Karine Giébel - Satan était un ange

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Satan était un ange: краткое содержание, описание и аннотация

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Deux trajectoires, deux lignes de fuite.
Hier encore, François était quelqu'un. Un homme qu'on regardait avec admiration, avec envie. Aujourd'hui, il n'est plus qu'un fugitif tentant d'échapper à son assassin. Qui le rattrapera, où qu'il aille. Quoi qu'il fasse.
Paul regarde derrière lui ; il voit la cohorte des victimes qui hurlent vengeance. Il paye le prix de ses fautes. L'échéance approche…
Dans la même voiture, sur une même route, deux hommes que tout semble opposer, et qui pourtant fuient ensemble leur destin différent. Rouler droit devant. Faire ce qu'ils n'ont jamais fait.
Puisque l'horizon est bouché, autant tenter une dernière percée. Flamboyante. « Maîtresse du genre, Karine Giébel signe un nouveau thriller implacable. Un très bon roman noir. »
Jean-Noël Levavasseur — Ouest France

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Paul ne songe pas à protester. Ils s’avancent à petites foulées vers les bureaux endormis. Deux voitures attendent sur le parking désert : celle des hommes de main et celle du gardien, sûrement. À moins que… À moins que l’acheteur ne soit déjà arrivé.

La plaque d’immatriculation ne leur laisse aucun doute. Il est déjà là. Mais tant qu’il n’est pas reparti… Paul a hâte de le rencontrer. Pour pouvoir lui régler son compte, une bonne fois pour toutes.

Face à ce genre d’ordures, sa main ne doit plus trembler.

Ils repèrent immédiatement une fenêtre éclairée au troisième étage. L’entrée principale est verrouillée, comme de bien entendu. Mais Paul connaît l’endroit. Ils s’introduisent par une porte dérobée. Il n’y a pas grand-chose de valeur, ici. Pas de système d’alarme sophistiqué.

Ils empruntent les escaliers, avalant les étages sans un mot. Paul souffre. Une ou deux côtes cassées, sans doute. Une impressionnante collection d’hématomes qui promet de fleurir sur sa peau dès cette nuit. Mais tout cela est secondaire.

François est venu le chercher, le sauver. Comme lui va sauver sa sœur, à présent.

Il n’a pas été abandonné, cette fois. Il a trouvé quelqu’un qui tient à lui au point de risquer sa vie pour lui venir en aide.

Oui, tout le reste est secondaire, vraiment.

Davin serre la crosse d’une arme dans sa main droite. Personne ne lui a jamais appris à s’en servir. Mais c’est si simple : enlever le cran de sécurité, presser la détente. Un jeu d’enfant. Le plus dur étant de trouver la force d’appuyer si cela est nécessaire.

La force d’ôter la vie.

— Tu vas les descendre ? murmure-t-il soudain.

Question stupide à laquelle le jeune homme ne prend même pas la peine de répondre.

Évidemment, qu’il va les tuer ! Ne laisser aucun témoin sur son passage. Juste une traînée sanglante.

Une dernière signature.

Ils accèdent au troisième. Paul ouvre la marche dans le couloir étroit, sauvé de l’obscurité par quelques veilleuses éparses. Il avance, à pas de loup, sur le linoléum qui exhale le désinfectant industriel à plein nez. Il repense brusquement à cet homme dans le parking. À cet Alain Desrovières. Il l’a refroidi pour rien, finalement. Non, pas pour rien : pour pouvoir être là ce soir. Pour sortir sa sœur des griffes de ces monstres.

Soudain, ils aperçoivent de la lumière sous une porte. Paul part en éclaireur. Il se faufile dans le bureau voisin, se met à quatre pattes. Grâce à la cloison partiellement vitrée, il peut observer la scène. Il n’y a qu’un seul larbin, assis sur le fauteuil de direction. L’autre a dû se casser. Un mec suffit à garder une enfant de quatorze ans… Sur une chaise, en face, l’acheteur. Ils attendent sans doute Gustave pour conclure la transaction.

— Tu vas attendre longtemps, connard ! chuchote Paul.

Marilena, elle, est assise par terre. Dans sa petite robe rouge, elle a l’air terrifiée.

— J’arrive ma puce !

Mais alors qu’il va rebrousser chemin, le Belge se lève. Il s’accroupit devant Marilena qui replie ses jambes. Il pose une main sur son genou, retrousse sa robe jusqu’à mi-cuisses.

