Sheri Tepper - Rituel de chasse

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Rituel de chasse: краткое содержание, описание и аннотация

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Le monde va mal, le monde est malade.
Un terrible fléau se répand dans l’univers, une infection mortelle qui menace d’exterminer toute vie. Aucune planète n’est épargnée. Aucune, sauf Grass. Pourquoi ? Comment expliquer cette immunité ? Marjorie est envoyée en mission sur Grass pour trouver la réponse.
Grass, planète dont on sait peu de chose, si ce n’est qu’elle est couverte d’herbe et que des colons s’y sont installés, voici quelques siècles. Aristocrates, ils ont fait de la chasse leur occupation favorite. Chasse à courre, chasse à mort...
Là-bas, à des millions de kilomètres de la Terre, Marjorie va découvrir un monde étrange, une culture fascinante et cruelle. Mais pourra-t-elle percer le secret de Grass ? Un secret qui peut sauver l’univers — ou le conduire à sa perte…

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— Me voilà prévenue. Ainsi, vous enseignez la langue officielle ? C’est là votre profession ?

— Que les Hipparions m’en préservent ! Si c’était le cas, je serais bien en peine de gagner ma vie. Hime Pollut, le sculpteur sur bois, et Roald Few sont de vieux amis. Je suis le fils du premier ; le second me procure du travail pendant la saison creuse, voilà tout.

Marjorie le regardait, surprise et souriante.

— En somme, les explications que vous avez fournies aux villageois ne sont que des demi-mensonges ? Vous pratiquez bien la sculpture sur bois ?

Persun Pollut prit l’air songeur.

— Disons qu’il s’agit de mon activité principale, dans la mesure où la fortune ne m’a pas encore souri. Un moment, ses yeux s’absentèrent, il parut s’abîmer dans ses rêves. Il s’en éveilla très vite et son visage prit l’expression la plus résolue. Cela viendra, j’en suis sûr ! Croyez-moi, pour celui qui ne craint pas les risques, il y a un bel avenir dans le commerce des soieries de Semling. Mais je ferai comme j’ai dit, Lady Westriding, je sculpterai des panneaux pour votre bureau. Il faut bien justifier ma présence auprès de vous, si l’on ne veut pas éveiller la curiosité des aristocrates.

— Le patriarche bon Haunser insiste pour me recommander un secrétaire. Que dois-je faire, à votre avis ?

Persun Pollut se donna le temps de la réflexion.

— Tergiversez, dit-il enfin. Dites que votre décision n’est pas encore prise ; le patriarche ne s’offensera pas, au contraire. Il trouvera normal que vous désiriez prendre votre temps. Hors la Zone Franche, cette planète est affligée de lenteur.

Il s’écoula plusieurs jours avant que Marjorie ne trouvât le temps de monter à cheval. Roderigo et Anthony avaient déjà fait plusieurs sorties. Par un beau matin particulièrement clair et bienveillant, elle décida de se joindre à eux. Enfermée dans la rancœur qu’elle éprouvait d’avoir été arrachée à son petit monde d’habitudes, résolue, sous prétexte de punir ses parents, à transformer en épreuve chaque jour passé sur la Prairie, Stella refusa de céder aux prières de sa mère. Excellente cavalière, elle préférait encore se priver d’équitation. Marjorie n’insista pas ; elle savait bien à quoi pensait sa fille. Stella avait laissé sur terre des amis, une amie en particulier, dont le souvenir ne s’effacerait pas de sitôt. D’une certaine façon, l’épidémie avait donc mis un terme à cette relation et Marjorie, tout en se fustigeant d’abriter une pensée aussi monstrueuse, ne pouvait que s’en féliciter.

Les valets d’écurie, deux hommes et une femme du village voisin, avaient exécuté à la lettre les instructions reçues. Ils avaient rempli les auges d’une certaine herbe, après l’avoir coupée menu. Ils avaient nettoyé les stalles ; ils avaient rapporté des céréales de différentes sortes, distribuées dans des mangeoires individuelles, afin de pouvoir observer quelle espèce aurait la préférence des chevaux. Ils observaient les Terriens avec une perplexité non dissimulée tandis que ceux-ci harnachaient leurs montures. Les questions peu à peu fusèrent.

— À quoi servent ces sièges bizarres ? Comment pouvez-vous tenir là-dessus ? Et les chevaux, comment peuvent-ils supporter cet attirail ?

— On nous avait pourtant dit que les aristocrates aimaient l’équitation, dit Tony. Vous n’avez donc jamais vu de selle ?

