre, Marjorie va découvrir un monde étrange, une culture fascinante et cruelle. Mais pourra-t-elle percer le secret de Grass ? Un secret qui peut sauver l’univers — ou le conduire à sa perte…

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Peu après commençait sur la pelouse un étrange ballet de servantes vêtues de longues jupes blanches. Elles portaient en équilibristes des plateaux chargés de verres minuscules. Les chasseurs eux-mêmes firent leur entrée, seuls ou par petits groupes. Au premier coup d’œil, rien ne distinguait leur accoutrement du costume de chasse traditionnel, si ce n’était la répartition des couleurs entre les sexes, puis l’étranger s’avisait de la forme inhabituelle de la culotte, très vaste et rembourrée, comme gonflée d’air. Si l’aspect « jodhpur de clown » pouvait prêter à sourire de prime abord, on changeait d’avis en examinant la physionomie sinistre des chasseurs. Tous se jetèrent dans la gorge, d’un geste prompt, le contenu d’un unique petit verre. Rares étaient ceux qui parlaient, et encore ne s’agissait-il que de très jeunes gens. La sonnerie du cor, si étouffée fût-elle, fit sursauter Marjorie. Les chasseurs pivotèrent à l’unisson pour se trouver face à une certaine porte, située à l’est, dont les battants s’ouvrirent lentement.

La meute parut et de saisissement, Marjorie se plaqua une main sur la bouche. Elle regarda Rowena, le visage de la mère éplorée soudain masqué de haine et de fureur. Vivement, elle détourna les yeux, avec le sentiment de commettre une indiscrétion.

— Dieu tout-puissant… chuchota Rigo, oubliant, dans sa stupeur, l’irritation que lui inspirait le comportement de ses hôtes. Jamais il ne se serait attendu à ça.

Aussi grands que des chevaux terriens, les chiens étaient tout en muscles, avec d’énormes têtes pointues fendues d’une oreille à l’autre en un rictus affreux qui découvrait deux rangées de crocs. Impossible de déterminer, à cette distance, s’ils étaient glabres ou pourvus d’un pelage si ras qu’il mettait à nu une peau sombre, veinée de blanc. Silencieux, tirant une langue d’une aune, ils entrèrent sur une double rangée ; les couples se séparèrent, l’un poursuivant à droite, l’autre à gauche, de façon à opérer un mouvement enveloppant autour des chasseurs, puis se reformèrent à l’autre extrémité du pré et continuèrent en direction de la porte orientée au couchant.

— Venez, dit Rowena de sa voix spectrale. Nous devons changer d’observatoire.

Sans un mot, ils descendirent à l’étage inférieur, longèrent un couloir qui n’en finissait pas et gagnèrent un autre balcon, d’où la vue portait au-delà du mur d’enceinte occidental du pré. Le choc ressenti fut si violent que les quatre Terriens demeurèrent tout étourdis, cramponnés au parapet, les genoux creux, le cœur battant à se rompre.

Les Hipparions.

Les Hipparions, bien sûr. La révélation s’abattit comme la foudre sur Marjorie. Elle se demanda si Rigo et les enfants avaient éprouvé le même éblouissement. Pourquoi s’étaient-ils imaginé que les grands équidés de la Prairie, sous prétexte qu’ils étaient montés par des aristocrates, ressembleraient plus ou moins à des chevaux ? Leur naïveté n’avait eu d’égale que celle du Saint-Siège. Misérables prélats. Auraient-ils eu la présence d’esprit, avant de dépêcher sur place une mission dont les membres avaient été choisis, entre autres, pour leurs bons résultats dans les compétitions hippiques, de mener au préalable une petite enquête sur place ? C’était là, sans doute, trop leur demander. Quand bien même cette idée aurait traversé leurs esprits débiles, le temps aurait manqué.

Les dents serrées, Roderigo Yrarier cherchait un refuge dans la colère et l’indignation. Sa chemise était trempée ; une sueur d’effroi lui couvrait tout le corps. Maudit soit Sender O’Neil. Maudit soit le Hiérarque. Pauvre tonton. Pauvre ruine agonisante, il ne s’était rendu compte de rien. Sur sa droite, penchée en avant, Stella respirait avec difficulté. Du coin de l’œil, il vit la main de Marjorie se poser sur celle de leur fils.

