J’ai des envies de meurtres, de violences, l’un rend déjà ses comptes chez Satan, les deux autres ne tarderont pas. Je vais les retrouver et faire de l’exorcisme de haute voltige. C’est parti pour la Saint-Barthélemy des pervers, le bain de sang des pédophiles, la terreur des salopards.
S’affichent des moments de perversions absolues. C’est l’immonde monté comme un poney qui tient le premier rôle. Il exhibe son salami avant de passer à l’acte. C’est bon, j’ai vu qu’il n’y avait rien qui puisse m’aider. Une seule certitude, ils étaient trois, plus que deux dorénavant. Deux bien moins cons que feu l’assistant du légiste, puisqu’ils n’apparaissent jamais à visage découvert.
J’ai envie d’arrêter là, je ne peux pas en supporter davantage. J’étais à l’autopsie, je sais ce qu’elle a enduré. Je n’ai pas envie de savoir quel objet a servi à quelle torture. Mais quelque chose me pousse à aller jusqu’au bout, à boire le calice jusqu’à la lie.
Pas par voyeurisme, ni par avidité morbide. Non, je me dis juste que si ça se trouve, dans les suivantes, je remarquerai quelque chose, un détail, un indice, une piste…
Je clique, je continue ma descente aux enfers. Les deux tortionnaires frappent, violent, brûlent, piquent. Des barbares. Martine est comme résignée, je sens qu’elle connaît l’issue, elle sait que la seule libération possible c’est la mort.
Voilà j’ai vu la môme mourir, en différé. J’ai assisté impuissant à sa mise à mort. Le toubib avait raison, une fois que l’étalon sadique a tout donné, il a utilisé divers objets comme phallus de substitution. Sur un cliché, Martine à l’air d’un poisson hors de l’eau, elle s’asphyxie. Deux images après, elle est partie vers d’autres cieux. Cette merde de Crémier a alors enfoncé la lance profondément. L’extase se lit sur le visage de ce salaud.
Martine a encore la balle dans la bouche, c’est hors champ que le bâillon a été défait et la pierre glissée dans sa bouche, en aucun cas cela ne faisait partie de la mise en scène, c’était bien un message qui m’était destiné.
J’ai vu, j’ai vu sans voir. Je suis hypnotisé devant l’écran noir. Je sais que j’ai loupé un truc. Mon cerveau me dit que je suis passé à côté de quelque chose, mes yeux n’ont pas relevé un détail. J’en suis certain mais lequel ?
Je décide de me repasser le diaporama de l’horreur. Non pas que je n’en ai pas pris assez dans la gueule, non, je vais le regarder différemment. J’étais trop obnubilé par Martine. Je n’ai fait qu’observer la môme. J’essuie l’humidité qui perle à mes yeux et je replonge vers l’abîme.
Cette fois je fais abstraction de la petite, et même du grand con, je me concentre sur la poutre de Bamako, juste sur lui. Les deux autres je les connais. La pauvre môme ne méritait pas cela, Crémier méritait pire. Pour eux je ne peux plus rien, elle je ne peux la sauver, lui je ne peux plus le punir. Mais l’homme à la cagoule lui, je vais me le faire.
J’arrive à trouver quatre vues intéressantes, en haute déf, une de dos, une de face, une du côté gauche et une du côté droit. J’ai donc le gus sous tous les angles. Outre ce que j’avais visualisé du premier coup d’œil. Une musculature d’athlète et un braquemart à rendre fou de jalousie Rocco Siffredi et Ourasi réunis, je peux maintenant m’attarder sur d’autres points.
La couleur de ses yeux, très foncés, presque noirs. Ça me rappelle la vision fugace à l’église. S’il a des cheveux je peux en déduire qu’ils sont certainement bruns. Des cicatrices, à force de me faire mal aux yeux sur l’écran, j’en ai relevé trois, une sur l’avant-bras droit, celle de l’appendicite et une sur le haut de la cuisse gauche, vers l’extérieur. Une bonne dizaine de centimètres, certainement une ancienne fracture ouverte.