Les trois villageois échangèrent des regards incertains. La jeune femme se décida à répondre, d’une voix un peu embarrassée.

— Jamais les Hipparions… la selle ne leur plairait pas du tout. Ils ne se laisseraient pas faire. Les aristocrates s’installent sur des coussinets.

On en apprend tous les jours, songea Marjorie. Le mystère des Hipparions s’épaississait. Tony était assez irréfléchi pour lancer une observation de feinte candeur, depuis quand sollicite-t-on l’avis de sa monture avant de lui coller une selle sur le dos, ou quelque remarque aussi désastreuse. Elle lui fit les gros yeux, comme elle aurait fait à un enfant. Il rougit et se détourna.

— Nos chevaux préfèrent le contact de la selle à celui de nos postérieurs osseux, dit-elle. Les Hipparions ont sans doute une morphologie différente.

Ce propos badin sembla rasséréner tout le monde ; la gêne se dissipa. Leur curiosité n’étant pas encore satisfaite, les valets en profitèrent pour interroger de nouveau ces étranges cavaliers. Attentive à la pertinence des questions, Marjorie l’était tout autant à la vivacité d’esprit manifestée par les uns et les autres.

— L’herbe bleue ne se laisse pas faucher facilement, mais les chevaux la font disparaître à toute vitesse, fit observer un villageois. Ils semblent l’apprécier.

— Avec quoi la coupez-vous ? demanda Marjorie.

Ils lui montrèrent d’antiques faucilles.

— Attendez, laissez-moi vous donner des instruments plus efficaces. Elle déverrouilla le grand coffre dans lequel était remisé le matériel et choisit trois couteaux-laser dont elle fit la démonstration. Prenez garde, avec ça, on perd un bras ou une jambe comme rien. Veillez surtout à ce que personne ne se trouve dans le champ du rayon.

Les valets acceptèrent les couteaux avec réticence. Ils sortirent de la grotte et s’exercèrent au maniement de ces outils fabuleux, timidement tout d’abord, puis s’enhardissant à trancher l’herbe par brassées entières d’un seul mouvement du poignet.

Marjorie s’amusait de leur émerveillement. Elle allait devoir trouver au plus vite parmi les villageois qui s’étaient portés volontaires pour travailler aux écuries quelqu’un ayant l’étoffe d’un bon palefrenier. Ceux-ci ne rechignaient pas à la besogne, mais ils n’entendaient rien aux chevaux ; déjà, ils avaient pris l’habitude de les flatter et de les caresser beaucoup plus qu’il n’était nécessaire.

Le Saint-Siège avait limité à six le nombre des chevaux qu’ils seraient autorisés à emmener. Dans la perspective d’un très long séjour, il avait semblé préférable de choisir des animaux reproducteurs, aussi Marjorie avait-elle accepté de se séparer de sa monture favorite, Reliant, hongre à la magnifique robe baie. Son choix s’était alors porté sur El Dia Octavo, un étalon barbe. Don Quijote, le cheval de Roderigo, venait d’Arabie ; quant à Tony, il montait Millefiori, jument pur-sang, comme l’étaient deux de ses compagnes. La troisième, Irish Lass, était un animal de trait, amené en renfort pour respecter la parité. S’ils étaient condamnés à rester ici une année entière (sur la prairie, une période de douze mois équivalait à deux années terrestres), du moins auraient-ils l’agrément de pouvoir fonder leur propre haras.

Tony les conduisit le long d’une sorte de cluse qui débouchait sur une vallée circulaire, semblable à une vasque d’herbe couleur d’ambre, où il avait déjà promené les chevaux à différentes reprises. Sitôt arrivés, les cavaliers commencèrent le rituel des mouvements de manège, pas, petit trot, trot enlevé, galop d’essai, retour au pas, dans un sens, puis dans l’autre, maintes et maintes fois. Enfin, ils allongèrent le trot, partirent au galop, talonnèrent leurs montures et leur lâchèrent la bride. Après une heure de ces exercices, ils mirent pied à terre afin de laisser les chevaux se reposer.

— Ils ne sont même pas fourbus, fit observer Roderigo. Jamais je n’aurais pensé qu’ils se rétabliraient aussi vite. C’est presque un miracle !

Son petit rire de satisfaction donna beaucoup à penser à Marjorie. Il trame quelque chose, se dit-elle. Son époux, elle ne le savait que trop, n’était jamais plus heureux que lorsqu’il avait mis en œuvre une intrigue.

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