Ils étaient là !
Langdon reporta son attention sur la vitre, remarquant sa teinte verte. Du simple verre anti UV.
Il retira sa veste, l’étala sur la vitrine et, sans hésitation, donna un grand coup de coude. Le verre céda dans un craquement étouffé. Il passa la main entre les éclats acérés et sortit la boîte avec précaution.
Tout de suite, il comprit qu’il y avait un problème. Elle était bien trop légère.
Langdon posa le coffret au sol et l’ouvrit. Comme il l’avait pressenti, il était vide.
Qu’est-ce qu’Edmond avait fait du livre qui se trouvait à l’intérieur ?
Langdon s’apprêtait à refermer la boîte quand il remarqua un détail insolite : un bristol scotché à l’intérieur du couvercle. Un carton beige, avec de jolies lettres gaufrées.
Il lut l’inscription.
Sidéré, il la lut une seconde fois.
Quelques secondes plus tard, il montait en courant l’escalier qui menait au toit de la Casa Milà.
*
Au même instant, au premier étage du Palais royal, Suresh Bhalla s’introduisait discrètement dans les appartements privés du prince Julián. Sitôt qu’il eut trouvé le coffre-fort, il composa le code de secours.
La porte s’ouvrit instantanément.
Il y avait deux téléphones à l’intérieur — le smartphone sécurisé du prince Julián et un iPhone, qui appartenait sans doute à l’archevêque Valdespino.
Il prit l’iPhone. Il frissonna.
Dans quoi se lançait-il…
Il se souvint du message de monte@iglesia.org:
J’ai piraté le téléphone de Valdespino.
Il détient de dangereux secrets.
Le Palais doit avoir accès à ses SMS
De toute urgence.
Suresh ignorait quels secrets le téléphone de Valdespino pouvait recéler et pourquoi l’informateur avait décidé de prévenir le Palais.
Peut-être qu’il voulait limiter les dégâts pour la famille royale ? En tout cas, son devoir était d’enquêter.
Il avait bien songé obtenir un mandat en bonne et due forme, mais les risques de fuites étaient trop grands, et le délai rédhibitoire. Par chance, Suresh avait d’autres moyens, beaucoup plus discrets et efficaces.
Il pressa le bouton Home et le téléphone s’alluma.
On lui demandait un mot de passe.
Aucun problème.
— Salut, Siri. Quelle heure est-il ?
Toujours bloqué, le téléphone afficha une horloge. Sur cet écran, Suresh entra une série de commandes simples : créer un nouveau fuseau horaire pour l’horloge, demander le partage de cette nouvelle horloge par SMS, ajouter une photo, et puis, au lieu d’entrer du texte dans le message, il appuya sur le bouton Home.
Clic.
Le téléphone était débloqué.
Merci, YouTube ! songea en souriant Suresh. Et les propriétaires d’iPhone qui se croyaient protégés avec leur mot de passe !
Maintenant qu’il avait accès au téléphone de Valdespino, il ouvrit la messagerie, prêt à se connecter à l’iCloud pour récupérer les messages que l’archevêque avait effacés. Encore un jeu d’enfant.
Comme il s’y attendait, l’historique était totalement vide.
À l’exception d’une seule entrée. Un SMS arrivé deux heures plus tôt, en provenance d’un numéro masqué.
Suresh l’ouvrit et lut les trois lignes du message.
Sidéré, Suresh relut le texte. Il y avait là la preuve incontestable que Valdespino était impliqué dans un complot.
Quelle arrogance !
Comment pouvait-il prendre le risque de garder ce texto ? Se croyait-il à ce point intouchable ?
Si cela se savait…
Son sang ne fit qu’un tour. Suresh fonça aussitôt au sous-sol pour prévenir Mónica Martín.
L’hélicoptère EC145 survolait la ville à basse altitude. L’agent Díaz observait les lumières en contrebas. Malgré l’heure tardive, il distinguait la lueur bleutée des téléviseurs et des ordinateurs derrière les fenêtres.
Le monde entier suivait les événements.
Cette nuit tout devenait hors de contrôle. Il voyait les problèmes arriver et ce ne serait pas un happy end.
Fonseca montra du doigt un bâtiment, droit devant eux. Díaz hocha la tête.
Difficile de le rater !
Même de loin, l’essaim de gyrophares était immanquable.
Comme il le craignait, la Casa Milà était cernée par des véhicules de police. Les autorités de Barcelone avaient reçu un appel anonyme juste après la déclaration de Mónica Martín.
Robert Langdon avait kidnappé la future reine d’Espagne…
Pur mensonge.
Le piège avait fonctionné. Mais ce n’était pas sans danger. Lancer une chasse à l’homme en impliquant la police locale était périlleux, pas seulement pour Robert Langdon, mais pour la future reine qui risquait de se trouver sous le feu croisé de ces guignols. Si le Palais voulait récupérer sa future reine saine et sauve, ce n’était pas la meilleure méthode. Loin s’en fallait.
Garza n’aurait jamais laissé cette affaire prendre une telle ampleur.
L’arrestation du commandant restait un mystère pour Díaz. À l’évidence, les accusations contre lui étaient aussi fallacieuses que celles proférées contre Langdon.
Mais Fonseca avait reçu ses instructions et obéissait.
Des ordres venus de plus haut…
L’agent observa les lieux. Aucune place pour atterrir. Le carrefour devant la Casa Milà était noir de monde, avec partout des voitures de patrouille et des cars de télévision.
Il y avait aussi ce fameux toit — un grand huit tout gondolé, avec ses escaliers et ses allées pour que les visiteurs puissent admirer la vue — et ces deux puits de lumière, profonds de huit étages.
Impossible.
Non content d’être tout distordu, le toit était défendu par une batterie de cheminées, comme autant de gigantesques pièces d’échecs. Des sentinelles casquées dessinées par Gaudí. On disait que George Lucas s’en était inspiré pour créer les stormtroopers de Star Wars .
Díaz était sur le point de partir à la recherche d’un endroit où se poser sur les bâtiments voisins, quand son regard fut attiré par un détail incongru.
Il y avait quelqu’un parmi les cheminées statues.
Appuyée à la rambarde au bord du toit, la silhouette était vêtue de blanc, éclairée par les projecteurs des chaînes de télévision en contrebas. On aurait dit le pape, s’adressant à la foule de son balcon sur la place Saint-Pierre.
Mais ce n’était pas le pape.
C’était une femme.
*
Tous les projecteurs étaient braqués sur Ambra, mais ce bruit d’hélicoptère était de mauvais augure. Sans perdre de temps, elle se pencha à la rambarde et s’efforça de se faire entendre.
Malheureusement, ses paroles étaient emportées par le vacarme des pales.
Winston avait prédit que les équipes de télé la filmeraient sitôt qu’elle apparaîtrait sur le toit. C’était exactement ce qui s’était produit. Mais la suite du plan avait échoué.
Ils ne pouvaient entendre ce qu’elle leur disait !
Le toit de la Casa Milà était trop haut, et la rue en contrebas trop bruyante. Et, à présent, avec le bruit de l’hélicoptère, c’était peine perdue.
— Je n’ai jamais été kidnappée ! hurla-t-elle à nouveau. C’est un mensonge ! Je ne suis pas l’otage de Robert Langdon !
« Vous êtes la future reine d’Espagne, lui avait rappelé Winston quelques minutes plus tôt. Si vous demandez qu’on arrête cette chasse à l’homme, la police vous écoutera. Votre déclaration va créer de la confusion. Personne ne saura plus quel ordre suivre. »
Winston avait raison. Mais personne n’avait entendu Ambra.
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