Les monstres se pavanaient et piaffaient, heureux, semblait-il, à l’idée de la chasse. Autant que leur aspect, leur taille gigantesque inspirait l’épouvante. Les longs cous dont la courbe rappelait l’encolure du cheval se hérissaient en guise de crinières de longues arêtes triangulaires, acérées comme des lames de faux, de longueur décroissante depuis le front jusqu’au garrot. Les yeux énormes rougeoyaient. Le corps était couvert, comme d’un blindage, de plaques de peau dure, épaisse, luisante. Stavenger était sur le point d’enfourcher l’un de ces phénomènes. Marjorie observait, bouche bée. La monture s’accroupit à demi, étendit un antérieur sur lequel le cavalier prit appui du pied gauche avant de lancer un anneau qui s’enfila sur l’arête inférieure du col. Tirant et sautant simultanément, le Patriarche s’enleva, projetant sa jambe droite par-dessus le dos monumental. Après avoir calé son postérieur rembourré juste derrière les épaules du monstre, il écarta les mains, révélant à l’attention de l’observatrice deux fines lanières. Celles-ci une fois tendues, l’anneau se ferma autour de la pointe. Les rênes, songea furtivement Marjorie ; cela ne se peut pas, rectifia-t-elle aussitôt. Comment ces courroies, simplement reliées à la terrifiante épine dorsale, pourraient-elles lui servir à diriger l’animal, ou même à communiquer avec lui ? Elles n’ont d’autre utilité que celle d’occuper les mains du cavalier qui sans cela devrait rester les bras ballants, puisqu’il ne saurait être question de s’accrocher aux ardillons tranchants de la crinière. Pour la même raison, il devait prendre garde de ne jamais se pencher, au risque d’être embroché. Il était condamné à conserver jusqu’à la fin une impeccable raideur, position qu’aucun individu normalement constitué ne pouvait soutenir plus d’une demi-heure sans avoir l’échine brisée.

Plusieurs cavités se succédaient le long de la cage thoracique. Stavenger trouva les plus profondes, dans lesquelles il engagea les bouts pointus de ses bottes. Quand le cavalier ne bougea plus, Marjorie remarqua l’étui en forme de carquois qu’il portait en bandoulière. Un second chasseur s’avança à la rencontre de sa monture ; la même gymnastique recommença.

La mère n’avait pas lâché la main de son fils. À présent, elle lui jeta un long regard, avertissement, tendre connivence. Anthony était d’une pâleur effrayante. À côté de lui, Stella contemplait la scène qui se déroulait en bas avec, dans le regard, l’étrange lueur de fascination qu’ont parfois les chats devant une source de lumière aveuglante. Marjorie était transie. Le silence les recouvrait tous, comme une peur superposée à la peur. Il fallait le rompre coûte que coûte ; si la monstruosité des Hipparions avait un quelconque pouvoir d’envoûtement, il fallait s’en délivrer au plus vite.

Entre les lèvres glacées de Marjorie se formèrent des mots insignifiants, articulés d’une voix neutre.

— Excusez-moi, à cette distance, je ne suis pas sûre… Ces mammifères ont-ils des sabots ?

— Trois, murmura Rowena, sans se tourner vers elle. Les Hipparions possèdent à l’extrémité de chaque pied trois sabots effilés, et trois pouces rudimentaires, situés plus haut, le long de la jambe.

— Et les chiens ?

— Les chiens également, bien que leurs sabots, plus mous, évoquent davantage les coussinets. Ils ont le pied très sûr.

Tous les cavaliers avaient maintenant enfourché leur monture. Rowena fixa sur ses invités des yeux lointains, opaques, refermée sur son drame.

— Il est temps de partir, dit-elle. La montgolfière vous attend.

Eric bon Haunser se tenait près de la nacelle.

— Mon frère ne manquerait la chasse pour rien au monde, expliqua-t-il. Je suis infirme, et ce sport m’est désormais interdit. Il était donc naturel que je me porte volontaire pour vous accompagner. Sans doute aurez-vous quelques questions à poser. Je me ferai un plaisir d’y répondre.

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