Bernard Minier - Une putain d’histoire

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Une putain d’histoire: краткое содержание, описание и аннотация

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Une île boisée au large de Seattle…
« Au commencement est la
.
La
de se noyer.
La
des autres,
ceux qui me détestent,
ceux qui veulent ma peau Autant vous le dire tout de suite :
Ce n’est pas une histoire banale. Ça non.
c’est une putain d’histoire.
Ouais,
… »

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Il a tendu un bras.

« Vous pouvez m’aider ? »

Kayla l’a pris sous une aisselle et l’a aidé à se relever. Il a grimacé. Nous n’avons pas bougé.

« Il éprouve sans doute un sentiment de toute-puissance en ce moment, il va vouloir se vanter, jouer avec le feu, il va commettre des erreurs… »

Il s’est appuyé contre l’évier et nous a observés.

« Et vous, les mômes ? Est-ce que vous n’avez rien à cacher ? Est-ce que vos vies sont nickel-chrome, pas le moindre petit secret nulle part ? Ou est-ce qu’il y a des trucs que vous n’aimeriez pas que les autres sachent ? Des trucs dont vous avez honte… Des trucs que pour rien au monde vous ne voudriez voir dévoilés devant vos potes, votre petite copine, vos parents ou le reste de la classe… Ne répondez pas, je connais la réponse.

— Vous allez porter plainte ? ai-je demandé.

— Avec ce que vous savez sur moi ? Vous rigolez ! Foutez le camp, maintenant. Dehors. »

Il matait ses pieds. Il avait l’air épuisé. Nous l’étions tous.

Nous sommes ressortis en silence par la porte de devant. Sonnés, incrédules.

Cette île que nous pensions connaître, que nous arpentions depuis si longtemps nous révélait peu à peu des aspects plus souterrains, plus sinistres… Soulevant toujours plus de questions : est-ce que Naomi me soupçonnait d’être le maître chanteur ? Est-ce que c’était elle ? Est-ce qu’elle avait elle-même été victime d’un chantage ? « La nuit nous attend », avait dit le prêtre à l’église. Pas exactement : elle était déjà là.

23.

Conversation

Noah Reynolds entra au Jolly Roger et il chercha Bernd Krueger des yeux.

Le shérif était assis à une table dans le fond, après le bar, près du poêle. Il portait un coupe-vent bleu et un pantalon marron. Noah promena son regard sur la salle. Il y avait des filets de pêche sur les murs lambrissés, un jeu de fléchettes, de vieilles publicités et même un espadon en plastique. Deux types au bar coiffés de casquettes, perchés sur des tabourets, et deux filles en jean au billard. Il régnait une agréable chaleur quand on arrivait du dehors ; des flammes léchaient la vitre noircie du poêle. On était dimanche soir et, dans la pénombre, quatre écrans télé diffusaient ou rediffusaient les matches du week-end en sourdine : base-ball, basket, football, soccer…

« Salut, Bernd, dit Noah en s’asseyant.

— Ça fait une paie, Lincoln », commenta Krueger en lui serrant vigoureusement la main.

C’était le surnom de Noah lorsqu’ils étaient tous deux au Seattle Police Department — Krueger à l’unité Vols et Cambriolages, Reynolds aux Homicides. À cause de son visage allongé, des bouquins qui traînaient sur son bureau. Et peut-être aussi de sa silhouette de Grand Inquisiteur. La plupart des flics du SPD enviaient à Noah ses états de service et, pour cette raison, ils avaient tendance à devenir sarcastiques dans son dos. Ajouté à cela le fait qu’il ne se joignait jamais aux pots après le boulot, qu’il manquait d’humour et qu’on ne lui connaissait aucune liaison, les rumeurs allaient bon train à l’époque.

« Tu ne me demandes pas ce que je deviens ?

— Je me suis renseigné. Il paraît que tu traînes dans le coin depuis quelques jours… et que tu es dans le privé, maintenant… Qu’est-ce que tu cherches chez moi, Noah ?

— Un gosse », répondit Reynolds.

Il avait décidé de jouer franc-jeu : il espérait que le shérif allait relancer la conversation, mais il n’en fit rien. Il préférait laisser Noah venir.

« Grant Augustine, ça te dit quelque chose ? »

Krueger haussa les épaules en signe d’ignorance — ou d’indifférence. Puis il leva les yeux vers un des écrans télé.

