Karine Giébel - Les morsures de l'ombre

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Les morsures de l'ombre: краткое содержание, описание и аннотация

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Une femme rousse, plutôt charmante. Oui, il se souvient. Un peu… Il l’a suivie chez elle… Ils ont partagé un verre, il l’a prise dans ses bras… Ensuite, c’est le trou noir. Quand il se réveille dans cette cave, derrière ces barreaux, il comprend que sa vie vient de basculer dans l’horreur. Une femme le retient prisonnier. L’observe, le provoque, lui fait mal.
Rituel barbare, vengeance, dessein meurtrier, pure folie ?
Une seule certitude : un compte à rebours terrifiant s’est déclenché.
Combien de temps résistera-t-il aux morsures de l’ombre ?
Ça ressemble a un jeu. Le premier qui bouge a perdu. Dans ce roman noir magistral et tendu à l’extrême, Karine Giébel nous entraîne dans un huis clos glaçant au cœur de la folie. Un livre dont on ne ressort pas indemne.

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— Je suis venu tirer un petit coup, capitaine ! Vous avez quelque chose contre ça ?! C’est interdit par le Code pénal ?

— C’est ça, fais le malin !…

— J’veux voir mon avocat ! exige Duprat.

— Il viendra, en temps voulu.

— Ben, voyons ! Je suis sûr que vous l’avez même pas encore appelé !

— Désolée, on a du mal à le joindre ! ricane Fashani. Bon, j’aimerais que tu me dises ce que tu foutais le lundi 13 décembre, entre 18 heures et minuit.

— J’ai rien à vous dire !

— Tu ferais mieux de parler, pourtant…

— De quoi on m’accuse, au juste ?

— Tu te souviens du commandant Benoît Lorand ? Le visage du prévenu se crispe.

— Difficile d’oublier ce gros connard !

— Tu te rappelles avoir proféré des menaces à son encontre, lorsqu’il t’a serré ?

José hausse les épaules.

— Vous savez, j’étais énervé… Et quand je suis en rogne, je dis un peu n’importe quoi !… Mais pourquoi cette question ?

Soudain, il sourit. Ses yeux de bovin s’illuminent d’un soupçon de perspicacité.

— Me dis pas qu’il s’est fait buter ?! C’est ça ? Il s’est fait fumer ? Génial ! Un poulet en moins !

Djamila lui flanque une gifle qui manque de l’éjecter de sa chaise. Il est surpris, mais reste stoïque.

— T’as de la chance d’être une gonzesse…

— Ta gueule !

— Faudrait savoir ! Tu veux que je cause ou que je me taise ?!

— Alors, tu faisais quoi, le 13 ?

— Ben… J’avoue que je m’en souviens plus trop. Attends voir… J’étais sans doute avec une jolie nana !

— Je vais perdre patience, Duprat…

— Tu perds surtout ton temps, ma poulette ! Parce que tu vois, même si je suis ravi d’apprendre que quelqu’un a eu l’intelligence de refroidir ce fumier, malheureusement, c’est pas moi ! J’aurais bien aimé m’en charger, je t’assure… Mais c’est pas moi !

— Pourquoi le détestes-tu autant ?

— Tu veux vraiment que je te dise, beauté ?… Ce mec est un sale con. Et pas seulement parce que c’est un flicard ! Parce qu’il a utilisé des moyens pas jolis-jolis pour m’alpaguer !

— Quels moyens ? questionne Djamila en allumant une clope.

— T’en as pas une pour moi ?

— Va te faire voir… Quels moyens ?

— Il est devenu mon pote… M’a fait croire qu’il voulait bosser avec moi. Il avait une bonne tête, je me suis pas méfié. Et puis après…

— Donc, tu rêves de le tuer, c’est ça ?

— Je lui aurais volontiers foutu une belle correction, je l’avoue.

— Et c’est ce que tu as fait !

— Eh ! Doucement ! J’l’ai pas touché, votre petit copain !

— Tu sais, j’ai une mauvaise nouvelle pour toi, José… Lorand n’est pas mort ; il a seulement disparu.

Duprat sourit encore, découvrant une étonnante collection de plombages.

— Disparu ? Depuis le 13 ? Et tu penses qu’il est parti aux Bahamas ?! Si vous l’avez pas revu depuis le 13, à mon avis, il est crevé… Quelqu’un lui a réglé son compte et il est en train de se décomposer dans un fossé ou de servir de nourriture aux poissons du Doubs !!

Djamila soupire.

— Si tu parles, il en sera tenu compte…

— Arrête ton char, poulette ! Vous avez rien contre moi ! Rien du tout !…

Les lèvres du capitaine se pincent. Elle lui en collerait volontiers une deuxième.