Le chien de garde se marre.

— Faut payer avant de consommer ! braille-t-il avec un sourire obscène.

Court-circuit dans la tête de Paul. Envie de tirer.

Non, agir avec prudence. Ne pas faire n’importe quoi. Il quitte le bureau en quadrupède, se relève dans le couloir. François n’a pas bougé, fidèle sentinelle.

— C’est bon, dit-il d’une voix à peine audible. Ils sont deux mais ne se doutent de rien.

— Qu’est-ce qu’on va faire ? souffle Davin.

— On a l’effet de surprise pour nous. Je propose de pousser la porte et d’entrer. On leur fait déposer leurs armes et ensuite, tu t’en vas avec ma sœur… Tu l’emmènes jusque dans la bagnole. Le reste, je m’en charge. D’accord ?

À ce moment, les cris de Marilena déchirent le silence. François sursaute.

— On y va ! ordonne Paul.

Les deux malfrats restent médusés par cette intrusion fracassante. Les armes braquées sur eux les rendent immédiatement tétraplégiques. Le sbire de Gustave ne lève pas ses fesses du fauteuil et garde la bouche ouverte. Le négrier ôte ses pattes de Marilena, recroquevillée contre le mur. Les jambes nues.

— Viens, Mari…

Elle se relève, bouscule le Belge et se précipite vers son frère. Il la prend contre lui, tout en gardant un bras levé en direction des deux hommes. Il embrasse ses cheveux, constate qu’elle pleure, que sa robe est déchirée.

— François, occupe-toi d’elle, s’il te plaît… Emmène-la. Attendez-moi dans la voiture.

Davin attrape Marilena par le poignet puis ils quittent le bureau. Il accélère le pas, sentant la main terrorisée qui comprime la sienne. La gosse a confiance. Elle a vu cet homme avec son frère, a compris qu’il est son sauveur.

— Allez, viens ! Il faut se dépêcher !

Courir dans le couloir, puis dans les escaliers. Paul a bien agi. Inutile que sa sœur assiste à la double exécution. Juste avant qu’ils n’atteignent la sortie, les deux déflagrations retentissent dans le bâtiment à quelques secondes d’intervalle. Marilena pousse un cri strident.

— C’est rien, ma chérie ! assure François en serrant sa main. Viens…

Il pousse la porte restée entrouverte ; les deux fuyards s’élancent sur le parking…

Paul dévale les étages.

Ça y est, tout est fini. Il va enfin pouvoir…

Premier coup de feu.

Le gamin rate une marche, se rattrape à la rampe.

Seconde détonation.

Il cesse de respirer.

François ? Marilena ?…

Paul se jette à nouveau dans une course effrénée. Le deuxième homme de main ! Encore une négligence qui va lui coûter cher ! Qui va coûter la vie aux personnes à qui il tient le plus au monde…

Il arrive bien vite sur le parking, à bout de souffle.

Deux corps étendus sur le goudron.

Au-dessus de l’un d’eux, sa sœur se penche. S’épanche.

— François !

Il se rue vers son ami, se jette à genoux à côté de lui. Les yeux grands ouverts, Davin suffoque. Ses doigts encore tétanisés sur la crosse de l’arme.

— François !

Sa sœur lui explique, entre deux tremblements, entre deux sanglots. Un type est arrivé, en sens inverse. Il a visé Davin, qui est tombé. Elle a voulu s’enfuir, l’homme l’a rattrapée. Et François a tiré alors qu’il était par terre. Et… Elle ne peut plus parler, fond en larmes. Paul caresse sa joue.

— Ça va aller, Mari… Ça va aller.

Il se concentre sur le blessé. La balle l’a touché à l’épaule gauche, au-dessus du cœur.

Au mauvais endroit.

Il gémit de douleur, maintenant.

— François, tu m’entends ?

— Oui.

— Je vais te sortir de là… Je vais te sauver !

— C’est trop tard, Petit… Je vais mourir.

François se raccroche à ce visage angélique. À ces yeux gris, tristes, noyés. À cette voix qui lui intime l’ordre de tenir.

De ne pas l’abandonner.

À cette voix qui hurle.

Nu !

Enfin, il comprend ce que ce mot signifie. Non.

Puis il sombre, doucement. Rassuré.

Mission accomplie.

« Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente ; souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

« Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,
Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le Repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! »

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