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Frédéric Dard: C'est toi le venin

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Frédéric Dard C'est toi le venin
  • Название:
    C'est toi le venin
  • Автор:
  • Издательство:
    Éditions Fleuve Noir
  • Жанр:
  • Год:
    1957
  • Город:
    Paris
  • Язык:
    Французский
  • Рейтинг книги:
    5 / 5
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C'est toi le venin: краткое содержание, описание и аннотация

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Victor Menda a tout perdu dans un casino de la Côte d'Azur. Alors qu'il erre la nuit, désabusé, il a une brève aventure avec une femme mystérieuse dont il ne réussit pas à voir le visage. En recherchant sa trace, il fait la connaissance des demoiselles Lecain, de riches héritières vivant recluses. L'aînée, Hélène, s'occupe avec dévouement de sa sœur Eve, une infirme de vingt ans, clouée sur son fauteuil roulant. L'irruption du jeune homme dans leur vie agit comme un catalyseur. Si Eve tombe très vite sous le charme de Victor, lui n'a d'yeux que pour Hélène… Un triangle amoureux à l'équilibre précaire se met en place. Mais les apparences sont trompeuses et quelqu'un tire les ficelles dans l'ombre. Une seule question : qui ?

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Je suis entré dans la chambre abandonnée d’Ève. Elle était vide. La porte n’avait pas encore été réparée bien que nous ayons téléphoné plusieurs fois au menuisier.

J’ai vérifié quelque chose… Une toute petite chose qui soudain prenait des proportions fantastiques. Une chose à laquelle je n’avais pas pris garde, l’autre nuit, tout au tragique de la situation… Le verrou adhérait toujours à la porte enfoncée, ainsi que la clenche sur le montant. Comprenez bien : cela signifiait que, lorsque j’avais fait sauter cette porte, elle était fermée à clé et non au verrou comme l’avais cru sur le moment. Et cru cela parce qu’Hélène me l’avait dit…

Elle me considérait d’un air atone tandis que j’examinais le verrou.

— Hélène…

— Oui ?

— L’autre nuit, lorsque je suis arrivé ici, j’ai cru que vous secouiez le loquet, en réalité vous fermiez à clé après être sortie de cette pièce…

— Vous êtes fou !

— Je commence à me demander si ça n’est pas vous !

— Je vous interdis de m’insulter !

Je l’ai prise par le bras et je l’ai secouée.

— Et vous m’avez dit de passer par la salle de bains avant d’enfoncer la porte pour bien me montrer qu’Ève s’était enfermée ! Vous avez voulu créer une psychose de local clos, n’est-ce pas…

— Mais c’est invraisemblable, Victor… Qu’est-ce qui vous prend, tout à coup ?

Au lieu de répondre, je lui ai levé une jambe et j’ai arraché l’une de ses pantoufles de cuir. Renversant la chaussure, j’ai fait couler sur le tapis le sable qu’elle contenait.

— Hélène, vous prétendez ne pas être sortie cette nuit, et pourtant il y a du sable dans vos pantoufles !

C’est ce qui l’a clouée !

Elle a ouvert la bouche, mais aucun son n’en est sorti.

— Vous détestez votre sœur, n’est-ce pas ?

Alors elle s’est mise à pleurer, doucement. Elle a reculé jusqu’à une banquette et s’y est laissée choir.

— Je n’en pouvais plus, a-t-elle chuchoté, si bas que je lisais ses paroles sur ses lèvres plus que je ne les entendais… Non, je n’en pouvais vraiment plus, Victor…

Que pouvais-je dire ? Je voyais bien qu’elle arrivait au terme d’un long voyage dans des limbes grises. Elle n’en pouvait plus, en effet.

— Depuis des années, j’étais prisonnière de ce sale fauteuil à roulettes. Vous comprenez ?

J’ai répondu « oui ». Je comprenais très bien, en effet, ce drame du devoir fraternel. Hélène avait fait le sacrifice de sa liberté, de sa jeunesse… Et puis, un jour, cette situation lui était apparue dans toute sa désespérante inertie…

— L’infirme, c’était en réalité moi, Victor…

— Pourquoi cette mascarade ? Pourquoi avoir tourmenté Ève alors qu’il vous suffisait de la quitter ?

— Je n’aurais pas eu le courage de la quitter.

— Mais vous avez eu celui de lui jouer la plus atroce des comédies ! Vous avez cherché à lui faire croire qu’elle était folle, qu’elle marchait sans le savoir ! Vous rendez-vous compte de la cruauté d’un tel acte ?

— Ce n’est pas à elle que j’ai voulu faire croire ça…

— C’est à qui, à moi ?

— Oui, Victor, à vous.

— Mais, pourquoi, grand Dieu ?