« Un type qui a fait fortune en travaillant pour le secteur de la Défense. Il se présente au poste de gouverneur de Virginie…

— En quoi ça me concerne ?

— On lui a enlevé son fils, il y a des années. À la naissance… Depuis cette époque, il le cherche partout. »

Krueger ne manifesta aucun intérêt particulier, même pas une attention polie.

« Certaines informations que nous avons reçues récemment nous laissent à penser que le gamin pourrait se trouver sur une de tes îles… »

Cette fois, Noah constata qu’il avait réussi à éveiller la curiosité de son interlocuteur. Krueger baissa les yeux sur lui.

« Un fils, tu dis ? (Il avait demandé cela en mettant toute l’impassibilité dont il était capable dans sa voix.) Disparu à la naissance… Sacrée histoire… Et il aurait quel âge aujourd’hui ?

— Seize ans.

— Et c’est pour le retrouver que tu es ici ? »

Noah opina. Krueger le scruta, pensif.

« Et tu as une idée de l’époque à laquelle il serait arrivé ici ?

— Pas la moindre. Ça peut être il y a seize ans comme l’année dernière…

— Elle est bizarre, ton histoire.

— Je sais.

— Un kidnapping… Pourquoi ton Augustine ne s’adresse-t-il pas au FBI ?

— Mon… employeur … ne veut pas effrayer le gibier… et il est le plus gros sous-traitant de la NSA, expliqua Noah avec un clin d’œil. Il a encore plus de moyens que le FBI et la CIA réunis.

— Ouais, ouais… comme pour les armes de destruction massive en Irak et le 11 Septembre, hein ? riposta Krueger avec un autre clin d’œil. S’il a autant de moyens, comment ça se fait qu’il ne l’ait pas encore retrouvé ? »

Noah leva les mains en signe de reddition.

« Bonne question, Bernd. Bonne question… »

Krueger avait terminé sa bière, il fit un signe au barman.

« Et qu’est-ce que tu attends de moi ?

— Que tu me parles de cette fille qui a été assassinée.

— Tu as évoqué un fils, pas une fille…

— C’est son petit copain qui m’intéresse…

— Henry ? »

Noah revit le gamin ténébreux en compagnie de ses potes sur le parking des ferries. Il avait failli lui rentrer dedans en pénétrant dans les toilettes du ferry, un jour — et Noah savait que le garçon l’avait repéré. Pourquoi un adolescent de seize ans était-il à ce point sur ses gardes ? Puis il avait découvert l’article dans le journal…

« Ce gosse n’a pas de profil Facebook à son nom, pas de photo sur Internet — rien.

— Tu es bien renseigné, on dirait. Et alors ?

— Tu ne trouves pas ça bizarre ? »

Krueger haussa les épaules.

« Je crois savoir que ses deux mamans ont des opinions bien arrêtées sur ce qui est bon ou pas pour leur gosse… Et toi, Noah, toujours pas de gosses ? Comment va Elizabeth ? »

Noah encaissa.

« Il est élevé par deux lesbiennes ? » demanda-t-il.

Krueger acquiesça.

« Adopté ? »

De nouveau, Krueger fit un signe positif.

« À quoi elles ressemblent ? »

Krueger haussa les épaules.

« L’une est petite et brune, l’autre grande et blonde. Elles tiennent un bed and breakfast en dehors de la ville. Et la blonde travaille à Redmond pour faire bouillir la marmite… La brune joue aussi du violoncelle, si ça peut t’aider, ajouta Krueger en mimant le geste d’un musicien en train de jouer.

— Quel âge ?

— La quarantaine… »

Noah sentit son excitation croître. Était-il possible qu’il eût tapé dans le mille aussi facilement ?

« Ce gamin, il fait partie de vos suspects ? »

Krueger hésita. Il n’aimait pas spécialement Noah, mais il n’avait rien contre lui non plus. Noah Reynolds avait été un bon flic.

« Il est même notre suspect n o 1, dit-il.

— Explique…

— La gamine était enceinte. »

Noah eut le plus grand mal à dissimuler la bouffée de chaleur qui lui montait au visage. Tout à coup, il se sentit des fourmis dans les jambes. Bon sang, qui disait fœtus disait… ADN !

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