Robert Wilson - La cabane de l'aiguilleur

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La cabane de l'aiguilleur: краткое содержание, описание и аннотация

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À la mort de sa mère, Travis Fisher est recueilli par sa tante, Liza Burack, à Haute Montagne. Malgré la Grande Dépression, la vie y est simple, rythmée par le travail à la fabrique de glace, les sermons à l’église baptiste et les sorties avec Nancy Wilcox. Travis en viendrait presque à oublier son statut d’inadapté. Mais il y a la mystérieuse Anna Blaise, elle aussi hébergée par les Burack. Qui est-elle vraiment ? Quel secret cache-t-elle dans sa chambre systématiquement close ?
Premier roman de Robert Charles Wilson,
contient déjà en germe les ingrédients qui feront le succès de l’auteur, notamment avec
 : une écriture intimiste au service de personnages attachants confrontés à une réalité qui leur échappe.

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La petite Wilcox, Nancy, jaillit de la cabane pour courir vers la berge en bougeant les bras dans tous les sens.

L’ange regarda Creath avec le visage d’Anna, impénétrable.

Le démon avançait à toute allure en direction de Creath.

Se tournant en une espèce de mouvement lent et sans grâce, ce dernier vit Greg Morrow lever son fusil.

« L’Os », dit faiblement Travis. Mais on ne pouvait le rappeler.

Travis tomba à quatre pattes dans la prairie gelée. Tout se déroulait trop vite pour lui. L’Os fonçait sur la prairie comme le spectre de ses propres colères et de ses propres peurs enfin libéré : il va tous les tuer, se dit Travis, Dieu nous vienne en aide, et il pensa à Nancy.

Mais elle avait réussi à sortir de la cabane et venait à sa rencontre. Sans se soucier de sa propre douleur, il se leva et courut vers elle. Elle lui tomba dans les bras, mais il ne put détourner les yeux : il vit L’Os, tout de lumière, de feu et de douleur, approcher des hommes du village, qui s’éparpillèrent devant lui. Nancy sembla vouloir se réfugier en lui, mais il la repoussa : « Écoute, il faut s’enfuir. L’Os est fou, il déborde de haine, car tout ce qu’il a appris ici, c’est la haine, et il faut qu’on lui échappe.

— Non, répondit Nancy. Anna a promis…

— Elle n’a rien promis du tout ! C’est dangereux, ça l’a toujours été ! Nancy… » Il la tira par le bras. « … Viens. »

On peut descendre la berge et suivre la rivière, se dit Travis. Ce serait bien. Cela nous procurerait un peu de sécurité. Mais il ne vit pas, à l’autre bout de la prairie vide, Greg Morrow braquer son fusil, et ne put que ressentir une surprise impuissante quand il entendit le coup de feu, quand il sentit la douleur au moment où la balle lui traversait l’épaule.

La détonation sortit Creath de sa transe. Greg avait visé et raté la chose-démon, ce qui ne semblait pas l’inquiéter : Creath vit le garçon tourner avec un calme surnaturel son arme vers la cabane de l’aiguilleur.

Le démon était presque sur eux, Creath entendait le son qu’il produisait, un gémissement sinistre et inhumain, un hurlement condensant tout le chagrin et l’indignité du monde. Ce bruit le glaça. Il se dit que cette chose devait avoir des yeux, devait voir qu’elle ne pourrait atteindre Greg Morrow avant qu’il accomplisse ce qu’il envisageait si manifestement de faire. Le gamin braqua le canon de son fusil vers la chose dans la cabane… la chose-Anna.

Comme elle était encore belle. Étrangement, il arrivait même à l’admettre (et il semblait avoir le temps d’admettre beaucoup de choses, dans sa nouvelle lucidité, puisque tout évoluait au quart de sa vitesse normale) : le changement qu’elle avait subi aurait dû la rendre abominable. Mais elle ne l’était pas. Simplement délicate, fragile, nimbée de lumière, enveloppée de luminosité ambre et turquoise, ailée de lumière : d’une beauté éthérée, au-delà de la luxure, déchirante ; elle parlait, comme, devina-t-il, elle l’avait toujours fait, à la plus profonde pépite de son moi. Il pensa aux choses perdues, au temps perdu, aux occasions perdues, aux vies tout entières perdues en vivant une vie. Les larmes lui vinrent aux yeux. Je suis trop vieux pour pleurer, se dit-il. Trop vieux, trop fatigué, trop près de la mort. Chatoyante, la mort se précipitait vers lui sur un vent d’automne.

