René Barjavel - La nuit des temps

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La nuit des temps: краткое содержание, описание и аннотация

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Cette unanimité n’entamait pas la conviction des paléontologues. Ils criaient à la supercherie, à l’erreur, à la distorsion de la vérité. Pour eux, il n’y avait pas de doute : moins de 900 000 ans, c’était à peu près le début du Pléistocène. A cette époque, tout ce qui pouvait exister en guise d’homme, c’était l’Australopithèque, c’est-à-dire une espèce de primate minable auprès de qui un chimpanzé aurait fait figure de civilisé distingué.

Ces installations et ces individus qu’on avait trouvés sous la glace, ou bien c’était faux, ou bien c’était récent, ou bien ça venait d’ailleurs, ou bien ça avait été placé là par des imposteurs. Ça ne pouvait pas être vrai. C’était IMPOSSIBLE.

Réponses de passants interrogés à la sortie du métro à Saint-Germain-en-Laye :

Le reporter TV. — Vous pensez que c’est vrai ou que c’est pas vrai ?

Un monsieur bien vêtu. — Quoi qui est pas vrai ?

Le reporter TV. — Les trucs sous la glace, là-bas, au pôle...

Le monsieur. — Oh ! vous savez, moi... Faudrait voir !...

Le reporter TV. — Et vous, madame ?

Une très vieille dame émerveillée. — Ils sont si beaux ! Ils sont tellement beaux ! Ils sont sûrement vrais !

Un monsieur maigre, brun, frileux, énervé, s’empare du micro. — Moi, je dis : pourquoi les savants ils veulent toujours que nos ancêtres soient affreux ? Cro-Magnon et compagnie, genre orang-outang ? Les bisons qu’on voit sur les grottes d’Altamira ou de Lascaux, ils étaient plus beaux que la vache normande, non ? Pourquoi pas nous aussi ?

A l’O.N.U., l’Assemblée se désintéressa subitement des deux êtres dont le sort avait motivé sa convocation.

Le délégué du Pakistan venait de monter à la tribune et de faire une déclaration sensationnelle.

Les experts de son pays avaient calculé quelle devait être la quantité d’or constituée par la Sphère, son piédestal et ses installations intérieures. Ils étaient arrivés à un chiffre fantastique. Il y avait là, sous la glace, près de 200 000 tonnes d’or ! C’est-à-dire plus que la somme de l’or contenu dans toutes les réserves nationales, dans toutes les banques privées et dans tous les avoirs individuels et clandestins ! Plus que tout l’or du monde !

Pourquoi avait-on caché cette vérité à l’opinion ? Que préparaient les grandes puissances ? S’étaient-elles mises d’accord pour se partager cette richesse fabuleuse, comme elles se partageaient déjà toutes les autres ? Cette masse d’or, c’était la fin de la misère pour la moitié de l’humanité qui souffrait encore de la faim et manquait de tout. Les nations pauvres, les nations affamées, exigeaient que cet or fût découpé, partagé, et réparti entre elles au prorata du chiffre de leur population.

Les Noirs, les Jaunes, les Verts, les Gris, et quelques Blancs se dressèrent et applaudirent frénétiquement le Pakistanais. Les Nations Pauvres formaient à l’O.N.U. une très large majorité que l’habileté et le droit de veto des grandes puissances tenaient de plus en plus difficilement en échec.

Le délégué des Etats-Unis demanda la parole et l’obtint. C’était un grand homme mince qui portait d’un air las l’hérédité distinguée d’une des plus anciennes familles du Massachusetts.

D’une voix sans passion, un peu voilée, il déclara qu’il comprenait l’émotion de son collègue, que les experts des Etats-Unis venaient d’arriver aux mêmes conclusions que ceux du Pakistan, et qu’il s’apprêtait justement à faire une déclaration à ce sujet.

Mais, ajouta-t-il, d’autres experts, en examinant des échantillons de l’or du pôle, étaient parvenus à une autre conclusion : cet or n’était pas un or naturel , c’était un métal synthétique, fabriqué par un procédé dont on ne pouvait se faire aucune idée. Nos physiciens atomistes savaient aussi fabriquer de l’or artificiel, par transmutation des atomes. Mais difficilement, en petite quantité, et à un prix de revient prohibitif.

