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Georges-Jean Arnaud: L'éternité pour nous

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Georges-Jean Arnaud L'éternité pour nous
  • Название:
    L'éternité pour nous
  • Автор:
  • Издательство:
    Éditions Fleuve Noir
  • Жанр:
  • Год:
    1960
  • Город:
    Paris
  • Язык:
    Французский
  • Рейтинг книги:
    5 / 5
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L'éternité pour nous: краткое содержание, описание и аннотация

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« — J’étais à bout. Vous m’avez prise de vitesse. C’est peut-être la preuve de votre génie. Mais que vous le vouliez ou non, nous sommes complices. Seulement, je veux que vous sachiez une chose. Jamais je ne supporterai que vous ayez quelque pouvoir sur moi. J’accepte vos conditions. Je ne peux pas faire autrement. Dans l’état actuel des choses, je serais arrêtée et condamnée. Vous m’en avez persuadée. Mais je lutterai. Jusqu’au bout. »

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Autant Agathe était brune, autant mon amie était blonde. Elle était de petite taille et potelée. Ses yeux étaient noisette. Dans le pays, elle avait beaucoup de succès, surtout avec ses séances de strip. Nous nous connaissions depuis cinq ans. Elle m’aimait alors avec inquiétude, se demandant toujours combien de temps ça durerait.

— Qu’est-ce que vous prenez, Brigitte ?

— Comme vous.

Paul loucha dans son décolleté. Elle avait des seins plantureux, intégralement bruns. Cela me coûtait cher l’hiver en séances de solarium artificiel. Mais elle ne pouvait se permettre dans son métier d’être mi-blanche mi-brune. C’était l’un ou l’autre. En définitive, la dernière solution était la meilleure. Nous travaillions beaucoup dans le Midi. Il lui aurait été difficile de conserver la peau laiteuse. Parfois, j’étais fatigué de son corps intégralement bronzé.

— Elle est là ?

C’était toujours de la patronne qu’il s’agissait quand nous nous exprimions ainsi.

— Non, elle doit être allée voir son mari.

Brigitte frissonna.

— Vous croyez qu’il va mourir ?

— Sûr, dit Paul allègrement en tirant un autre demi.

Mon amie lui jeta un regard mauvais.

— Ne parlez pas ainsi. Je… Je déteste que quelqu’un meure autour de moi.

Paul ricana mollement, vaguement vexé.

— Vous croyez qu’elle fermera ? demanda Brigitte avec anxiété.

Je compris qu’elle se faisait du souci pour notre paye. Trois jours de fermeture, c’était deux semaines d’hiver sans bouffer.

En homme avisé qui en a vu d’autres, le barman secoua la tête.

— Pensez-vous qu’elle va fermer ! Elle est trop intéressée. Elle prendra juste le temps d’aller à l’enterrement. D’ailleurs, ils ne sont pas du pays et je crois qu’ils n’ont qu’une famille assez vague.

Brigitte plongea sa bouche ronde dans la mousse de la bière et but avidement. Boire, manger, aimer, elle faisait tout avidement, avec l’impression que, sinon, elle pourrait perdre quelque chose. Toujours cette hantise de souffrir dans les jours à venir.

— La bière me donne faim, murmura-t-elle. Paul, je peux avoir un sandwich ?

Le barman ouvrit le guichet qui le séparait de la cuisine et demanda :

— Pâté, jambon, gruyère ?

— Pâté.

Je rejoignis ma place pendant que Brigitte s’installait sur un tabouret de bar. Sa jupe remontait au-delà de ses genoux. Une sourde irritation bouillonnait en moi et je ne savais qui en rendre responsable. Peut-être Agathe Barnier. À cause de ce qu’elle m’avait dit. L’hiver, pour elle, c’était l’époque des voyages, du confort, de la vie facile. Je songeais à celui que nous avions passé dans une chambre glaciale de la banlieue parisienne. Un kilo de sucre nous faisait deux jours. Il n’y avait que le refuge du lit pour avoir chaud et, faute d’être lavés souvent, les draps sentaient le rance.

Une toute jeune fille entrait avec son cavalier et me regardait les yeux ronds. Je jouais avec une sorte de frénésie, extériorisant ma hargne. Je repris un rythme plus langoureux et ils allèrent s’installer au bar, me masquant Brigitte et Paul.

À six heures, comme dans un ballet bien au point, les trois serveuses apparurent, sortant de la cuisine, et commencèrent d’installer les tables de la terrasse et celles de l’intérieur. L’une d’elles, Paulette, était assez jolie et m’adressait des regards incendiaires qui rendaient Brigitte folle.