— Bon, il arrive mon avocat, oui ou merde ?

— C’est bientôt Noël, tu sais… Et Jérémy n’aura pas son papa. Remarque, je peux te couper un doigt ou une oreille et les lui déposer au pied du sapin… Qu’est-ce que t’en penses, Ben ?

Il a tant de mal à penser, désormais.

Il sait juste qu’il végète là depuis dix jours. Et qu’en dix jours, il n’a avalé que deux bouchées de pain et deux cafés sucrés.

Maintenant qu’il connaît cette horrible sensation, il se jure de filer du pognon à Action contre la Faim si par miracle il sort vivant de cet enfer.

— Alors, Benoît ? Tu veux qu’on envoie un petit cadeau à ton fils ?

— J’aimerais juste pouvoir l’embrasser, dit-il d’une voix faible.

— Impossible. Tu ne l’embrasseras plus jamais… Tu ne le verras plus jamais !

Lorand a envie de pleurer mais s’en empêche. Il doit être l’heure de déjeuner ; c’est ce qu’il suppose car il n’y a pas de soleil pour lui servir de pendule aujourd’hui. Juste la pluie et une lumière grisâtre qui lui consume les rétines.

La veille, elle ne l’a pas touché. Juste roué de mots. Et cet après-midi ?…

La peur, constante, nichée dans ses tripes, déploie ses tentacules monstrueux.

Lydia, accrochée à un barreau horizontal, le dévore des yeux.

— Y a longtemps que t’as pas pris une douche, je parie !

— J’ai trop froid, se justifie Benoît.

— Petite nature ! raille la jeune femme. Je te pensais plus costaud ! Tu crois que je vais supporter d’avoir un clébard qui pue dans ma cave ?!

Il serre les mâchoires.

— Alors tu vas aller te laver et fissa !

— Si je prends une douche, tu me rends mes fringues !

Il a pris l’habitude du troc. Elle sourit, retourne s’asseoir sur sa chaise.

— Marché conclu ! Tu auras même droit à des vêtements propres si tu te rases !

— D’accord…

Il ne bouge pas, attendant qu’elle se retire. Mais elle ne semble pas prête à lui accorder un peu d’intimité.

— Je peux avoir de l’eau chaude ?

— Tu rêves ! A la dure, commandant !

— Je vais crever si je me fous sous l’eau froide !

— T’es un homme, oui ou non ?

Même ça, il commence à en douter. Elle ne bouge toujours pas. Il comprend qu’elle ne partira pas tant qu’elle n’aura pas ce qu’elle souhaite.

— Tu veux me mater, c’est ça ?

Il a dit cela sans animosité, comme une simple question. Elle répond d’un silence.

— T’es vraiment tordue… !

— Non, pourquoi ? T’es plutôt agréable à regarder, j’aurais tort de m’en priver !

Il soupire, se lève. La tête lui tourne, comme chaque fois qu’il change de position. Un vertige violent qui l’oblige à se tenir au mur.

— Ça ne va pas, Ben ? ironise Lydia. Tu te sens mal ?! Tu vas pas tomber dans les pommes, au moins ?

Il parvient enfin à tenir debout. Se force à boire sa ration matinale d’eau. Celle qui le maintient en vie depuis dix jours. Lydia n’en perd pas une miette.

— C’est sexy ces hématomes que tu as partout…

Envie de la pulvériser. De la réduire en charpie. Jamais encore il n’avait porté tant de haine en lui… Et la haine pèse lourd.

Il vire son pantalon, son caleçon, entre dans le bac à douche, essayant d’oublier qu’il est l’objet d’une surveillance rapprochée.

Lorsque le jet glacé lui dégringole dessus, il ne peut retenir un cri. Il faut se hâter. Ne surtout pas traîner, sous peine de choper la mort.

En trois minutes il est lavé et séché. Record battu.

— Alors ? demande-t-il en nouant la serviette autour de sa taille. Le spectacle t’a plu ? Tu t’es bien rincé l’œil ?!

Elle hausse les épaules.

— Pas mal… Mais un peu trop rapide !!

— Je peux avoir mes fringues, maintenant ? prie-t-il en réprimant ses claquements de dents.

Elle fouille dans le sac de sport. Lui jette le strict nécessaire aux travers des barreaux. Un jean dont elle a vérifié chaque poche, une chemise, et le reste. Il se rhabille en quatrième vitesse.

— C’était les dernières affaires propres. Faudra que je t’en rachète… Voilà une bonne idée cadeau pour Noël !

— Trop gentil ! bougonne Benoît.

Folle à lier ! Incurable. Même Sigmund Freud s’y serait cassé les dents !

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