Mais surtout j’ai remarqué un détail bizarre, la couleur de sa peau par endroit est changeante, j’ai d’abord pensé à une maladie de l’épiderme, genre le molluscum contagiosum de ta belle-mère, celui qu’elle a sur la joue gauche et qui te fout la gerbe quand tu dois lui claquer la bise. Mais en agrandissant les images, en observant attentivement au fil des fichiers, j’ai remarqué que cela changeait légèrement. Et là j’ai compris…
Du fond de teint ! C’est tout simplement du maquillage. Il en a sur les épaules, le torse et en haut de la cuisse droite. Le type se camoufle et il est tatoué, mais je ne vois pas les dessins qui sont incrustés dans sa peau, sauf sur sa guibole. Elle a dû frotter contre le corps de Martine lorsqu’il la forçait. Ce cinglé à un cilice tatoué. C’est un indice maigre, certes, mais je le note dans mon petit calepin. Je sais dorénavant que le mec est baraqué, disproportionné du mandrin, décoré d’un cilice sur la cuisse droite, les yeux foncés et les cheveux — si existant — noirs et courts.
Oui, parce que s’il avait des cheveux longs, cela se serait vu avec la cagoule, essaie de suivre, je t’en remercie à l’avance. Et puis pendant la communion j’ai repéré sa perruque, n’oublie pas.
24
Chapitre où la chance frappe à ma porte, mais pas que…
Régis se ramène avec deux cafés, il a l’air toujours aussi abattu, j’entrevois ma gueule dans le miroir au-dessus du lavabo. Je dois avouer que je ne suis pas mieux que mon pote.
Des cernes sous les yeux et un teint gris, tu croirais que j’ai passé la nuit avec la maquilleuse de Marilyn Manson. En plus j’ai les calots injectés de sang, entre les abus de la veille avec mister Jack et le temps que je viens de passer sur l’écran, je ne t’explique pas les dégâts.
— Alors tu as trouvé quelque chose ?
Je fais quoi ? Aller, je ne vais pas être chien, de toute façon plus on sera à chercher, plus on aura de chance de faire tomber ce fumier et son complice.
— Regarde, j’ai isolé le catcheur et recadré certaines parties de son corps…
— J’avais déjà remarqué cette particularité, mais bon, je ne sais pas si on a déjà chopé un mec grâce à une identification de sa queue ?
Il se marre, moi aussi, cela peut te paraître outrancier, ignoble, pourri, dégueulasse, salaud, les photos de la môme sont là, dans la bécane, et nous on se fend la poire sur une vanne plus que pourrie. C’est un exutoire, l’humour parfois c’est un bouclier. Comme un parapet face aux abysses de la connerie humaine.
— Non, laisse tomber son vilebrequin pour l’instant. Mate un peu, tu vois ? Du fond de teint. Il dissimule ses tatouages, là, c’est un cilice, j’en suis sûr…
— C’est quoi ton truc ? De la silice ?
— Non, un cilice, c’est un gadget de l’Opus Dei, un groupuscule un poil intégriste de chez nous. C’est une chaîne métallique munie de clous que tu serres sur ta jambe, cela pénètre tes chairs. Ça pique bien sa race, c’est pour mortifier et soumettre le corps qu’ils disent les mecs…
— Tu as déjà porté ça toi ?
— T’es con ou quoi ? Un, je ne fais pas partie de l’Opus Dei, deux je me mortifie à l’aide de spiritueux ambrés, je préfère.
— Tu crois que ce mec fait partie de l’Opus machin ?
— Régis… c’est juste un tatouage ! C’est pas un vrai. Ce mec est un cinglé qui doit trouver cela joli. Je ne serais pas étonné par contre que ce pourri en utilise sur certaines de ses victimes.
— Ouais, c’est bien, on sait que le gars a les yeux noirs et qu’il est tatoué, on va vite le mettre en cabane, c’est moi qui te le dis !
— Ne sois pas défaitiste, c’est déjà ça. Pense que tes collègues vont peut-être trouver quelque chose avec la vidéo…
— Je l’espère vraiment, je sais que tu connaissais la petite Rutebeuf, je… je te jure qu’on va les serrer.
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