C’était l’heure où je m’animais. Les familles revenaient de la plage et s’arrêtaient à la terrasse pour l’apéritif. Les gosses réclamaient des glaces et les femmes se retournaient pour voir Brigitte.

Je la surveillais à cette heure-là. Elle avait tendance à boire plusieurs apéritifs et Paul lui en offrait en cachette. Sans vergogne, il lui faisait la cour et, quand elle se déshabillait après minuit, il la dévorait des yeux.

Le couple du bar s’approcha de la petite estrade et la fille me demanda « Only you », l’attitude provocante. Brigitte s’en rendit compte et sauta de son tabouret, découvrant ses cuisses.

J’ai joué tandis que la gamine rêvassait, appuyée au pot du palmier. Son flirt boudait sur la terrasse en fumant des cigarettes, tandis que Brigitte feuilletait furieusement mes partitions derrière le piano.

Une fois l’air terminé, j’ai marqué un temps d’arrêt. La gamine a souri.

— Je vous dois quelque chose ?

Brigitte a tourné la tête pour lâcher :

— Pour les enfants, c’est gratuit !

Vexée, la petite est partie, la croupe houleuse sous le short à carreaux.

— Elles m’énervent, ces mômes ! rageait Brigitte. C’est toutes des petites putains !

Le piano est une arme splendide. Vous jouez plus fort et vous couvrez immédiatement la voix de votre adversaire. Brigitte s’en retourna au bar. Pour notre réconciliation, je lui fis entendre « la Comparsita ». Elle soutenait que cet air avait présidé à notre rencontre, mais je ne m’en souvenais pas. Elle continua de bouder et je ne m’en souciai plus.

Agathe Barnier revint, un pli entre les sourcils et la bouche dure.

— Le vieux va mieux ! pensai-je.

Elle s’en prit à Paul, puis toisa Brigitte. Celle-ci sortit ostensiblement un billet de mille et paya sa consommation. Mentalement je la traitai d’imbécile. Un billet de mille entamé, c’était fichu. Brigitte a toujours eu peur de ce genre de femme. Elle capitule aisément.

Puis elle vint à moi.

— Mais jouez donc… On n’entend rien de la terrasse.

— Si la sonorisation était meilleure ! fis-je en haussant les épaules.

Pourtant, elle restait là, les yeux vagues, comme si elle ne me voyait pas. J’effleurai les touches et murmurai :

— Ça ne va pas ?

En même temps, je pensais que consoler une femme pareille, l’avoir entre ses bras, triste ou en pleurs, devait être un exploit peu commun.

— Si… L’air est étouffant aujourd’hui, m’a-t-elle simplement répondu.

Pour la première fois, elle avait une réponse assez humaine.

Simplement pour lui faire plaisir et parce qu’il y avait du monde à l’apéritif, j’ai joué jusqu’à sept heures et demie.

Brigitte avait commencé de manger dans la cuisine. Le chef se nommait Corcel. Il était chic avec nous et nous servait plantureusement.

— Qu’est-ce qui te prend de faire des heures supplémentaires ? me demanda Brigitte la bouche pleine.

Je m’assis en face d’elle au bout de la table sur laquelle Corcel travaillait.

— J’étais en forme.

— Tu es idiot.

Elle avait bu un petit coup de trop. J’enlevai de devant elle la bouteille de pelure d’oignon et la mis de mon côté. Elle me regarda avec des yeux désespérés d’où ne tardèrent pas à couler les larmes.

Corcel me cligna de l’œil sans raison.

Agathe entra, une fiche à la main. C’était elle qui faisait le maître d’hôtel.

— Deux soles meunière ! lança-t-elle.

— Merde, dit Corcel, il n’en reste qu’une ! J’ai bien une limande, mais ils vont gueuler.

— Je vais voir, dit Agathe.

Sa voix était lasse. Au passage, elle s’arrêta derrière Brigitte et me regarda.

— Pourquoi avez-vous joué une demi-heure de plus ? Vous croyez que je vais vous la payer ?

Je bus mon verre de rosé tranquillement.

— Pour le plaisir. Vous ne faites rien pour le plaisir, vous ?

Brigitte effaçait sa tête entre ses épaules. Agathe Barnier me sourit sans aucune restriction. Elle sortit de la cuisine. Corcel se tapait sur les cuisses et la femme qui l’aidait en gloussait au-dessus de la friteuse.

— Tu vas fort ! murmura Brigitte.

— Et elle, tu crois qu’elle nous ménage ?

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