Elle a baissé la tête sans répondre. Son front était traversé d’une ride mauvaise. Sa mâchoire saillait, et je ne l’ai plus trouvée belle du tout.

— Parce que, pour l’accomplissement de mon plan, il fallait qu’on croie à ces fugues nocturnes… Voilà pourquoi j’ai fait toute cette mise en scène… L’idée m’en est venue le jour où vous m’avez fait part de vos doutes… J’y ai vu l’occasion rêvée de me débarrasser d’elle.

— Vous débarrasser d’elle !

J’ai bondi, fou d’angoisse.

— Où est-elle, Hélène ?

Comment se pouvait-il que j’ai oublié de lui poser cette question avant toutes les autres !

— Je l’ignore…

— En voilà assez ! Où est Ève ?

— Je… je l’ai sortie dehors…

— Où ?

— Dans le bois de pins…

— Très bien, allons la chercher…

Un vaste écœurement s’emparait de moi. Je trouvais la vie infiniment laide ; l’acte odieux d’Hélène me révoltait à un tel point que mon amour pour elle se muait en mépris.

— Allez, venez !

Elle secouait la tête.

— Non, non… Allez-y, Victor… Je ne m’en sens pas la force…

Je l’ai soulevée par un bras et l’ai entraînée.

— Suffit, arrivez !

Sans la lâcher, je lui ai fait dévaler l’escalier. Nous avons traversé le hall, descendu le perron… Elle n’avait qu’une pantoufle et j’étais pieds nus, mais ça n’avait pas d’importance. Je sentais, — une voix mystérieuse me le chuchotait —, que je devais faire vite…

Coupant à travers les pelouses, j’ai foncé vers la pinède. La nuit était assez claire et peuplait le bois de longues ombres inquiétantes. Hélène me suivait en gémissant.

— Laissez-moi, Victor… Je vous en supplie.

— Où l’avez-vous déposée ?

— Par là…

J’avais beau regarder, je ne voyais rien. Je regrettais de ne pas m’être muni d’une lampe électrique.

— Si vous l’aviez laissée ici, ai-je grondé au bout d’un moment, je l’apercevrais… Vous me mentez…

Elle n’a rien répondu. Elle prêtait l’oreille et ses traits se crispaient. Un immense vide béait dans ses yeux. J’ai écouté à mon tour. Et je me suis mis à hurler… J’avais compris. Ce qu’on entendait, c’était le halètement d’un train tout proche. Je me suis rappelé que la voie ferrée passait au bas de la pinède…

— Salope ! vous l’avez déposée sur la voie, hein ?

Elle a eu un aveu très bref. Je me suis élancé, sans prendre garde aux aiguilles de pin qui se plantaient dans mes pieds…

Le grondement du train s’intensifiait, dominant le puissant murmure de la mer… Je courais tellement vite que, sous mes pieds, le monde était pareil à un tapis roulant qui aurait fonctionné à toute allure.

Je fonçais à travers les buissons de lentisques, j’escaladais les monticules, n’ayant en tête qu’une idée : trouver Ève avant le passage de ce train qui grondait non loin de là dans l’ombre. J’ignorais de quel côté il arrivait car à cet endroit la voie décrivait une courbe et la colline renvoyait le bruit du convoi. Mais je savais qu’il était proche…

Enfin je suis arrivé au pied de la colline, il restait une lamentable barrière de fils de fer à franchir, je l’ai sautée. J’ai pris durement contact avec les cailloux pointus de la voie ferrée. Au loin, sur la droite, les fanaux du convoi arrivaient à ma rencontre, surmontés d’un panache de fumée qui embrumait le ciel… J’ai regardé les rails luisants sur lesquels glissait un clair de lune de carte-postale…

J’ai poussé un gémissement. Une forme claire barrait le parallélisme de la voie entre le train et moi…

J’ai respiré bien à fond, car je ne pourrais plus m’offrir ce luxe avant un moment. Puis, les jambes folles à force de vélocité, je me suis rué vers Ève…

Je bondissais de traverses en traverses, ignorant le danger effroyable qui me menaçait pour ne songer qu’à cette paralytique endormie sur les rails.

Vaguement, j’ai perçu derrière moi la voix aiguë d’Hélène qui m’appelait.

— Victoooor ! N’y va pas ! Attention ! Laisse-la… Laisse-la !

Ça m’a, je crois, stimulé. Il fallait qu’elle ait le meurtre chevillé à l’âme pour vouloir encore la mort de sa sœur à cet instant. Le train arrivait. Les lumières de ses fanaux luttaient maintenant avec le clair de lune sur l’acier poli du rail. J’ai eu un suprême élan et je suis tombé sur Ève.

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