Le véritable trésor enfoui sous la glace, ce n’était donc pas telle ou telle quantité d’or fût-elle considérable, mais les connaissances enfermées dans le cerveau de cet homme ou de cette femme, ou peut-être des deux. C’est-à-dire non seulement les secrets de la fabrication de l’or, du zéro absolu, du moteur perpétuel, mais sans doute une quantité d’autres encore beaucoup plus importantes.

— Ce qu’on a trouvé au point 612, poursuivit l’orateur, permet en effet de supposer qu’une civilisation très avancée, se sachant menacée par un cataclysme qui risquait de la détruire entièrement, a mis à l’abri, avec un luxe de précautions qui a peut-être épuisé toutes ses richesses, un homme et une femme susceptibles de faire renaître la vie après le passage du fléau. Il n’est pas logique de penser que ce couple ait été choisi uniquement pour ses qualités physiques. L’un ou l’autre, ou les deux, doit posséder assez de science pour faire renaître une civilisation équivalente à celle dont ils sont issus. C’est cette science que le monde d’aujourd’hui doit songer à partager, avant toute autre chose. Pour cela, il faut ranimer ceux qui la possèdent et leur faire place parmi nous.

— If they are still alive [3] S'ils sont encore vivants. , dit le délégué chinois.

Le délégué américain eut un geste léger de la main gauche et une esquisse de sourire, qui, ajoutés l’un à l’autre, signifiaient très poliment, mais avec le plus total mépris :

— Bien entendu...

Il regarda toute l’assemblée d’un air absent et ennuyé, et poursuivit :

— L’Université de Columbia est parfaitement équipée en savants et en appareils pour réaliser cette réanimation. Les Etats-Unis se proposent donc, avec votre accord, d’aller chercher au point 612 l’homme et la femme dans leurs blocs de froid, de les transporter avec toutes les précautions nécessaires et la plus grande célérité, jusqu’aux laboratoires de Columbia, de les tirer de leur long sommeil et de les accueillir au nom de l’humanité tout entière.

Le délégué russe se leva en souriant et dit qu’il ne doutait ni de la bonne volonté américaine ni de la compétence de ses savants. Mais l’U.R.S.S. possédait également, à Akademgorodok, les techniciens, les théoriciens et l’appareillage nécessaires. Elle pouvait, elle aussi, se charger de l’opération de réanimation. Mais il ne s’agissait pas en ce moment capital pour l’avenir de l’humanité de faire de la surenchère scientifique et de se disputer un enjeu qui appartenait à tous les peuples du monde. L’U.R.S.S. proposait donc de partager le couple, elle-même prenant en charge l’un des deux individus, et les Etats-Unis s’occupant de l’autre.

Le délégué pakistanais éclata. Le complot des grandes puissances s’étalait en pleine lumière ! Dès la première minute elles avaient décidé de s’attribuer le trésor de 612, que ce fût un trésor monétaire ou un trésor scientifique. Et, en se partageant les secrets du passé, elles se partageaient la suprématie de l’avenir, comme elles possédaient déjà celle du présent. Les nations qui s’assureraient le monopole des connaissances enfouies sous le point 612 posséderaient une maîtrise du monde totale et inébranlable. Aucun autre pays ne pourrait plus jamais espérer se soustraire à leur hégémonie. Les nations pauvres devaient s’opposer de toutes leurs forces à la réalisation de cet abominable dessein, dussent les deux êtres venus du passé rester pour toujours dans leur carapace d’hélium !

Le délégué français, qui était allé téléphoner à son gouvernement, demanda à son tour la parole. Il fit paisiblement remarquer que le point 612 se trouvait à l’intérieur de la tranche du continent antarctique qui avait été attribué à la France. C’est-à-dire en territoire français. Et, de ce fait, tout ce qu’on pouvait y découvrir était propriété française...

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