Ce doit être cette beauté que Greg déteste, pensa-t-il en voyant le gamin viser Anna.

Creath soupira. La mort si proche mais pas assez pour sauver Anna. Il s’imagina voir le doigt du garçon se raidir sur la détente.

Son propre fusil se releva d’un coup. Il en eut à peine conscience. Le recul lui percuta l’épaule. Creath cria de douleur.

Greg Morrow tournoya. La balle avait parfaitement atteint sa cible, le tuant net. Son fusil se déchargea – les doigts se crispant par réflexe – mais le projectile alla se perdre.

Creath sentit son propre fusil tomber par terre.

Anna était toujours vivante. Elle tourna les yeux vers lui, impénétrables puits ronds.

C’est bien qu’elle vive, se dit Creath. Au moins ça.

Le démon tomba sur le corps de Greg Morrow, sembla le ramasser et le jeter – mais cela n’avait aucun sens – dans une direction différente de toutes celles perceptibles : le corps disparut tout bonnement. Creath regarda le démon avec calme et décela un visage, indistinct mais plein de rage, et cela aussi, se dit-il, est bon et juste, que la mort ait un visage.

Mains ouvertes, Creath fit face à la créature.

La mort s’abattit sur lui comme une épée enflammée.

« Va, dit Travis à Nancy. Descends la berge. Cache-toi. »

Elle ne voulait pas le quitter, mais elle jeta un coup d’œil à la silhouette de L’Os – de L’Os transformé – et quitta la prairie en sanglotant.

Travis ne pouvait pas bouger. La douleur de sa blessure par balle avait irradié en lui. Toute la fatigue des derniers jours lui était tombée dessus d’un coup, comme le sommeil. Ses paupières pesaient une tonne. Il trouva bizarre de ne ressentir, au bord de la mort, que cette fatigue.

Allongé sur le dos dans la prairie glacée, Travis tourna la tête.

L’automobile avait disparu. L’Os se dirigeait vers les deux hommes restants… Greg et Creath, il reconnaissait leurs silhouettes à la lueur des étoiles, puis Creath leva son fusil (tout cela arrivait trop vite pour qu’on arrive à suivre), mais L’Os était sur eux et ils avaient disparu, jetés dans ces limbes entre les mondes, mis au rebut. Morts.

L’Os se retourna dans sa direction.

Impuissant, Travis regarda le monstre s’approcher de lui.

Il ne restait plus rien de L’Os dans cette chose. Elle était faite de lumière, mais pourvue de substance, car ses pieds s’enfonçaient dans l’herbe de la prairie. Elle sentait l’ozone, les feuilles brûlées, et Travis se dit qu’elle ne pourrait durer longtemps dans ce monde : elle contredisait trop de lois naturelles. Cela se voyait. Une telle chose n’aurait pas dû exister.

Sa rage et sa douleur restaient perceptibles. Il sentit que la chose avait un but, qu’elle cherchait à protéger assez longtemps la chose-Anna pour permettre leur accouplement : elle montrait de l’hostilité envers toute menace. Et elle le connaissait.

Le monstre se pencha sur lui.

Ton propre visage, profond, caché.

Trahi, pensa-t-il, trompé, oui, abandonnant désormais la partie, sans liens, sans qu’il reste d’autres victimes que lui-même. Mais si c’était lui-même, il ne pouvait pas le nier plus longtemps. Il plongea sans peur le regard dans celui, ardent, de l’autre. Le moi se soumettant au verdict du moi. Dieu sait qu’il l’avait fait aux autres. Il s’en était pris à sa mère mourante, à Nancy quand elle avait besoin de lui ; il s’en prenait maintenant à lui-même, rien de plus logique. « Tue-moi, murmura-t-il. Tue-moi donc, si c’est ce que tu es venu faire. »

Mais la créature se détourna. Elle alla dans la cabane, la prairie se retrouva soudain tout simplement vide. Travis béa aux étoiles.

Nancy se précipita vers lui, en larmes.

Elle étancha sa blessure et lui fit une espèce d’oreiller avec l’herbe de la prairie. Elle ôta son manteau qu’elle étendit sur lui.

La nuit étant froide, Travis en éprouva de la reconnaissance.

19

Elle le tint au chaud pendant le reste de la nuit. Travis fut conscient par intermittence. Il s’imagina voir les étoiles tourner au-dessus de lui. À l’arrivée de l’aube, il demanda : « Ils sont là-dedans ?

— Dans la cabane ? Oui. »

Il se redressa, en un effort épouvantable. « Il te faut un médecin », dit Nancy.

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